Intervention de Ludovic Haye

Réunion du 29 juin 2021 à 14h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Discussion générale

Photo de Ludovic HayeLudovic Haye :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est un texte non de circonstance, mais de fond, préparé depuis plusieurs mois et élaboré à partir d’une double nécessité.

D’une part, il s’agit de l’échéance prochaine de cinq mesures, auxquelles il avait été conféré un caractère expérimental au sein de la loi Renseignement de 2015 et de la loi SILT de 2017 et dont le terme a été repoussé par l’adoption d’une loi à la fin de l’année dernière.

D’autre part, ces mesures sont utiles pour faire face à une menace terroriste persistant à un niveau élevé sur le territoire national et présentant un caractère endogène et évolutif. Cet état de fait impose que les services de renseignement et les forces de sécurité disposent de moyens opérationnels et d’un cadre juridique adapté à la réalisation de leurs missions, notamment au regard des évolutions et des usages technologiques.

À partir de ce constat, assez largement partagé sur ces travées, me semble-t-il, se pose la question du choix des moyens juridiques à mettre en œuvre. L’utilité opérationnelle de certaines mesures ne saurait éluder la nécessité de s’assurer que celles-ci concilient efficacité dans la poursuite de l’objectif de prévention des atteintes à l’ordre public et respect des droits et des libertés.

Le projet de loi opère à ce titre plusieurs choix opportuns, dont certains suscitent une convergence dans cet hémicycle.

Il propose tout d’abord de pérenniser les cinq mesures précitées au regard de leur utilité démontrée et de leur mise en œuvre équilibrée, relevée notamment dans les rapports d’information parlementaires, dont celui de la mission pluraliste de la Haute Assemblée.

Il fait ensuite plusieurs ajustements, en tenant compte des équilibres en matière de droits et de libertés. Certains d’entre eux sont rendus nécessaires pour des raisons opérationnelles, et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, et le Conseil d’État n’ont pas émis d’objection à leur endroit.

C’est le cas de la technique expérimentale de captation des communications satellitaires, de l’extension aux URL de la technique des algorithmes pour détecter les signaux faibles, ou encore de la faculté de recourir à des dispositifs de brouillage radioélectrique à l’encontre de drones présentant une menace.

D’autres dispositions viennent, enfin, tirer les conséquences de récentes décisions, comme l’arrêt French Data Network rendu en avril dernier par le Conseil d’État, appuyé sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur la conservation des données de connexion.

Cette décision, par les limites qu’elle pose aux États membres, suscite la crainte d’un affaiblissement de nos capacités de lutte contre la délinquance ne relevant pas de la criminalité grave. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen d’un amendement des rapporteurs qui tend utilement à préciser cette notion.

Je m’arrêterai enfin un instant sur un point, au regard des positions qui viennent d’être exprimées en présentation des motions : le texte prévoit d’accroître un certain nombre de garanties en matière de sécurité intérieure et de renseignement, avec le renforcement de l’encadrement des modalités de transmission des informations entre services et aux services de renseignement et celui des garanties procédurales entourant la mise en œuvre des algorithmes ou encore celui du contrôle de la CNCTR, notamment par la généralisation du caractère suspensif des avis de cette instance.

Enfin, il affirme le contrôle parlementaire au travers, notamment, des prérogatives dont jouit la délégation parlementaire au renseignement.

L’ensemble de ces garanties affermies, ainsi que les différents dispositifs précités, a été confirmé lors de l’examen en commission, et je salue le travail de nos rapporteurs, qui nous permet aujourd’hui de constater une convergence sur un certain nombre de points.

Je dois toutefois évoquer une divergence s’agissant du suivi des personnes condamnées pour terrorisme sortant de détention, qui ne relève que d’un désaccord de méthode pour répondre à un constat partagé par le Gouvernement et les rapporteurs : il est nécessaire de renforcer ce suivi au regard des insuffisances du droit en vigueur, notamment de la durée trop faible des Micas.

Au double dispositif d’allongement de la durée maximale cumulée des mesures de police administrative que constituent les Micas, d’une part, et de la création d’une mesure judiciaire de réinsertion, d’autre part, les rapporteurs préfèrent donc une unique mesure judiciaire intégrant à la fois les finalités de réinsertion et de surveillance.

Ces deux propositions concurrentes nous imposent de choisir la moins risquée du point de vue constitutionnel et nous enjoignent donc au parti pris. Au regard de la censure du Conseil constitutionnel intervenue l’été dernier à propos d’une mesure judiciaire comportant un nombre d’obligations proche de la mesure retenue par la commission, il apparaît que le risque constitutionnel existe et pèse également sur cette version.

Enfin, nos débats s’achèveront par l’examen du régime de communicabilité des archives classifiées à l’article 19, une disposition qui a fait l’objet d’un certain nombre de modifications à l’Assemblée nationale pour en limiter les effets de bord.

Au-delà du cadre législatif, il semble important de mener une réflexion qui relève de l’organisation de l’État sur la qualité des personnes qui seront désignées pour apprécier le prolongement, au-delà de cinquante ans, de l’incommunicabilité des documents relevant des exceptions visées par le projet de loi.

Nos débats pourront continuer de clarifier certains points, et le groupe RDPI votera en faveur de ce projet de loi, qui vise à répondre à un enjeu de sécurité nationale dans la conciliation des différents principes en présence.

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