Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 29 juin 2021 à 14h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Marlène Schiappa :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près de quatre ans, le Sénat adoptait la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT ».

Il s’agissait, en 2017, de sortir de l’état d’urgence, qui n’avait pas vocation à constituer un état permanent. Il s’agissait aussi de maintenir un niveau extrêmement exigeant de sécurité pour les Français, dans un contexte marqué par une menace terroriste prégnante.

À cette fin, la loi SILT, entrée en vigueur le 1er novembre 2017, a permis le déploiement d’outils nouveaux, mais adaptés, garantissant un équilibre entre efficacité de l’action antiterroriste et préservation des libertés.

C’est cet équilibre, atteint par l’adoption de la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015 et de la loi SILT précitée, que prolonge le projet de loi dont nous allons débattre aujourd’hui.

Il s’agit pour nous d’amplifier les moyens de la lutte antiterroriste tout en renforçant les garanties entourant la mise en œuvre des dispositifs opérationnels, dans le strict respect des principes constitutionnels.

La mobilisation du Gouvernement pour lutter contre le terrorisme est constante. Depuis 2017, et à la demande du Président de la République, le Gouvernement a œuvré avec une très grande détermination au renforcement des dispositifs de lutte contre la menace terroriste.

Nous l’avons fait en continuant, avec le soutien du Parlement, à augmenter les moyens mis à la disposition des services spécialisés dans la lutte antiterroriste, notamment les services de renseignement. Au total, 1 000 postes y ont été créés depuis 2017. En parallèle, les budgets d’investissement et de fonctionnement des services ont fait l’objet d’un effort financier sans précédent.

En effet, la lutte contre le terrorisme exige de nous une mobilisation totale. Sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, avec l’engagement de l’ensemble des forces de sécurité et des services de renseignement, avec l’appui de la justice, nous menons ce combat sans relâche.

Nous ne renoncerons jamais à traquer ces ennemis de la République, qui attaquent par la terreur notre mode de vie et nos valeurs : la laïcité, la liberté d’expression, la liberté de conscience – et je n’oublie pas non plus les droits des femmes.

Respect de l’équilibre initial, recherche du plus large consensus, efficacité opérationnelle, détermination dans la lutte contre le terrorisme : tel est le sens du texte qui vous est soumis aujourd’hui.

Ce projet de loi n’est pas un point de bascule, bien au contraire : il s’inscrit dans une dynamique dont nous vous avons régulièrement rendu compte. À cet égard, je tiens à saluer les membres de nos services de renseignement, nos policiers et nos gendarmes, qui, chaque jour, accomplissent un travail exceptionnel pour identifier les menaces, suivre les individus dangereux et mettre en échec leurs projets meurtriers.

Ainsi, depuis 2017, quelque 14 attentats terroristes islamistes ont été perpétrés sur le territoire national – 3 en 2017, 3 en 2018, 1 en 2019, 6 en 2020, 1 en 2021. Ils ont causé 25 morts et 83 blessés. J’ai bien sûr une pensée pour chacune de ces victimes. Dans le même temps, 36 attentats ont été déjoués par nos services, dont 3 encore en 2021.

Grâce à la loi SILT, ces services ont continué à disposer, après la fin de l’état d’urgence, d’un cadre législatif efficace et adapté à leur action. L’autorité administrative – préfet ou ministre de l’intérieur selon les cas – s’est vue reconnaître des compétences nouvelles, strictement proportionnées à l’état de la menace et toujours placées sous le contrôle du juge. À ce titre, le seul but de notre action est de prévenir des actes de terrorisme.

Ainsi, il est possible de mettre en place des périmètres de protection, afin d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement ; de procéder à la fermeture des lieux de culte où se tiennent ou circulent des propos ou théories incitant à la commission ou faisant l’apologie d’actes de terrorisme ; d’édicter, à l’encontre d’individus présentant un niveau de menace caractérisée pour la sécurité et l’ordre publics, des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas, et ce depuis le 1er novembre 2017 ; ou encore de solliciter du juge judiciaire l’autorisation de procéder à la visite domiciliaire d’un lieu fréquenté par de tels individus et à des saisies.

J’insiste sur la manière dont ces outils nouveaux ont été employés. Au 28 juin 2021, quelque 618 périmètres de protection ont été mis en place, dont 1 en vigueur à ce jour, et 8 lieux de culte ont été fermés. Dans le même temps, 463 Micas ont été notifiées ; je précise que 75 d’entre elles sont actives à ce jour. Enfin, 482 visites domiciliaires ont été réalisées, dont 305 depuis l’attentat contre Samuel Paty, et 256 saisies ont été effectuées. Ces mesures ont toujours été utilisées de manière ciblée, sous le contrôle du juge.

Le Parlement a bien été informé sans délai de la mise en œuvre de chacune de ces mesures, conformément aux exigences fixées par le législateur en 2017. Il a également été rendu destinataire, chaque année, d’un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la loi.

De la même manière, le Gouvernement a fait un usage raisonné de la technique dite « de l’algorithme ». Ainsi, depuis 2015, trois traitements automatisés ont été autorisés par le Premier ministre, après avis favorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR.

La délégation parlementaire au renseignement a été rendue destinataire d’éléments classés « confidentiel défense », qui décrivent la nature de l’apport opérationnel de ces traitements automatisés. En mars dernier, elle a également été invitée à visiter les locaux et les services de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI.

Il n’est pas possible de détailler les résultats obtenus au moyen de ces algorithmes, pour la simple et bonne raison qu’ils sont protégés par le secret de la défense nationale.

On peut néanmoins relever, comme le souligne l’étude d’impact de ce projet de loi, que cette technique de renseignement a notamment permis de détecter des contacts entre des individus porteurs d’une menace terroriste – il s’agit là d’un point fondamental ; d’obtenir des informations sur la localisation d’individus en lien avec cette menace ; de mettre au jour les comportements de personnes connues des services de renseignement et exigeant des investigations plus approfondies ; enfin, d’améliorer la connaissance des services sur la manière dont procèdent les acteurs de la mouvance terroriste.

Les mesures dont le présent texte prolonge l’application constituent donc des outils opérationnels indispensables pour les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour des raisons d’efficacité que je vous présente aujourd’hui ce projet de loi. Il est indispensable à l’activité des femmes et des hommes qui luttent chaque jour contre la menace terroriste et à qui je rends une nouvelle fois hommage. Il concilie les moyens opérationnels au service de la lutte antiterroriste et les garanties au service des libertés individuelles.

Au nom du Gouvernement, je tiens également à remercier les membres de la commission des lois du Sénat, ceux de la délégation parlementaire au renseignement et ceux de la mission commune d’information sur l’évaluation de la loi Renseignement de la qualité du travail accompli depuis plusieurs mois avec le Gouvernement.

Ce travail commun est mené au profit de l’intérêt général et je souhaite bien entendu qu’il se poursuive : face à ces questions, il est fondamental que nous puissions agir ensemble, en responsabilité !

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