Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est pour notre pays d’une importance toute particulière. Il concerne, au premier rang, non seulement la sécurité des Français, mais aussi notre souveraineté.
Le cyberespace a renouvelé en profondeur les modes d’action du renseignement. Cyberattaques, cyberespionnage, cyberguerres justifient une adaptation des règles de la sécurité nationale.
La lutte contre le terrorisme demeure une priorité majeure. Les statistiques sur les techniques de renseignement relevant de la surveillance intérieure montrent que la prévention du terrorisme a motivé plus de 40 % des demandes soumises à l’examen de la CNCTR.
La nécessité de répondre aux menaces et aux attentats terroristes a conduit le législateur à doter les services de renseignement de moyens d’investigation sophistiqués. La mise en œuvre de ces techniques par les services de renseignement est définie de manière précise dans le code de la sécurité intérieure.
Pour garantir sa légitimité, le renseignement doit non seulement convaincre de son efficacité, mais aussi déroger le moins possible aux valeurs démocratiques, ce qui suppose le respect de plusieurs principes fondamentaux, comme la séparation des pouvoirs, le respect des règles de droit et la protection des libertés fondamentales.
Ainsi, l’actuelle montée en puissance du renseignement doit s’accompagner du renforcement des contrôles qui pèsent sur la communauté du renseignement, au titre de l’indispensable exigence démocratique.
Plusieurs évolutions législatives sont à l’œuvre.
L’article 6 étend la possibilité de communication des informations relatives à l’admission d’une personne en soins psychiatriques aux seuls préfets et agents placés sous leur responsabilité, lorsque celle-ci représente une menace grave pour la sécurité et l’ordre public, en raison de sa radicalisation à caractère terroriste.
L’article 8 autorise la conservation des renseignements collectés jusqu’à cinq ans, à des fins de recherche et de développement, dans la perspective de permettre l’élaboration d’outils d’intelligence artificielle. Il prévoit la pérennisation de la technique de l’algorithme, qui permet l’identification précoce des menaces en se fondant sur l’analyse de l’ensemble de l’activité numérique de la population, pour repérer les comportements susceptibles de constituer un risque.
Durant l’année écoulée, la CNCTR a constaté une augmentation des demandes d’accès aux données de connexion, conjuguée à une baisse des autres demandes, notamment celles qui sont relatives aux techniques les plus intrusives. Ce projet de loi prévoit d’intégrer aux données traitées par l’algorithme les noms de domaines consultés par les internautes.
De la même façon, la surveillance en temps réel est étendue aux adresses complètes de ressources sur internet. La commission des lois du Sénat a considéré que cette extension ne saurait être inscrite de manière pérenne dans le droit, mais qu’elle pouvait être autorisée dans le cadre d’une expérimentation jusqu’au 31 juillet 2025.
En raison du déploiement de nouvelles constellations satellitaires et du développement d’une offre étrangère de communication, l’article 11 autorise les services de renseignement, à titre expérimental, à intercepter par le biais d’un dispositif de captation de proximité les correspondances transitant par la voie satellitaire.
Les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement sont renforcées. Les amendements adoptés par la commission des lois visent à prévoir que les recommandations et observations formulées par la délégation seront présentées au président de chaque assemblée.
Les avancées proposées par ce texte sont nombreuses. Elles se justifient par le fait qu’il nous faut adapter le monde du renseignement aux évolutions technologiques dont se servent nos ennemis.
Depuis la vague d’attentats de 2015, la menace d’une attaque projetée depuis l’étranger a laissé place à une menace plus diffuse, celle d’un terrorisme endogène.
Jean-François Ricard, premier procureur du parquet national antiterroriste, expliquait lors d’une table ronde au Sénat que le travail effectué dans les enquêtes à caractère terroriste à partir des données de connexion représentait 80 % de l’activité des agents, dans le cas d’un attentat ou d’une association de malfaiteurs.
Face à cette évolution, le rôle de la CNCTR est primordial. En 2020, la commission a rendu 262 avis défavorables, soit 0, 8 % du nombre d’avis rendus. Je souhaite rappeler que, comme les années précédentes, le Premier ministre n’a accordé aucune autorisation après un avis défavorable de la commission.
Parallèlement, ce projet de loi prévoit de renforcer le rôle de la CNCTR avec la mise en œuvre de nouvelles dispositions. Ce texte est indispensable pour ceux qui, au sein des services secrets, travaillent à défendre les intérêts de la France et de ses ressortissants, partout où ils pourraient être menacés.
Avant que nous ne commencions l’examen des articles, je tiens à rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui, dans le secret, travaillent à la protection des Français et de la République.