Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà ! Après deux semaines de débats riches et passionnés, nous sommes arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
La résilience, mes chers collègues, c’est certainement Boris Cyrulnik, dont les travaux font autorité en la matière, qui en parle le mieux : « Le malheur n’est jamais pur, pas plus que le bonheur. Un mot permet d’organiser notre manière de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis. C’est celui de résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité ».
L’adversité est devant nous, mes chers collègues, et nous devons y faire face avant qu’il ne soit trop tard. Si nous voulons être capables de réussir, de vivre et de nous développer, nous devons ne plus attendre et ne plus nous payer de mots. Il faut agir, agir et encore agir !
En effet, alors que nous débattions de ce projet de loi, le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a fuité dans la presse. Les experts s’y alarment des impacts dévastateurs que le réchauffement aura sur notre planète dès les prochaines décennies. Ils rappellent l’urgence d’une action politique ambitieuse et résolue en faveur du climat, face aux conséquences irréversibles d’une attitude attentiste.
Le rapport apporte aussi une note d’espoir. Il affirme que l’humanité peut encore changer le cours des choses, à condition d’opérer une « transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux ».
Mais nous savons tous, et nos débats sont là pour en attester, que cette radicalité ne peut être obtenue sans l’adhésion massive de nos concitoyens, au risque d’échouer lamentablement et de se retrouver dans le mur. Méfions-nous de celles et ceux qui appellent au grand dérangement, comme d’autres avant eux à de grands bonds en avant ; ils mènent à l’autoritarisme et à la misère collective.
Soyons donc clairs, nets et précis. Admettons que la France prend toute sa part dans la démarche, y compris en étant moteur des autres parties prenantes. Depuis 2017, elle mène une action résolue, concrète et ambitieuse, qui lui permet de s’affirmer comme un leader de la lutte contre le réchauffement climatique dans le monde.
Nous allons souvent plus loin que ce que certains, qui ont la mémoire courte, proposaient en 2017… Durant le quinquennat – les faits sont têtus –, plusieurs mesures significatives ont été prises : 30 milliards d’euros à la transition écologique dans le cadre du plan France relance ; l’inscription dans la loi de la neutralité carbone d’ici à 2050 ; la mise en place d’un plan Biodiversité doté de 600 millions d’euros et portant 90 mesures, parmi lesquelles figure l’interdiction de la plupart des produits plastiques à usage unique ; l’arrêt du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la fermeture de la centrale de Fessenheim et l’abandon du projet Montagne d’or en Guyane.
Le présent projet de loi, je le disais le 14 juin dernier, nous adresse un double défi : conjuguer démocratie participative et démocratie représentative, d’une part ; accélérer la transition écologique, d’autre part.
Nous ne croyons pas à une écologie qui viendrait simplement d’en haut. C’est ce qui a inspiré la création de la Convention citoyenne pour le climat, dont l’essentiel des propositions est traduit dans ce projet de loi.
Avec ce texte, l’ambition affichée est de mettre un terme à un ensemble de pratiques incompatibles avec nos ambitions climatiques : la fin de l’étalement urbain sans limite, l’interdiction de la mise en location des passoires thermiques, l’interdiction des vols domestiques pour lesquels il existe une alternative moins émettrice en CO2 pour un temps de trajet inférieur à 2 heures 30, la régulation de la circulation des voitures les plus polluantes dans nos grandes villes.
Mais ne nous y trompons pas, l’ampleur du défi, rappelée par le GIEC, rend toute solution nationale largement insuffisante. La réponse ne pourra être qu’européenne et internationale.
La France, à nouveau, prend toute sa part. Elle montre l’exemple et entraîne ses partenaires européens, en promouvant une action internationale dans nos relations bilatérales comme multilatérales.
Ce texte, je le disais en ouverture de mon propos, a fait l’objet d’un examen minutieux et approfondi dans nos commissions respectives et en séance.
Le mérite premier en revient aux présidents de commission et aux rapporteurs, qui ont réalisé un travail remarquable et remarqué, dans un souci réel d’écoute, et ce même si nous ne partageons pas toutes leurs conclusions et propositions. Mais c’est aussi la force de la démocratie que de pouvoir confronter, dans un climat apaisé, points de vue et propositions.
Oui, nous ne partageons pas toutes les options retenues par le Sénat, considérant qu’elles ne sont pas les plus à même de répondre aux enjeux qui sont face à nous.
Nous pourrions ainsi évoquer le refus du Sénat de basculer vers le dispositif du « Oui pub », les ambiguïtés manifestes de la majorité sénatoriale dès lors que l’on parle d’énergies renouvelables décarbonées, le manque de volonté patent pour mettre en place les zones à faibles émissions (ZFE), la baisse de TVA à 5, 5 % pour les transports collectifs de voyageurs alors que, comme chacun le sait, la véritable problématique se situe ailleurs, certains sujets liés à l’artificialisation des sols sur lesquels les contradictions sont nombreuses, la question des engrais azotés et, bien évidemment, la position retenue au fameux article 32.
Nous ne sommes pas d’accord sur tout et nous avons, à l’occasion de la présentation d’amendements, fait entendre que nous pouvions tendre vers davantage de volontarisme.
Ces amendements ont connu des fortunes diverses. Je tiens néanmoins à saluer la volonté des rapporteurs d’expliquer encore et encore, sans dogmatisme aucun, le pourquoi des avis défavorables exprimés. Nous avons entendu ces explications, même si nous ne les avons pas toujours comprises.
Nombre de collègues, à droite et à gauche de notre hémicycle, ont regretté le manque d’ambition du texte.
Bien au contraire, ce projet de loi se fonde sur la confiance envers nos concitoyens et sur la responsabilisation des acteurs de la société. Ces éléments sont les préalables de l’appropriation des enjeux écologiques par l’ensemble de la société.
Avec ce texte, nous faisons le pari du bon sens des Français. Une série de dispositifs les concerne, en tant que consommateurs, usagers de la route, propriétaires de logement, clients de la restauration collective, dirigeants d’entreprises. Les mécanismes d’incitation, d’expérimentation, d’éducation et de formation visent à ce que leurs comportements évoluent progressivement vers un plus grand respect de l’environnement.
L’architecture du projet de loi tend donc à la responsabilisation des acteurs. Pour chaque thématique, et dans tous les secteurs concernés, les citoyens, les acteurs économiques et sociaux disposent d’une feuille de route de décarbonation, soit sous forme de mesures contraignantes appliquées dès la promulgation de la loi, soit après expérimentation. Les objectifs à atteindre sont donc connus de chacun, même si, pour une large partie d’entre eux, les modalités sont à débattre.
La volonté politique portée par ce texte est très clairement exprimée. Elle concilie écologie, préoccupations sociales et économie de manière pragmatique, afin de répondre aux défis cruciaux de notre temps.
Députés et sénateurs connaissent désormais le chemin à suivre pour atteindre les objectifs que nous savons communs. Et parce que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais que nous reconnaissons la qualité du travail accompli et certaines ouvertures qui ont pu être faites, le groupe RDPI s’abstiendra sur le texte.