Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 29 juin 2021 à 14h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Discussion générale

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce jour le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, adopté le 2 juin dernier à l’Assemblée nationale.

Ce texte traite de la protection des Français face à la menace terroriste, du maintien de la compétitivité de nos services de renseignement au niveau international, du renforcement du contrôle parlementaire sur les services de renseignement et de l’accès aux documents d’archives classés secret-défense, afin notamment de favoriser le travail de recherche des archivistes et historiens.

Je n’aborderai pas tous ces thèmes, laissant à ma collègue Chantal Deseyne le soin de s’exprimer sur le volet relatif au renseignement, en sa qualité de membre de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Je souhaite, pour ma part, mettre l’accent sur plusieurs dispositions introduites par les deux rapporteurs de la commission des lois, qui sont experts en la matière, Agnès Canayer, membre de la délégation parlementaire au renseignement, et Marc-Philippe Daubresse, qui assure depuis trois ans le suivi et l’évaluation de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Il s’agit donc du quatorzième texte en lien avec la sécurité et le terrorisme que le Parlement examine depuis les attentats qui ont sauvagement meurtri notre pays, en 2015 et en 2016. L’état d’urgence, instauré sur l’ensemble du territoire pour faire face à la menace terroriste élevée, a été prorogé à deux reprises.

Afin d’en sortir, car, par définition, ce n’est pas un régime permanent, la loi visant à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ou loi SILT, est entrée en vigueur en novembre 2017. Elle a permis l’expérimentation de quatre mesures exceptionnelles de police administrative dans le droit commun, afin de mieux prévenir les actes de terrorisme : les périmètres de protection, la fermeture de lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, ou Micas, les visites domiciliaires et les saisies.

Ces mesures ont-elles montré leur efficacité ? Sans aucun doute. De plus, il est établi qu’elles ont fait l’objet d’une mise en œuvre raisonnée et proportionnée.

Ainsi, entre le 1er novembre 2017 et le 30 avril 2021, quelque 612 périmètres de protection ont été établis, 8 lieux de culte ont fait l’objet d’une fermeture administrative, 444 Micas ont été prononcées, 462 visites domiciliaires ont été réalisées, donnant lieu à 244 saisies. Enfin, 57 visites domiciliaires ont fait l’objet de poursuites judiciaires, dont 30 pour des faits de terrorisme.

Ces dispositions ont été prorogées en décembre 2020 pour sept mois, alors que la commission des lois du Sénat avait, à l’époque, proposé de les pérenniser, comme M. le rapporteur l’a rappelé.

Aussi, nous ne pouvons que souscrire à l’article 1er, tout en regrettant amèrement que, une fois de plus, le Gouvernement et les députés n’aient pas accordé de crédit au travail du Sénat, retardant ainsi inutilement ces mesures tout à fait justifiées.

Tout au long de l’examen du texte issu de l’Assemblée nationale, les rapporteurs ont veillé à assurer un équilibre entre les mesures de sécurité et le respect de l’État de droit et des libertés constitutionnelles. Ils ont également pris en compte les multiples réserves du Conseil constitutionnel sur plusieurs volets. C’est notamment le cas de la loi du 10 août 2020 instaurant un régime de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, qui a été largement censurée.

Or nous savons que 162 personnes condamnées pour actes de terrorisme devraient sortir de prison dans les quatre prochaines années. Il est donc nécessaire que puissent leur être imposées des mesures de surveillance et d’accompagnement à la réinsertion. En effet, comme le soulignait notre collègue Muriel Jourda, dans son rapport sur la proposition de loi de François-Noël Buffet renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention, les outils juridiques actuels ne sont pas satisfaisants.

Ainsi, les rapporteurs ont introduit, à l’article 5, cette proposition de loi que nous avons votée en mai dernier et qui crée une mesure judiciaire de suivi et de surveillance. Celle-ci semble constituer une voie juridiquement plus adaptée que la proposition initiale du Gouvernement.

En effet, cette mesure est prononcée par un juge, à l’issue d’une procédure contradictoire ; elle offre des possibilités de surveillance plus longues et plus contraignantes et permet d’associer aux obligations de surveillance des mesures sociales visant à favoriser la réinsertion de la personne.

Elle reprend le principe du dispositif adopté par le Parlement en juillet 2020, tout en y apportant les aménagements nécessaires pour répondre aux objections du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, bien qu’ils approuvent différents ajustements du régime des Micas, les rapporteurs n’ont pas accepté l’allongement de leur durée à deux ans pour les personnes condamnées pour terrorisme sortant de détention.

Ils estiment en effet que le risque constitutionnel est fort, se référant ainsi à la décision du 29 mars 2018, dans laquelle le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC, a considéré que « compte tenu de leur rigueur, les Micas ne sauraient excéder, de manière continue ou non, une durée totale de douze mois ».

Les rapporteurs ont également souhaité encadrer davantage le dispositif des périmètres de protection, en introduisant une autre réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, qui concerne la faculté pour les forces de l’ordre d’en contrôler l’accès, de procéder à des palpations de sécurité et de fouiller les bagages. Ils ont donc précisé que ces vérifications ne peuvent se fonder que sur des critères excluant toute discrimination, de quelque nature que ce soit, entre les personnes.

Je terminerai par la question de l’accès aux informations relatives aux hospitalisations sans consentement des personnes inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT.

Le Gouvernement prévoyait d’étendre de façon assez large la possibilité de communiquer ces informations aux représentants de l’État et à plusieurs services de renseignement. Les rapporteurs ont jugé que la diffusion de ces données devait être plus strictement encadrée et ont souhaité la limiter aux préfets et aux seuls agents placés sous leur autorité et spécialement désignés à cette fin.

Madame la ministre, nous regrettons une nouvelle fois les délais contraints imposés au Parlement pour examiner ce texte très technique et complexe, en raison de la nécessité de l’adopter avant le 31 juillet 2021, date à laquelle les mesures de l’article 1er arriveront à expiration.

Toutefois, je tiens à souligner la qualité du travail des rapporteurs, qui ont enrichi le texte tout en respectant l’équilibre entre mesures efficaces de lutte antiterroriste, respect des libertés fondamentales et conformité constitutionnelle.

La commission des lois a suivi ses rapporteurs, ainsi que les rapporteurs pour avis, et elle a approuvé leurs propositions mesurées, efficaces et pragmatiques.

Cependant, à la lecture des amendements déposés par le Gouvernement, je constate une fois encore que vous faites fi des apports du Sénat, en voulant rétablir en grande partie le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Qu’en est-il du respect du débat parlementaire si, dès la première lecture à la chambre haute, aucune discussion n’est possible ?

L’enjeu de ce texte est majeur. Il faut renforcer notre arsenal législatif pour assurer la protection de nos concitoyens qui aspirent à vivre dans un État de droit, en toute sécurité. Ne l’oublions pas dans nos débats !

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