Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, le patron du Programme alimentaire mondial (PAM) a, cette semaine, alerté sur la très grave sécheresse qui frappe actuellement Madagascar, entraînant la première famine sur le continent africain depuis longtemps, sans qu’aucune guerre ou conflit n’en soit à l’origine.
Cette situation n’est liée qu’à plusieurs années de sécheresse consécutives, ce qui fait dire à la directrice de la branche locale du PAM qu’il s’agit de la première famine totalement due au réchauffement climatique.
Il n’y a donc pas d’autre solution : pour utiliser un terme malheureusement très galvaudé, l’« urgence de l’action » s’impose à nous. Les décisions que nous prenons aujourd’hui, dont les effets se feront pleinement sentir dans dix ans, sont essentielles. Si nous voulons avoir une chance de stabiliser le climat, il nous faut massivement réduire nos émissions de gaz à effet de serre dès 2030. C’est la feuille de route que nous fixe la communauté scientifique.
L’Europe est aujourd’hui le seul continent à prendre réellement ses responsabilités, avec l’adoption, par le Conseil européen, d’un objectif de réduction de 55 % des émissions en 2030.
Cet objectif ambitieux nécessite une mutation importante de nos économies, une transition qui doit notamment être financée par le New Green Deal. Établi au niveau européen, il doit maintenant être décliné au niveau des États membres.
C’est notre feuille de route, mes chers collègues, comme le Sénat l’a rappelé au début de l’examen des amendements en adoptant une disposition commune à la plupart des groupes politiques. Ce vote a été un moment important pour affirmer notre adhésion à l’objectif de lutte contre le dérèglement climatique.
Le Sénat a beaucoup travaillé sur ce projet de loi. Je veux rendre hommage aux différents rapporteurs, qui ont tous beaucoup œuvré : plus de 2 000 amendements ont été examinés, dont ceux du groupe écologiste, adossés à notre vraie « loi climat » – ce projet, totalement quantifié, montre comment la France pourrait tenir l’objectif européen de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Au total, 44 de nos amendements ont été adoptés, dont certains sont réellement ambitieux. Je tiens à en remercier les rapporteurs et le Sénat dans son ensemble.
Pour autant, il est clair que le texte, après modification par notre assemblée, ne respecte toujours pas – pas plus que le projet de loi initial – l’objectif européen.
Un rapide calcul à partir des avis du Boston Consulting Group ou du Haut Conseil pour le climat donne toujours un résultat compris entre 30 % et 35 % de réduction en 2030. On est loin de l’objectif de 55 %, et c’est extrêmement problématique.
Lors de la conférence de Glasgow, et dans la logique du mécanisme de l’accord de Paris prévoyant tous les cinq ans une réévaluation des engagements – ces derniers étant actuellement très insuffisants –, la communauté mondiale et, en particulier, les très grands émetteurs que sont la Chine et les États-Unis, devra prendre de nouveaux engagements pour crédibiliser une trajectoire en dessous des 2 degrés de réchauffement, proche de 1, 5 degré.
C’est une négociation difficile – je pourrais vous en parler longuement pour la suivre depuis quinze ans –, où s’établissent des rapports de force ayant de nombreuses conséquences économiques pour chacun.
Avec son objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre, l’Europe se présente en position de force. Toutefois, madame la ministre, si cet objectif européen ne donne pas lieu à des déclinaisons nationales, notamment en France, pays garant de l’application de l’accord de Paris, notre capacité à imposer un effort à l’échelle mondiale s’effrite. Les négociateurs internationaux scrutent tout, y compris nos débats au Sénat. L’insuffisante ambition de ce texte est donc malheureusement, aujourd’hui, un élément de fragilisation dans la négociation internationale.
Le groupe écologiste ne peut que voter contre le projet de loi, tel qu’issu de nos travaux, en ce qu’il n’est pas à la hauteur de notre responsabilité internationale.
En sept minutes – et il ne m’en reste que trois –, je n’ai évidemment pas le temps d’analyser les avancées et les reculs présents dans ce texte. J’insisterai donc sur quelques points seulement.
D’abord, nous avons rappelé, comme nous l’avions fait par le passé, qu’avec 50 % des émissions de gaz à effet de serre liés à la vie quotidienne, il sera impossible de tenir les engagements sans la mobilisation des collectivités territoriales. Or, si l’État leur a confié des compétences ces dernières années, notamment à travers les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), il ne leur a accordé aucun financement à ce titre. Le milliard d’euros que nous avons voté représente tout simplement le financement par l’État d’une compétence attribuée aux collectivités territoriales. J’espère que cette mesure, qui a valeur de signal, sera conservée.
Nous avons par ailleurs une stratégie assez cohérente pour encourager le transfert modal de l’avion vers le rail par le signal-prix, comme l’a souligné le rapporteur Philippe Tabarot en commission, avec notamment l’application d’une TVA à 5, 5 % sur les billets de train ou le maintien de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, la taxe « Chirac ». C’est là un point très important : cette taxe ne doit en aucun cas être remplacée par le système d’échange de quotas d’émission européen ou mondial Corsia.
Je mentionnerai également, sans avoir le temps de les énumérer, les signaux intéressants qui sont envoyés en matière de développement d’une filière photovoltaïque française.
Inversement, il y a le refus, très clair, de limiter la publicité, sous l’angle non seulement des gaspillages de papier ou d’énergie qu’elle représente, mais aussi, plus largement, des désirs qu’elle suscite pour des produits pourtant incompatibles avec notre trajectoire en matière d’émission de CO2.
C’est aussi une offensive forte lancée contre l’éolien terrestre, et même offshore. Le rapporteur pour avis Daniel Gremillet nous a fixé un objectif de 50 gigawatts de capacité installée à l’horizon 2050, avec un droit de véto des communes riveraines sur le domaine public maritime. C’est totalement impossible, voire, si je peux me permettre, contradictoire ou absurde.