Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 30 juin 2021 à 21h00
Loi de finances rectificative pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur ce premier PLFR pour 2021 – le cinquième en quatorze mois – dont vous nous avez saisis seulement quelques jours après que nous nous sommes prononcés sur le décret d’avance portant sur 7, 2 milliards d’euros, soit le plafond légal autorisé.

Ce PLFR ouvre près de 20 milliards d’euros de crédits nouveaux, s’ajoutant aux 28, 8 milliards d’euros de crédits de 2020 reportés en 2021 au titre du plan d’urgence, soit autant qu’au cours des douze dernières années.

Nous constatons que le « quoi qu’il en coûte » reste la feuille de route du Gouvernement, malgré les annonces que vous aviez faites quant à la nécessité d’en sortir il y a maintenant six mois. Pour preuve, les demandes affluent pour la préparation du PLF pour 2022, leur montant s’élevant à 22 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

Il semble ainsi que l’idée d’argent « facile » ou « magique » soit entrée dans les esprits, non seulement de beaucoup de Français, mais aussi des ministres eux-mêmes. Je compatis, monsieur le ministre, à l’idée des arbitrages que vous allez devoir rendre, même si je doute qu’ils entrent dans l’épure des 8 milliards d’euros que nous pouvons peut-être encore nous autoriser.

Pour en revenir à ce PLFR, la prévision de croissance retenue par le Gouvernement pour 2021 reste à +5 % ; elle est donc inchangée par rapport à celle figurant dans le programme de stabilité d’avril dernier, et inférieure aux prévisions des organismes indépendants. Une telle prudence laisse espérer que la situation réelle sera moins grave qu’annoncé. Espérons que nous aurons de bonnes surprises en fin d’exercice.

À l’issue de ce PLFR, le déficit public s’établirait à 9, 4 % du PIB en 2021, soit une augmentation de 0, 2 point par rapport à 2020 en dépit du rebond de croissance attendu.

Les données présentées dans ce PLFR témoignent ainsi de la situation très dégradée des finances publiques de la France en 2021. Selon la prévision du projet de loi de finances rectificative, le ratio de dette publique augmenterait de 20 points de PIB entre 2019 et 2021, pour atteindre plus de 117, 2 % du PIB.

Alors que le niveau de déficit devrait s’établir en 2021 à un niveau plus élevé qu’en 2020, la résorption du déficit et la soutenabilité des finances publiques constituent les enjeux centraux de la stratégie financière de la France. La trajectoire de rétablissement reste incertaine et, surtout, beaucoup plus lente que dans tous les autres pays européens.

Pour la première fois de notre histoire, en 2021, après ce PLFR, le volume des dépenses budgétaires sera plus de deux fois supérieur à celui des recettes nettes, portant le déficit à plus de 220 milliards d’euros. C’est déjà en soi un facteur d’inquiétude majeur, mais après une lecture plus attentive de ce PLFR, la situation semble encore plus préoccupante.

Permettez-moi de m’arrêter sur deux points.

Le premier est que ce déficit, bien sûr amplifié par la crise que nous connaissons depuis quinze mois, est en fait structurel.

D’une part, la trajectoire de hausse des dépenses publiques depuis le début du quinquennat est très supérieure à nos capacités – une augmentation de 19 milliards d’euros en 2020, et de 41 milliards d’euros en 2021, hors mesures de soutien et de relance. D’autre part, la consommation réelle des crédits de la relance est, hélas, encore limitée – elle est d’environ 36 milliards d’euros sur les 100 milliards d’euros votés.

La conjoncture n’explique donc que très partiellement la dérive budgétaire que nous connaissons.

Le second point est l’amorce de la hausse des taux – une augmentation de 512 points de base depuis le début de l’année – qui produit un accroissement de la charge de la dette de 1, 9 milliard d’euros.

Notre pays est entré dans cette crise dans une situation moins favorable, plus dégradée que celle de nos voisins européens. Il en sort plus affaibli encore, sans réelle visibilité quant à sa trajectoire. La promesse d’un retour aux 3 % de déficit pour 2027 repose sur le seul pari de la croissance, sans réel engagement en matière de réformes structurelles.

À cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation de l’emploi dans notre pays. Conjuguée à la hausse du prix des matières premières, la carence constatée en matière de réponses aux offres d’emploi dans de nombreux secteurs met gravement en cause l’activité économique et l’élan de la relance.

Aussi peut-on s’interroger sur la prolongation des mesures de chômage partiel et sur les 6, 3 milliards d’euros que vous proposez d’y accorder au moment même où nous manquons de main-d’œuvre.

C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains présentera un amendement tendant à faciliter la participation et l’intéressement dans les petites entreprises via une prime de 2 000 euros défiscalisée et désocialisée. Cette mesure vise a minima à maintenir les salariés dans les entreprises, qui connaissent ou ont connu de véritables hémorragies.

La commission des finances proposera quant à elle des amendements visant à économiser 1 milliard d’euros de crédits tout en augmentant, par exemple, les crédits alloués dans le cadre du plan de relance aux créations d’entreprises ou à la forêt.

Je me réjouis du renforcement du dispositif de report en arrière des déficits, communément appelé carry back. Ce mécanisme comptable et fiscal permet à une entreprise de déduire son déficit actuel de bénéfices antérieurs afin de disposer d’une créance d’impôt sur les sociétés. Permettre le report sur les trois exercices précédents tout en en déplafonnant le montant est une mesure essentielle, que le groupe Les Républicains a défendue l’an passé pour éviter les défaillances d’entreprises en renforçant leur trésorerie. Nous regrettons toutefois de ne pas disposer de réelle visibilité quant au coût de ce dispositif dans la durée.

Nous souscrivons au report de la hausse de TICPE sur le GNR proposé par le Gouvernement. À cet égard, monsieur le ministre, nous souhaitons vous aider à maintenir votre proposition initiale, c’est-à-dire le report non pas jusqu’au 1er juillet 2022, mais jusqu’au 1er juillet 2023. Cela permettra d’améliorer la lisibilité de ce dispositif pour les entreprises et de ne pas alourdir davantage leurs charges en sortie de crise.

Nous vous proposerons par ailleurs une majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons à des associations caritatives dans le cadre du dispositif dit Coluche.

Nous sommes bien sûr favorables à la prorogation des PGE jusqu’au 31 décembre 2021. À titre personnel, j’aurais toutefois souhaité que des possibilités d’allongement et de sortie plus larges et plus souples soient offertes.

Je salue la clarification apportée quant à la possibilité d’effectuer des prêts participatifs, et la prorogation du fonds de solidarité jusqu’au 31 août 2021, une dégressivité de son bénéfice étant prévue à compter du mois de juin.

Je tiens aussi à souligner l’adaptation à la reprise de l’activité des mesures concernant les cotisations et contributions sociales des entreprises et des travailleurs indépendants que vous proposez.

J’en viens enfin aux mesures concernant les collectivités territoriales. Nous saluons la reconduction en 2021 du « filet de sécurité » mis en place en 2020 pour garantir les recettes du bloc communal. La compensation des pertes de recettes pour certaines régies publiques non accompagnées par le dispositif d’activité partielle, que nous vous avions proposée en 2020, est aujourd’hui reprise dans ce PLFR. De même, la mise en place d’une dotation pour certaines collectivités en difficulté répond à une attente.

Toutefois, le compte n’y est pas. Dans son rapport annuel, le Comité des finances locales (CFL) évalue l’impact de la crise sanitaire pour les comptes des collectivités locales à 5, 5 milliards d’euros en 2020. Ce montant doit être mis en regard des 240 millions d’euros de crédits de sauvegarde financés par l’État l’an passé selon l’estimation du même CFL.

Monsieur le ministre, je ne peux conclure sur le volet des collectivités sans regretter les lourdeurs constatées sur le terrain dans le cadre de la mise en place du plan de relance : dossiers complexes, exigences parfois contradictoires, délais longs et inadaptés, notamment au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

Afin de gagner en souplesse, la départementalisation des fonds me semble impérieuse, de même que la simplification des dossiers de demande de financement.

Le groupe les Républicains fera preuve de responsabilité et adoptera ce PLFR. Je terminerai toutefois en évoquant une interrogation et une inquiétude relatives à la mission « Plan de relance », monsieur le ministre : une interrogation, car notre plan de relance semble bien limité par rapport à ceux d’autres pays ; et une inquiétude, car hors financement du chômage partiel, notre plan de relance est consommé à hauteur de 18 % seulement.

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