Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie par avance de m’excuser si je suis un peu longue, mais je tiens à vous fournir des explications exhaustives.
Vous le savez, 188 condamnés terroristes islamistes vont sortir de détention d’ici à 2025. Nombre d’entre eux demeurent ancrés dans une idéologie radicale.
Ces individus forment le haut du spectre des objectifs des services de renseignement et présentent des enjeux sécuritaires multiples à leur sortie de détention : prosélytisme, menaces à court terme représentées par des profils impulsifs, menaces à moyen ou à long terme relatives à des projets d’attentats, tentatives de redéploiement vers les zones dites « de djihad » à l’étranger.
L’expérience acquise au cours des dernières années nous permet aujourd’hui d’affirmer que le placement sous Micas constitue pour ces profils un outil particulièrement utile et adapté.
Il permet de faciliter la surveillance d’individus qui sortent de prison, d’observer leurs relations habituelles volontaires, et non pas les relations imposées qu’implique la détention, leur pratique religieuse, leur activité sur les réseaux sociaux, leurs efforts de réinsertion, etc., là où la mise en place d’une surveillance physique ou technique à temps plein se révélerait difficile, en raison notamment des ressources humaines qu’elle induirait.
Toutefois, pour ces profils qui représentent une dangerosité élevée, la limite de douze mois se révèle inadaptée, comme nous avons pu en débattre lors de mon audition.
Un certain nombre de Micas est d’ores et déjà arrivé à échéance – il en a ainsi été de 19 d’entre elles depuis 2017 –, alors même que les services sont en mesure de justifier de la persistance de la menace constituée par le comportement des individus concernés.
C’est la raison pour laquelle le projet du Gouvernement qui a été voté l’Assemblée nationale prévoyait, dans des conditions strictement encadrées, un allongement à une durée de deux ans.
Votre commission des lois a souhaité supprimer cette possibilité, lui préférant un dispositif judiciaire qui reprend certaines obligations des Micas, comme l’interdiction de paraître ou l’interdiction de fréquenter certaines personnes. Cette solution ne semble pas convaincante à nos yeux, pour deux raisons principales.
Premièrement, il nous semble que cette solution priverait les autorités de la réactivité nécessaire pour assurer le suivi des sortants de détention.
L’expérience a en effet montré que les sorties de détention sont parfois décidées quelques heures seulement avant la sortie, ce qui ne place pas toujours l’autorité judiciaire en mesure de prononcer une mesure judiciaire, quand la Micas peut être prise par le ministre de l’intérieur en quelques heures seulement.
Deuxièmement, la solution que vous proposez nous semble de nature à fragiliser fortement le recours à la Micas telle qu’elle est pratiquée actuellement et pourrait in fine aboutir à une situation paradoxale, dans laquelle les personnes radicalisées qui ne seraient jamais passées à l’acte feraient l’objet d’un suivi plus strict que celles qui ont déjà été condamnées pour des faits de terrorisme.
Pour ces raisons, le Gouvernement souhaite pouvoir rétablir la possibilité d’un allongement de la durée des Micas à vingt-quatre mois, telle qu’elle était proposée dans le projet de loi initial et qu’elle a été votée par l’Assemblée nationale. Je rappelle que cet allongement est encadré par des garanties fortes, qui permettent de sécuriser la mesure sur le plan constitutionnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments que le Gouvernement souhaitait porter à la connaissance de votre assemblée pour que vous puissiez vous prononcer sur ce sujet qui, comme vous le savez, est particulièrement important pour la sécurité du pays.