Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord avoir une pensée particulière pour celles et ceux qui, dans le cadre de nos lois de renseignement, sont chargés au quotidien de l’application des mesures que nous votons.
Il y a aussi les agents, souvent anonymes, qui œuvrent au sein des services de la sécurité intérieure et extérieure. Déjà, ils ont permis d’éviter de nombreux attentats sur notre sol. Ils vont parfois jusqu’à risquer leur vie pour protéger la nôtre : qu’ils soient ici remerciés de leur efficacité et de leur sang-froid.
Nous en faisons le constat, depuis 2015, le terrorisme a évolué, passant d’une menace projetée des zones djihadistes à des agressions inspirées par la propagande, pour prendre désormais la forme d’une autonomisation totale de la menace, avec des acteurs isolés, au profil psychologique instable. Les causes et les risques ont changé, et les moyens d’efficacité ont évolué. Nous devons donc nous adapter. Nous y sommes !
Les évolutions technologiques permanentes entraîneront une nécessaire modification des contrôles. Ainsi, si l’utilisation des algorithmes se révèle encore plus indispensable qu’en 2015, il est nécessaire désormais d’utiliser les URL pour une plus grande efficacité.
Sur ces sujets sensibles, la confiance est certes nécessaire, mais le contrôle démocratique l’est tout autant. Il arrive que nous soyons sur une ligne de crête entre liberté et sécurité, d’où la nécessité de considérer que la confiance n’exclut ni l’attention ni le contrôle.
Ce que je veux souligner à présent ne concerne ni le Gouvernement ni ceux qui l’ont précédé. Cependant, ce serait une erreur, mes chers collègues, de considérer que notre pays ne courrait plus jamais aucun risque totalitaire ou extrémiste.
Certes, dans cette hypothèse, le bicamérisme peut nous protéger, tout comme la délégation parlementaire au renseignement, la commission de vérification des fonds spéciaux, ou encore la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui est une autorité indépendante. Ne craignons donc pas de renforcer les prérogatives de ces instances, qui représenteront en toutes circonstances une assurance finale de contrôle démocratique.
Dans le prolongement de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, les adaptations proposées apparaissent globalement logiques, car elles cherchent l’efficacité par l’adaptabilité. Nous devons cependant toujours être sourcilleux sur nos libertés fondamentales. C’est en ce sens que le Sénat et nous-mêmes jouons notre rôle, en faisant preuve d’attention et en étant source de propositions.
À ce titre, je veux soumettre à votre sagacité deux sujets de vigilance, dont le premier concerne les échanges entre les services français et étrangers. Nous savons combien ceux-ci sont essentiels dans la lutte contre le terrorisme. Il serait néanmoins logique qu’il y ait un contrôle a posteriori de ces échanges et que celui-ci soit exercé par une autorité indépendante, telle que la CNCTR.
La plupart des pays européens le font, mais la France reste en retard. Les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, le 25 mai dernier, devraient nous inciter fortement à revoir notre point de vue. En l’occurrence, il serait préférable d’anticiper une probable condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.
Le second point de vigilance porte sur la possibilité de voir le Conseil constitutionnel remettre en cause l’allongement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas, ce qui, de plus, retarderait la mise en œuvre rapide de la loi. Le Conseil d’État a émis des réserves. Il serait bon que le Gouvernement en tienne compte.
Ce texte est nécessaire, comme son évolution le sera probablement aussi dans l’avenir. Notre assemblée et nous-mêmes souhaitons apporter des améliorations de précision et de précaution. Sur un tel sujet, le systématisme partisan n’est pas de mise. Nos concitoyens souhaitent associer protection, liberté et responsabilité.
C’est le sens, vous l’aurez compris, mes chers collègues, de mon propos et de notre démarche.