Intervention de Anne Gautier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 3 juin 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur le thème « être agricultrice en 2021 »

Anne Gautier, vice-présidente de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), présidente de la Mutualité sociale agricole (MSA) Maine-et-Loire :

Merci à mes collègues et aux rapporteurs. Merci, Madame la présidente, de cette invitation à cette table ronde. C'est avec plaisir que j'interviens une nouvelle fois au sein de cette délégation.

Avant de vous répondre, permettez-moi de vous communiquer quelques chiffres sur la population féminine non salariée en activité. En 2019, celle-ci se compose de 107 100 cheffes et 19 300 collaboratrices d'exploitation, soit un total de 126 500 femmes, représentant 27,1 % des non-salariés. Près d'un chef d'exploitation sur quatre est donc une femme, chiffre stable depuis une décennie. Ces femmes sont en moyenne plus âgées que leurs homologues masculins, leur âge moyen s'élevant à 51,7 ans, stable depuis 2018, contre 48,3 ans chez les hommes. 20,7 % de ces femmes ont plus de 60 ans, contre 12 % des hommes, ce qui révèle bien le profil de nos fermes et la proportion de femmes qui ne deviennent cheffes d'exploitation qu'après le départ en retraite de leur conjoint. Enfin, les femmes sont très présentes dans l'agriculture dite traditionnelle : culture de céréales, élevage bovin, lait. Elles sont surreprésentées dans les filières d'élevage porcin et avicole, qui sont souvent sur des exploitations au départ céréalières, des ateliers secondaires, puis développées lors de l'installation de madame.

Pour renforcer la place des femmes en agriculture, les caisses de MSA proposent, dans le cadre de leurs actions, des ateliers ou soirées thématiques leur étant spécifiquement consacrés. Ces réunions, organisées la plupart du temps avec des associations locales, permettent d'échanger sur les expériences professionnelles et les problématiques que certaines rencontrent dans le cadre de leur activité. Elles sont souvent organisées à l'initiative de nos délégués cantonaux. Elles permettent de créer un lien entre la vie professionnelle et la vie privée. Elles constituent également une occasion d'informer les femmes sur les différentes mesures de prévention sanitaire, l'action sociale, les risques psychosociaux, proposées par le régime agricole. Si les femmes le souhaitent, elles peuvent être orientées vers d'autres programmes d'accompagnement à l'image d'Avenir en soi, permettant de faire face à une période difficile en termes économiques, familiaux ou de santé, de se poser et de reprendre son activité plus sereinement, en proposant des solutions pour s'adapter. L'atelier Estime de soi délivre quant à lui des conseils pour retrouver confiance en soi, cette problématique se retrouvant souvent chez les femmes. Les rendez-vous prestations sont également très utiles, puisqu'ils permettent de faire le point sur toutes les prestations sociales auxquelles elles peuvent prétendre. Nous devrions le faire régulièrement, un certain nombre de prestations n'étant pas sollicitées, notamment chez les agricultrices.

La MSA rencontre également les femmes en milieu rural, dans le cadre de manifestations publiques, même si depuis un an et demi nous en sommes bien sûr privées. Nous apercevons le bout du tunnel et espérons pouvoir organiser à nouveau dans les foires et salons un stand consacré aux femmes. Nous pouvons également citer l'exposition Portraits de femmes accompagnée d'une ou plusieurs formations autour du bien-être. Nous développons parfois des ateliers massages ou maquillage autour de cette exposition. Je ne m'attarde pas sur le sujet que ma collègue Patricia Saget-Castex a développé lors de votre table ronde du mois de janvier concernant la vraie problématique qu'est la santé des femmes en milieu rural. Bien que, je le concède, nous devions être reconnues de la même manière dans le métier d'agricultrice, nous sommes toutefois physiologiquement différentes des hommes. Ces différences peuvent nécessiter des adaptations de nos postes de travail ou de notre matériel. Les fortes charges ou les vibrations peuvent avoir sur nous des conséquences physiques d'une autre nature que sur le corps de nos collègues masculins. Il est important que les femmes soient accompagnées par nos services de prévention pour améliorer l'utilisation des outils-machines en fonction de ces besoins spécifiques.

Le sujet du congé parental n'est pas spécifique à l'agriculture, mais y présente certaines particularités. Je pense qu'il y a eu lors de sa mise en place un réel défaut d'informations quant à ses conséquences sur la retraite. Les premières femmes en ayant bénéficié arrêtent actuellement leur activité et découvrent qu'elles n'ont pas acquis de droits au titre de ces années. Nous devons les en informer, non pas pour les dissuader de prendre un congé parental, mais pour leur permettre de le prendre en toute connaissance de cause. Nous devons adapter ce statut et faire évoluer la réglementation, pas uniquement pour les agricultrices, mais pour toutes les femmes dans ce pays, en congé parental pendant un, deux ou trois ans.

Le cliché des femmes sur un tracteur me fait sourire. Je me suis installée en 1992, mon mari en 1986. J'étais donc conjointe d'exploitant, comme cela se faisait à cette époque. Dès 1986, j'allais livrer les céréales à la coopérative avec ma benne. Permettez-moi de vous dire que les premières livraisons étaient assez ubuesques ! Vous le savez, les tracteurs ont évolué au fil du temps. Ce n'était pas aisé à cette époque. Lorsque j'arrivais devant les silos pour livrer ma benne de céréales, je faisais face à deux cas de figure. Je voyais d'un côté tous les hommes observer, dubitatifs, mes manoeuvres, même si certains témoignaient de la bienveillance à mon égard. S'ils étaient interrogatifs au début, ils ont ensuite pris plaisir à échanger avec moi. La persévérance nous permettra d'être reconnues. Nous devons déployer sans doute plus d'efforts que les hommes, mais nous ne devons cependant pas nous décourager. Dans un premier temps, nous devons toujours affronter des regards interloqués, un peu moqueurs. Certains hommes, je pense, font preuve d'un sexisme involontaire. Il est volontaire chez d'autres. En tout cas, j'encourage les jeunes générations d'agricultrices à ne pas se laisser intimider. Si ma génération a réussi, il n'y aucune raison qu'elles n'y parviennent pas.

Je reviens sur une problématique évoquée par l'une des premières intervenantes concernant le travail en couple et les revenus insuffisants pour cotiser doublement à la MSA. J'estime que lorsqu'il y a du travail pour deux, il devrait y avoir du revenu pour deux. Nous ne devons pas sacrifier la femme. C'est parfaitement scandaleux. C'est pourtant ce que nous entendons souvent. Je m'exprime ici en tant que présidente de MSA. Lorsque j'entends des hommes ou des femmes nous dire, avec des mots différents, que les cotisations sont beaucoup trop élevées et qu'il n'est pas possible d'en payer pour deux, alors même que la femme est occupée à temps plein sur l'exploitation, j'y vois un problème de revenu et non de cotisations ou de MSA. Nous devons être capables de dégager suffisamment de revenus sans avoir un statut social dégradé sous prétexte que l'on est une femme.

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