Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on peut considérer que le projet de loi dont nous débattons cette après-midi comporte quatre volets.
Le premier réexamine les dispositions des lois SILT et Renseignement concernant les algorithmes, celles-ci n’ayant été adoptées qu’à titre expérimental et provisoire.
Un deuxième volet prévoit d’actualiser la loi Renseignement en tenant compte des évolutions technologiques, en particulier la mise en œuvre prochaine des réseaux téléphoniques par satellite et de la 5G, mais aussi du besoin d’algorithmes traitant les URL. Le projet de loi prend également acte de la nécessité d’améliorer la régulation des échanges entre les services de renseignement et les autres administrations.
Le troisième volet tire les conséquences de la décision de la CJUE concernant les obligations de conservation des données de connexion faites aux opérateurs.
Enfin, dans un quatrième volet, auquel nous ne souscrivons pas, ce texte dote d’une base légale les nouvelles contraintes de déclassification d’archives prévues par la loi de 2008.
Si nos rapporteurs ont amélioré le texte sur un certain nombre de points, beaucoup reste à faire.
Avant d’entrer dans le détail, je souhaite, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, saluer la mémoire de ceux qui ont été frappés par le terrorisme au cours des dernières années. Je tiens de nouveau à exprimer notre compassion pour ces personnes, mais aussi pour leurs familles et leurs proches, et à saluer ceux qui, en France et à l’étranger, sont mobilisés au quotidien pour la sécurité des Français.
Nous leur devons, au moment de voter la loi, d’être déterminés et fidèles à nos valeurs. Cela suppose des textes clairs, des budgets qui donnent les moyens d’agir, ainsi qu’un cadre respectant les libertés individuelles et les principes de l’État de droit. Telle sera notre boussole au cours de l’examen de ce texte.
Votée à l’automne 2017, la loi SILT rend possibles les visites domiciliaires, la définition de périmètres de protection et l’exercice de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. Si de telles dispositions peuvent être utiles lorsque l’usage en est proportionné, elles n’en sont pas moins exorbitantes du point de vue du droit commun.
C’est pourquoi nous souhaitons que ces mesures restent provisoires et que leur prorogation soit soumise au vote du Parlement autant de fois que nécessaire.
Nous savons que, au cours des cinq prochaines années, quelque 164 personnes condamnées pour terrorisme sortiront de prison. Dans de telles circonstances, nous considérons qu’il est nécessaire, pour l’heure, de maintenir ces mesures.
Quoi qu’il en soit, nous saisirons le Conseil constitutionnel, afin de nous assurer de la conformité à notre loi fondamentale du texte qui sera voté par le Parlement.
J’en viens au renseignement. Bien que j’aie voté en 2015 contre le projet de loi prévoyant la création de la CNCTR, j’ai pu constater, depuis lors, que le fonctionnement de cette instance, de même que celui du GIC, le Groupement interministériel de contrôle, avait contribué à faire entrer le contrôle démocratique au sein des services de renseignement. De fait – il faut s’en féliciter –, depuis la loi du 24 juillet 2015, un tel contrôle est réellement effectué au sein de ces services.
Pour assurer l’évolution nécessaire des dispositifs prévus par cette loi, il était indispensable de prendre en compte les progrès technologiques récents et d’adapter un certain nombre de dispositions aux nouvelles technologies, ainsi qu’aux nouvelles possibilités d’action qui en découlent. Grâce à nos rapporteurs, l’usage des algorithmes ne sera toutefois étendu aux URL qu’à titre expérimental.
Nous devons également veiller – c’est l’objet de l’article 7 – à un meilleur contrôle des échanges entre services.
Dans ce texte, nous tirons par ailleurs les conséquences de la jurisprudence de la CJUE concernant la conservation des données de connexion.
À cet égard, madame la ministre, permettez-moi d’en appeler à votre vigilance : je ne suis pas certain que le Gouvernement ait pleinement pris la mesure des effets que ces modifications emporteront quant à la conduite des enquêtes judiciaires ou à la capacité des parquets de lutter contre la délinquance et contre la criminalité organisée.
J’estime de plus que nous n’avons pas suffisamment étudié la manière dont nos partenaires européens ont transposé ces contraintes.
En tout état de cause, il sera sans doute nécessaire d’amender sensiblement le dispositif pour en assurer la stabilité. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 15.
En ce qui concerne l’article 19, nous affirmons et nous affirmerons que la Nation a besoin d’écrire son histoire, donc d’accéder aux archives de l’État. Restons fidèles à cette boussole que constitue la loi de 2008 ! Ne revenons pas en arrière : ce serait mettre en péril notre capacité d’écrire notre histoire et de l’assumer. Nous soutiendrons résolument un certain nombre d’amendements en ce sens.
Soucieux que notre pays dispose d’un arsenal permettant de faire face, dans le respect du droit, aux risques actuels, nous soutiendrons certaines dispositions de ce texte tout en proposant un certain nombre d’améliorations.
Nous serons aussi particulièrement vigilants sur la question des archives.
Enfin, comme je l’ai indiqué, nous soumettrons le texte adopté par le Parlement au Conseil constitutionnel, afin de nous assurer de sa conformité à notre loi fondamentale.