Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous appartient aujourd'hui de nous prononcer définitivement sur le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Ce projet de loi était très attendu. Il concerne en effet trois millions de femmes et d’hommes – artisans, commerçants et exploitants agricoles – qui créent des emplois et des richesses et font vivre nos territoires, ruraux en particulier.
Ce projet de loi était aussi attendu par nombre de nos concitoyens. Je pense notamment aux chômeurs âgés de quarante-cinq ans ou cinquante ans qui, en cette période de crise, n’ont plus l’espoir de retrouver un travail, sauf à créer leur propre activité.
Je ne reviendrai pas sur la bonne intention qui sous-tend ce projet de loi, à savoir réformer le statut de l’entrepreneur individuel pour le protéger, lui et sa famille, des conséquences désastreuses d’une faillite. La création du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est une initiative louable, à laquelle on ne peut qu’adhérer, puisqu’elle vise à mettre fin au principe d’unicité du patrimoine des entrepreneurs en nom propre. Ce principe, énoncé à l’article 2284 du code civil, a en effet pour conséquence de rendre l’entrepreneur responsable sur l’ensemble de ses biens, y compris sur son patrimoine personnel.
Cette réforme, beaucoup d’entrepreneurs individuels l’attendaient depuis plus de trente ans. Pendant toutes ces années, les mesures se sont succédé – je pense à la création de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à la déclaration d’insaisissabilité de la résidence personnelle de l’entrepreneur –, mais, à l’évidence, aucune n’a donné pleinement satisfaction.
Le texte adopté en commission mixte paritaire prévoit de limiter de manière significative le risque encouru par l’entrepreneur de voir ses biens propres ou sa maison saisis par ses créanciers professionnels. En réalité, rien n’a réellement été mis en place pour empêcher les détournements de l’esprit du texte qui, n’en doutons pas, ne manqueront pas de survenir dès l’entrée en vigueur des dispositions de cette loi.
En quoi l’existence d’un patrimoine affecté empêchera-t-elle les établissements de crédit d’exiger des sûretés réelles, constituées sur un bien du patrimoine personnel, pour garantir un emprunt nécessaire à la poursuite de l’activité et d’en faire la condition de l’obtention du prêt ? Nous n’avons pas non plus la certitude qu’après l’adoption de ce projet de loi les entrepreneurs individuels aient vraiment les moyens d’accéder au financement de leur activité sans mettre en péril les biens nécessaires à leur famille.
Pour l’heure, l’efficacité du projet de loi est soumise à une contrainte majeure. Ses conséquences sur la création d’entreprises pourraient être en pratique atténuées, puisqu’il se limite à aborder la question de la protection du patrimoine personnel en cas de faillite de l’entreprise.
Or, aujourd’hui, la problématique fondamentale des entrepreneurs individuels tient moins au remboursement des crédits en cas de faillite qu’à l’accès même aux prêts bancaires. En ce sens, l’affectation d’une partie du patrimoine à l’entreprise individuelle limite les garanties offertes aux banquiers dans le cadre de l’accès des entrepreneurs au crédit bancaire. Pour un euro prêté, il est fort possible qu’il leur soit toujours demandé un euro de caution, quelle que soit la configuration du patrimoine affecté.
J’attendais, je l’admets, un dispositif plus ambitieux en matière de crédit, car j’ai souvent fait, comme de nombreux élus, le constat terrible du rapport de force qui existe entre l’emprunteur et son banquier. Le texte aurait pu être l’occasion de proposer des mesures fortement correctrices, préventives et incitatives. Ce n’est malheureusement pas le cas.
Certes, la transformation de la structure d’OSEO, introduite dans le texte sur l’initiative de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de son rapporteur pour avis, et adoptée par la commission mixte paritaire, était nécessaire, et nous y sommes favorables. Toutefois, sur le principe, il est regrettable que ce soit une fois de plus l’argent public, détenu et géré par OSEO, qui serve à atténuer les contraintes fortes imposées par les banques dans l’accompagnement des entreprises individuelles. Une telle mesure ne remédiera pas à la situation actuelle.