Contrairement à ce qui a été dit lors de son examen en commission, la présente disposition, que nous déposons de nouveau en séance, tend non pas à conserver le caractère expérimental des mesures issues de la loi SILT, dont les rapports de contrôle parlementaire de l’Assemblée nationale et du Sénat ont présenté un bilan mitigé, mais bien à maintenir leur nature exceptionnelle.
Nous tirons ainsi les leçons des mesures que le Sénat s’est lui-même appliqué à suivre et à préconiser dans le cadre de la crise sanitaire qui a bousculé nos libertés publiques.
Au moment où nous sortons progressivement du régime de l’état d’urgence sanitaire contre l’épidémie de covid-19, l’honneur revient au Sénat d’avoir rappelé que la création de tout régime d’exception doit être limitée dans le temps, ce qui a conduit le Parlement à en fixer le terme au 31 décembre 2021. C’est l’une des leçons essentielles concernant les libertés publiques que le législateur devra retenir.
En matière de législation d’exception, l’expérience montre qu’il existe une forme de paresse démocratique à introduire des dispositions dérogatoires au droit commun d’abord de manière expérimentale, pour les pérenniser ensuite, puis à en étendre le champ d’application au gré des circonstances.
L’article 44 du projet de loi confortant les principes de la République, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, en témoigne de nouveau : il propose d’élargir le champ d’application de la fermeture des lieux de culte à partir d’autres fondements que le régime légal et provisoire d’exception et qui sont d’une gravité moindre.
Pérenniser des mesures extrêmement dérogatoires au droit commun est un processus dont nous savons par avance qu’il conduit à rogner davantage le champ des libertés publiques. Conscients de cette dérive, nous souhaitons maintenir le caractère exceptionnel des articles 1er à 4 de la loi du 30 octobre 2017.
Ces mesures directement extraites du régime de l’état d’urgence accroissent de manière significative les pouvoirs de l’autorité administrative, avec pour seule finalité la lutte contre le terrorisme.
Après avoir pris en considération leur caractère expérimental, et à la suite des interventions ultérieures du législateur, qui a limité strictement leur champ d’application, le Conseil constitutionnel a jugé que ces mesures assuraient une conciliation qui n’était pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, la préservation de l’ordre public, et, d’autre part le respect des libertés fondamentales. En effet, elles ne sont que momentanées.
Par ailleurs, dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle, le Parlement a constaté que ces dispositions présentaient un intérêt en matière de prévention des actes de terrorisme et que, si leur appropriation par l’autorité de police administrative s’est révélée inadéquate à plusieurs reprises au moment de leur entrée en vigueur, leur utilisation actuelle semble mesurée et proportionnée.
Il n’en demeure pas moins que ces mesures sont dérogatoires au droit commun, car elles affectent très clairement la liberté d’aller et venir, la liberté de culte, le droit au respect de la vie privée et familiale et l’inviolabilité du domicile, dans un contexte sécuritaire d’anticipation d’un danger potentiel.
En conséquence, parallèlement au contrôle parlementaire renforcé qui permet à l’Assemblée nationale et au Sénat d’assurer leur mission de contrôle, ces mesures doivent demeurer exceptionnelles et subordonnées à un vote régulier du Parlement.