Intervention de Christine Valentin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 3 juin 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur le thème « être agricultrice en 2021 »

Christine Valentin, première vice-présidente de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) :

Bonjour à toutes et à tous. Merci Madame la présidente. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je vais essayer de les compléter sans trop de répétitions.

Je pense que nous devons intervenir bien avant la formation agricole. Jacqueline Cottier l'a dit, de nombreuses actions sont menées dans les écoles primaires. La semaine dernière, nous avons pu emmener des élèves dans la ferme, et notamment des jeunes filles. Il est important de leur faire découvrir ce métier et de leur prouver qu'il est accessible aux femmes. Aujourd'hui, même si nous rencontrons encore des difficultés, il est possible de devenir agricultrice. Le montrer peut susciter des vocations chez les enfants.

Un travail doit également être mené à l'intérieur des écoles, au travers des conseillers d'orientation et des stages de découverte en quatrième et troisième. Très peu d'élèves, et encore moins de filles, nous demandent de réaliser des stages d'une semaine au sein de nos exploitations. Nous pourrions pourtant susciter ou conforter des vocations par ce biais. La lutte contre les stéréotypes selon lesquels le travail à la ferme serait un métier d'homme doit être poursuivie, même si nous avons déjà progressé ces vingt dernières années.

Un nombre croissant de filles s'inscrivent dans les formations agricoles. Lors de mes études agricoles, nous étions quatre filles pour vingt-trois hommes. Aujourd'hui, la parité est presque atteinte. Pour autant, peu de ces filles deviendront cheffes d'exploitation, du moins dans un premier temps. Nous en retrouvons beaucoup dans les organisations professionnelles agricoles (OPA), qui ont d'ailleurs beaucoup de mal à recruter, chez les femmes comme chez les hommes. Nous peinons à mobiliser des personnes intéressées par l'agriculture. Attirer des gens vers la ruralité constitue un réel sujet.

Au cours de ces formations agricoles, nous rencontrons des difficultés s'agissant de l'accueil des jeunes filles au sein des exploitations. Un travail important doit être mené sur les stages obligatoires. Les jeunes filles ont beaucoup de mal à trouver des maîtres de stage agriculteurs, car certains jugent - parfois involontairement - qu'une femme a moins de force ou de compétences pour conduire un tracteur. Ils l'imaginent plutôt dans l'élevage ou le maraîchage, mais pas nécessairement dans la culture ou la récolte de fourrage. Ils ne la voient pas apporter la même aide qu'un homme. Les maîtres de stage doivent impérativement être sensibilisés. Bien que les chambres d'agriculture travaillent sur le sujet, nous avons encore des progrès à faire, me semble-t-il.

Je pense que nous pourrions mettre en place un module en cours de scolarité, de quelques heures, permettant aux futurs agriculteurs et chefs d'entreprise de mieux connaître leurs droits en matière de service de remplacement, de prise en charge d'une partie des remplacements durant les congés, d'accès au fonds de garantie pour la formation. Nous constatons, lorsque les jeunes mettent en place leur projet d'installation, qu'ils connaissent assez mal leurs droits sociaux, qui faciliteraient pourtant leur vie professionnelle et l'installation des femmes, souvent mamans et assumant des responsabilités à la maison. Elles ne bénéficient pas d'un certain nombre de droits, faute de les connaître. Les dispositifs existants faciliteraient pourtant fortement leur métier de chef d'entreprise. C'est bien une réelle entreprise dont il s'agit, avec une exigence de réussite et un business plan à respecter. S'y ajoutent un investissement important lors de l'installation avec des emprunts à rembourser. Nous avons un devoir de réussite. Nous devons exercer les droits auxquels nous pouvons prétendre pour améliorer cette situation et pour inciter davantage de femmes à venir vers l'agriculture.

Côté statut, vous avez évoqué cette reconnaissance du conjoint dans la transparence des GAEC, ayant permis, depuis 2015, de voir une augmentation très forte des cheffes d'exploitation. Le statut de conjoint-collaborateur a effectivement permis de reconnaître les agricultrices, qui travaillaient jusqu'ici dans l'exploitation. Un statut temporaire suffit amplement, je rejoins mes collègues sur ce sujet.

La revalorisation des retraites, annoncées il y a peu par le Premier ministre, doit s'adresser aux agricultrices d'aujourd'hui mais aussi d'hier. Celles qui sont désormais à la retraite n'ont pas forcément cotisé pendant toute leur vie de travail, lorsqu'elles n'étaient pas nécessairement reconnues. Nous devrons selon moi nous battre pour qu'elles arrivent à une revalorisation complète de leur retraite.

Nous devons également porter une certaine vigilance aux années de congés maternité ou parental. Ces années ne comptent pas dans les cotisations lors du départ en retraite. Nous devons absolument faire quelque chose. Ces femmes n'ont pas contribué à l'exploitation, mais ont souvent pris quelqu'un pour les y remplacer, pour que la ferme continue à rapporter de l'argent. Souvent, l'exploitante a été remplacée par un salarié. Elle a suspendu son statut, sans pour autant arrêter d'être responsable de son métier et de son engagement. Là aussi, nous avons un pas à faire dans la reconnaissance de ces années.

Nous avons évoqué rapidement la promotion des femmes et la manière d'en attirer davantage vers ce métier. Dans notre département, nous avons créé le Prix de l'installation, que nous décernons à l'installation nous paraissant la plus atypique ou différente. Mixte à l'origine, il est depuis quelques années scindé en deux prix, un masculin et un féminin.

Voilà ce que je comptais mettre en avant ce matin concernant le métier d'agricultrice et l'accès à cette profession.

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