Merci. Je vais rebondir tout de suite sur les propos de Mme Pisani concernant le Covid. La Confédération paysanne a écrit au ministère de l'agriculture afin d'obtenir le droit de faire garder nos enfants dans les écoles. J'ai personnellement deux enfants à l'école primaire, et un autre en sixième. Lorsque je les emmène à l'école, je sais qu'ils y sont, et je peux travailler pendant ce temps-là. Je n'ai pas à me noyer sous les devoirs et à les emmener à droite à gauche. Nous avons écouté le discours du Président de la République, qui a remercié les agriculteurs de toujours travailler et de tenir pour nourrir la population. Il a compté sur nous. Nous aussi, nous comptions sur lui. Manque de chance, nous avons dû garder nos enfants sur les tracteurs. Il était compliqué de les gérer simultanément avec la ferme. J'exprime ce regret sincère au nom de toutes les agricultrices mamans.
Il est vrai que des mesures ont été mises en place par le ministère de l'agriculture pour garder les enfants. C'était tout de même très compliqué en raison de la masse de tâches et de la somme d'heures que nous passons chaque jour au travail. Nous aurions été soulagés d'envoyer nos enfants à l'école pour leur garantir un enseignement ou une aide des institutrices. Je vous rejoins tout à faire sur ce sujet.
Je vais à présent évoquer le congé maternité. Son élargissement est formidable, tout comme le zéro reste à charge. Je partage toutefois l'avis de mes collègues et des syndicats, et j'affirme que le service de remplacement n'est pas à la hauteur de nos professions. Imaginez-vous, dans le monde de l'artisanat, un boulanger envoyé pour réaliser des tâches de maçonnerie ? L'agriculture comprend de multiples métiers. Nous comptons des apiculteurs, des éleveurs de cochons, de vaches allaitantes... Le secteur est tellement varié. Comment voulez-vous que le service de remplacement, ne comptant pas suffisamment de salariés, soit compétitif et compétent dans tous les domaines ? C'est tout simplement impossible.
Je vous parlais tout à l'heure d'Élise, la céréalière bio, actuellement en congé maternité. Elle n'a trouvé personne pour la remplacer. C'est son époux qui se charge de ses tâches. Elle a droit aux 1 500 euros versés par la MSA, mais qui s'occupe du travail ? Le service de remplacement n'est pas à la hauteur des demandes.
J'ai passé un très grand nombre de coups de téléphone avant cette table ronde. J'ai eu l'occasion de discuter avec une jeune maman, Magalie. Elle a pris des vacances pour ses enfants. Elle a téléphoné au service de remplacement deux mois plus tôt, en espérant pouvoir compter sur lui. Il lui a été répondu par l'affirmative. Elle a finalement reçu un appel trois jours avant de partir, lui annonçant que finalement, personne ne pourrait la remplacer. À un moment donné, j'estime nécessaire de bouleverser quelque chose dans ce service de remplacement, qui n'est pas à la hauteur des demandes sur le terrain. Pour les futures mamans, il va réellement falloir revoir ce dispositif. Je ne dis pas du tout que les salariés ne sont pas compétents. Ils sont à mon sens trop peu nombreux. Je conçois de plus qu'il n'est pas possible d'être polyvalent sur toutes les agricultures. Il n'existe en effet pas une agriculture, mais des agricultures, avec des agriculteurs, des fermes différentes.
Je poserai un autre problème. Lorsque vous êtes seul sur votre exploitation, il peut arriver que vous soyez arrêté du jour au lendemain, en cas d'hospitalisation par exemple. Ce fut mon cas. Dans cette situation, comment pouvez-vous expliquer au service de remplacement où se trouve l'eau, comment soigner les vaches, quelle bête rencontre des soucis et doit recevoir des antibiotiques ou de l'homéopathie ? Parfois, ce dispositif fait face à des problèmes de terrain. Je préfère insister sur ce sujet.
Je ne dirai pas qu'il s'agit uniquement d'un problème de service de remplacement. Les agriculteurs sont aussi un peu coupables. Certains sont encore très frileux pour confier leur exploitation à une personne étrangère. Ils doivent accepter que quelqu'un d'autre puisse travailler chez eux.
Il est vrai qu'il n'y a normalement aucun reste à charge en cas de maternité. Ce zéro reste à charge s'applique toutefois sur une semaine de 35 heures. Or qui travaille 35 heures par semaine dans l'agriculture ? Personne. En exploitation de vaches allaitantes, nous nous approchons davantage de 70 heures de travail hebdomadaires. Le reste à charge demeure donc !
Il existe des solutions. En Haute-Savoie, une agricultrice a réussi à obtenir un mi-temps et demi sur son exploitation pour faire ses fromages. Il est important d'observer le terrain et ses réalités, de s'intéresser aux besoins concrets des agricultrices lors de leur congé maternité. La MSA devrait éventuellement s'approcher du terrain et traiter les situations au cas par cas. Si un type d'agriculture nécessite un certain nombre d'heures de travail par semaine, le zéro reste à charge devrait y être adapté.
Je pense avoir fait le tour de la question en matière de congé maternité. Je vais désormais évoquer la garde des enfants, en me servant de mon expérience personnelle. J'ai eu des jumeaux et une petite fille. Pour m'en occuper, j'ai fait appel à l'ADMR (Aide à domicile en milieu rural) le vendredi et le soir, à la halte-garderie du village voisin, à douze kilomètres de chez moi, et à une nourrice. J'avais donc trois modes de garde différents pour mes enfants. J'ai dû effectuer une vraie gymnastique, et je ne suis pas la seule. C'est très compliqué. Le personnel de l'ADMR est vieillissant. Ce service rural peine à recruter et à garder ses recrues sur du long terme. C'est un vrai problème sur les territoires. Il est primordial de trouver des solutions pour aider les agriculteurs et agricultrices à faire garder leurs enfants.
Vous évoquiez les formations pour les agricultrices. Il en existe déjà en Vendée. Le Covid, s'il a évidemment eu des impacts négatifs, a également eu un effet positif. Je parle bien entendu du développement de la visioconférence. Il existe des formations à distance permettant de se retrouver physiquement une fois par mois, par exemple. Le présentiel permet aux femmes de sortir de leur exploitation, tandis que le distanciel permet d'alléger leur charge en termes de transport et de vie familiale. Nous, les agricultrices, prenons en effet à notre charge la maison, les enfants, la ferme, mais nous souhaitons également nous engager dans diverses associations. Nous devons gérer des charges très importantes au quotidien. Nous commençons à être aidées par nos maris, les mentalités des jeunes époux étant différentes de celles des générations plus anciennes. Les agriculteurs un peu moins jeunes commencent eux aussi à changer, nous le voyons. Nous ne devons pas regarder uniquement le côté négatif. Les mentalités évoluent. Les hommes souhaitent également s'impliquer dans l'éducation des enfants. Le pas est franchi, mais nous aurons encore besoin de quelques années pour que ces changements soient effectifs. À la sortie de l'école primaire, je ne vois toujours aucun papa. C'est encore cela, la réalité du terrain.