Intervention de Amélie de Montchalin

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 juin 2021 à 9h00
Numérisation de la justice — Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice et Mme Amélie de Montchalin ministre de la transformation et de la fonction publiques

Amélie de Montchalin, ministre :

Dans le plan de relance, 200 millions d'euros sont consacrés aux outils des agents publics, 200 millions d'euros aux démarches numériques, et 80 millions aux collectivités. À chaque fois que nous appuyons et finançons un projet, nous testons les applicatifs métiers avec les agents. Dans l'ensemble de la politique de transformation de l'État, nous sommes passés à une logique d'amélioration continue, en rupture totale avec les périodes précédentes. Pour résumer, dans de nombreux cas, un cahier des charges était signé, et au bout de quelques années, le projet était livré. Le travail était ensuite considéré comme terminé - que cela fonctionne parfaitement ou non ! Aujourd'hui, nous utilisons ce que l'on appelle la méthode « agile », une méthode de développement des outils numériques qui permet de procéder par « petites briques », qui sont testées en permanence et à chaque étape avec les agents et les usagers. Ce « changement de braquet » nous permet aujourd'hui d'atteindre 73 % de satisfaction dans les démarches numériques en ligne du quotidien. C'est pourquoi l'échange avec le ministère de la justice est à mes yeux très fructueux : nous apportons non seulement des moyens, mais aussi une méthode efficace, qui a mené au rétrécissement des délais. Ce schéma s'applique à l'ensemble de la politique numérique de l'État telle que je la pilote aujourd'hui. Ceci étant dit, il faut ensuite traiter les difficultés qui sont remontées au niveau central via les différents points d'accès que nous avons mis en place. Nous le faisons d'ailleurs très bien au travers de « service public plus », qui permet aux usagers de faire remonter une expérience, quelle qu'elle soit, dans n'importe quel service public, pour que nous prenions connaissance des difficultés et que nous les traitions. Cela participe également de la démarche de simplification qui consiste à ne pas multiplier les lois, car beaucoup de ces transformations peuvent se mettre en place en continu.

Concernant l'Agence nationale des titres sécurisés, je vous invite à vous rendre sur le site internet « observatoire.numerique.gouv.fr ». Vous y trouverez les 250 démarches numériques les plus usuelles des Français, évalués au travers de huit critères, comme la satisfaction, la rapidité de connexion, ou encore la possibilité d'obtenir un service de support si l'on est coincé dans sa déclaration. Là encore, nous sommes dans une démarche d'amélioration continue et transparente. Ces chiffres sont présentés chaque trimestre en conseil des ministres, et ils ont un véritable impact politique, puisque 80 % de l'accès des citoyens aux services publics se fait aujourd'hui par l'outil numérique.

Oui, nous avons recours à des développeurs extérieurs au ministère. D'une part, il est pour moi nécessaire d'écouter la Cour des comptes, qui rapporte que seuls 31 % des projets sont aujourd'hui internalisés. L'objectif est de monter à 37 %, ce qui conduirait à embaucher 400 chefs de projet expérimentés. Ré-internaliser la compétence est une politique que je mène très activement pour le compte de tous les ministères. Certains recrutements sont effectués par les ministères directement, d'autres par la direction interministérielle du numérique, qui re-déploie ensuite ce que l'on appelle des brigades d'intervention numérique sur les projets.

D'autre part, le sujet de l'hébergement de données, le cloud, doit être absolument traité. Nous avons pour cela deux options. La première est d'utiliser un cloud interne, à l'image de ceux de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et du ministère de l'intérieur. Si un nouveau projet très régalien a besoin d'être hébergé par un cloud interne sécurisé, c'est possible : les investissements seront réalisés, mais toujours dans le cadre d'une interministérialité, afin de maitriser les coûts. L'autre possibilité est d'avoir recours à un prestataire de cloud externe. Dans ce cas, nous avons fixé deux critères que je vous ai présentés. Un label de sécurité, intitulé « cloud de confiance », est délivré par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, qui vérifie en premier lieu des éléments comme le cryptage ou la sécurisation des données contre les cyberattaques. En deuxième lieu, l'enjeu est que ces données soient protégées contre les lois extraterritoriales. Cela fait suite à l'arrêt Schrems de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui avait acté la nécessité de protection des données européennes, notamment contre le cloud act américain.

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