Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 30 juin 2021 à 21h00
Loi de finances rectificative pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement aura attendu le plus longtemps possible pour nous présenter ce projet de loi de finances rectificative.

Comme l’a rappelé le président Claude Raynal, il y a beaucoup à redire sur la méthode : aux 29 milliards d’euros de reports de crédits de 2020 s’ajoutent 15, 5 milliards d’euros de crédits alloués à des dispositifs d’urgence dans ce PLFR et 2, 8 milliards d’euros de dépenses sur les comptes spéciaux.

Cela montre qu’on aurait pu faire plus et mieux en 2020 – nous y reviendrons d’ailleurs lors de l’examen de la loi de règlement –, mais aussi, que, par un jeu qui est à la limite de la sincérité budgétaire, on nous présente, à chaque étape, des chiffres meilleurs qu’ils ne sont en réalité.

Pour autant, en responsabilité, les sénatrices et les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront les articles du texte qui permettent de financer les dispositifs d’urgence indispensables à notre économie et aux Français. En effet, si la crise sanitaire semble marquer le pas dans notre pays et s’il y a un début de reprise économique, la crise sociale, elle, frappe toujours de plein fouet les plus fragiles de nos concitoyens.

À cet égard, monsieur le ministre, force est de constater que le compte n’y est pas. Après quatre ans de recul en matière de justice fiscale, ce projet de loi de finances rectificative ne comporte toujours aucune mesure de rééquilibrage de l’impôt. Avec vous, c’est « quoi qu’il en coûte », mais jamais pour les plus aisés de nos concitoyens !

Même le président des États-Unis, qui n’est pas connu pour être un dangereux socialiste, prend des mesures très fortes d’imposition sur les grandes entreprises, tout en reconnaissant que la théorie dite « du ruissellement » n’a jamais fonctionné.

En France, après les propositions d’Olivier Blanchard et de Jean Tirole sur les successions, l’économiste Benoît Cœuré plaidait ce matin dans Les Échos « pour une augmentation temporaire de la fiscalité qui pourrait porter sur le patrimoine, sur les revenus ou sur les successions ».

Dans le même temps, le ministre de l’économie, des finances et de la relance Bruno Le Maire propose, lui, de financer la crise en repoussant l’âge de la retraite à 64 ans, c’est-à-dire de la faire payer par tous les Français.

Pas plus que les précédents ce texte ne prévoit de solliciter davantage les contribuables les plus aisés, non plus que les grands groupes et entreprises du numérique, notamment ceux qui ont connu des profits exceptionnels durant cette crise. Par conséquent, le déficit public reste la variable d’ajustement.

Nous proposerons donc l’instauration d’une réelle conditionnalité environnementale et sociale des aides publiques aux entreprises, et présenterons des amendements visant à rééquilibrer la fiscalité en la faisant peser davantage sur le capital.

De fait, la politique de l’offre que vous menez depuis 2017 n’a pas montré une grande efficacité ; elle est restée incomprise des Français, alimentant le sentiment d’injustice sociale. Avec la crise que nous vivons, elle est devenue insensée.

Pourquoi vous priver de recettes supplémentaires, alors que le déficit budgétaire se dégradera de près de 50 milliards d’euros, ce qui le portera à 220 milliards d’euros en 2021, et que la dette passera à près de 118 % du PIB ? Alors que la pauvreté explose, que la jeunesse est laissée sur le bord de la route, et que les services publics, mis à mal, requièrent plus que jamais le soutien de l’État ?

Parce que la solidarité, trop souvent oubliée par l’exécutif, doit retrouver sa place au cœur de nos politiques publiques, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera de nombreux amendements visant à remédier à cette situation.

Monsieur le ministre – vous le savez –, ces dix-huit derniers mois, vous nous avez toujours trouvés à vos côtés pour voter en responsabilité les mesures de restriction dues à la crise sanitaire et les dispositifs budgétaires de soutien indispensables.

Nous avons toujours proposé des mesures plus justes socialement, chiffrées et financées par une hausse de l’effort de ceux qui le pouvaient. Nous persévérerons dans ce débat, car – nous l’affirmons de nouveau –, les mesures économiques et sociales que vous proposez aujourd’hui ne sont pas suffisantes.

De fait, ce budget rectificatif constitue à la fois un minimum indispensable et une nouvelle occasion manquée : pas assez sur le plan d’urgence pour faire face à l’urgence sociale ; pas assez non plus sur le plan de relance, dont chacun constate la mise en œuvre laborieuse, et qui reste largement absent de ce collectif budgétaire.

Vous restez dans un entre-deux et c’est insuffisant, mais également incohérent tant l’évolution de la situation aurait dû vous conduire à bouger davantage les lignes, en recettes comme en dépenses.

C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne pourra pas voter ce texte en l’état. Son vote dépendra des modifications qui – je l’espère – lui seront apportées au cours de notre discussion.

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