Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Réunion du 29 juin 2021 à 14h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Marc-Philippe DaubresseMarc-Philippe Daubresse :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les suites à donner à la loi SILT.

Je le rappelle à mon tour : faute d’intervention du législateur, plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure arrivent à échéance en 2021, après avoir été prorogées de sept mois par la loi du 24 décembre 2020.

Sont notamment concernées les dispositions introduites par la loi SILT pour prendre le relais du régime de l’état d’urgence, à commencer par les articles 1er à 4 de ce texte, qui ont instauré des mesures de police administrative inspirées de l’état d’urgence : périmètres de protection, fermeture des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, visites domiciliaires et saisies.

Parce qu’il s’agit de mesures fortement attentatoires aux libertés, le législateur a prévu un contrôle parlementaire renforcé, ainsi qu’une date de caducité de ces dispositions. Initialement fixé au 31 décembre 2020, ce terme a été reporté au 31 juillet 2021.

À ce titre, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui procède à divers ajustements. Il limite la durée de mise en place des périmètres de protection, élargit la mesure de fermeture administrative des lieux de culte en permettant la fermeture des locaux annexes et autorise la saisie des supports informatiques lorsque, à l’occasion d’une visite domiciliaire, la personne fait obstacle à l’accès aux données concernées ou à leur copie.

Pour ce qui concerne les Micas, ce projet de loi donne notamment au ministre de l’intérieur le droit d’exiger un justificatif de domicile ou de permettre le prononcé d’une interdiction de paraître.

Mes chers collègues, en décembre 2020, nous avions déjà proposé de pérenniser ces dispositions, plutôt que de les proroger. Le Sénat avait alors adopté la plupart des ajustements proposés, qui reprennent des recommandations formulées par notre commission.

Aussi, nous ne pouvons que souscrire à la pérennisation de ces dispositions, tout en regrettant que l’on ait perdu tant de temps : le Sénat avait proposé, peu ou prou, 80 % des mesures que le Gouvernement présente aujourd’hui !

Plus complexe est la question des modalités de sortie de détention des personnes condamnées pour actes de terrorisme. En tout, elle concerne environ 80 personnes par an pendant trois ans, qui, lors de leur élargissement, ne bénéficieraient pas de mesures d’accompagnement.

Face à cet enjeu, le Parlement a adopté, le 27 juillet 2020, une loi instaurant des mesures de sûreté, qui visait avant tout à introduire une nouvelle mesure judiciaire de suivi et de surveillance post-sentencielle.

Le Conseil constitutionnel, saisi a priori, a toutefois jugé que la mesure envisagée n’était ni adaptée ni proportionnée et l’a donc déclarée inconstitutionnelle.

Nous sommes d’accord sur le constat : les dispositifs existants ne permettent pas d’assurer un suivi satisfaisant de ce public, qui représente pourtant une menace majeure pour notre société – le parquet national antiterroriste nous l’a confirmé.

En la matière, deux voies existent : le Gouvernement propose d’allonger la durée des Micas à deux ans, tout en instaurant une mesure de sûreté judiciaire plus légère ; nous proposons au contraire de concentrer l’essentiel du dispositif sur la mesure judiciaire.

Ce dispositif répond à une démarche d’« ensemblier » et nous permet d’atteindre à la fois un objectif de réadaptation sociale et un objectif de surveillance de l’individu Si cette solution nous paraît meilleure, c’est d’abord et avant tout parce que nous préférons à des réponses administratives une réponse judiciaire, offrant davantage de garanties tant du point de vue des personnes concernées qu’au regard aux exigences du débat contradictoire.

La mesure que nous proposons constitue la reprise de la proposition de loi de François-Noël Buffet adoptée par le Sénat le 25 mai dernier ; elle répond – je le disais – à une démarche d’ensemblier et adapte le dispositif adopté par le Parlement en juillet 2020 pour répondre point par point aux objections soulevées par le Conseil constitutionnel.

Elle nous semble d’autant plus pertinente que les Sages ont déjà déclaré qu’étendre d’un à deux ans la durée des Micas serait inconstitutionnel, et ce « quelle que soit la gravité de la menace » – d’où le débat que nous avons avec le Gouvernement.

Voilà pour l’essentiel. J’ajouterai un mot sur l’article 6, qui traite du problème de la transmission de données psychiatriques : le Gouvernement souhaite une transmission assez large, y compris à tous les services de sécurité intérieure. Nous avons volontairement restreint, pour des raisons d’équilibre, la portée de cet article, mais sommes prêts à trouver un compromis dans le cadre de la discussion d’amendements.

Pour ce qui concerne enfin l’article 18, qui encadre la possibilité pour les services de l’État d’utiliser un dispositif de brouillage des ondes émises par des drones malveillants, il nous a semblé que la base légale proposée était tout à fait pertinente.

Nous sommes donc sur une ligne de crête ; l’emprunter nécessite, s’agissant d’un texte des plus sensibles, de procéder avec prudence et de trouver la bonne mesure entre liberté et autorité. Nous ne pourrons donc pas accepter les amendements dont les dispositions soit se heurteraient à un risque d’inconstitutionnalité, soit, au contraire, seraient trop laxistes, à un moment où la menace terroriste pèse plus que jamais sur notre pays.

Voilà pour la partie du projet de loi relative à la prévention d’actes de terrorisme ; c’est ma collègue Agnès Canayer qui abordera la partie afférente au renseignement.

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