Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin la France est déconfinée ! Les Français revivent et profitent de leur liberté retrouvée. L’économie reprend souffle et la croissance semble au rendez-vous, à un peu plus de 5 %. Réjouissons-nous que le pays se relève d’une période longue et difficile, que nos entreprises se remettent en ordre de bataille et que l’emploi retrouve du dynamisme.
S’il est bon d’être optimiste, il est également de notre responsabilité d’être réalistes. En effet, bien que la croissance semble repartir à la hausse, cette reprise demeure loin de compenser les pertes que l’économie française a subies depuis la fin de 2019. De plus, nous sommes soumis au risque d’une inflation généralisée qui aurait des conséquences pour la Banque centrale européenne (BCE) et entraînerait l’augmentation des taux d’emprunt à plus ou moins long terme.
Nous observons également une dégradation de la dépense publique, domaine dans lequel nous sommes les plus mauvais d’Europe, notamment à cause de la logique du « quoi qu’il en coûte » financée par le recours systématique à la dette. De ce fait, nous risquons de ne pas renouer avec un niveau de déficit public compatible avec le seuil de 3 % avant 2027.
Enfin, rappelons que les quatre projets de loi de finances rectificative pour l’année 2020 ont fait bondir la dette de près de 20 points du PIB, ce qui constituera – je le dis avec certitude – une problématique réelle pour les contribuables, les entreprises et surtout les générations à venir. La charge de la dette est en effet lourde et ne doit pas être prise à la légère. Sa soutenabilité demeure en outre incertaine.
En tant que rapporteur spécial du budget de l’agriculture, je veux plus précisément revenir sur ce volet du projet de loi de finances rectificative, notamment en ce qui concerne les intempéries qui ont frappé notre pays en ce début d’année et qui ont occasionné des pertes considérables pour de nombreuses exploitations agricoles.
Je veux tout d’abord évoquer l’épisode de gel et ses conséquences pour nos agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs. On se souvient que le Premier ministre s’est rendu dans les territoires touchés en promettant aux exploitants une aide de 1 milliard d’euros pour compenser les pertes, sous forme d’aides directes ou d’exonérations de charges.
Ce PLFR aurait dû budgétiser la dépense annoncée. Or tel n’est pas le cas. Seuls 314 milliards d’euros ont été inscrits, dont en réalité 115 milliards sont destinés à l’indemnisation de l’épisode de gel, et 200 milliards sont consacrés aux promesses faites en 2020 concernant la betterave et la grippe aviaire.
Monsieur le ministre, j’imagine que vous allez nous dire que nous devons attendre le bilan final pour indemniser les exploitants. Cependant, je m’étonne que le Premier ministre puisse annoncer des aides aussi élevées sans avoir mesuré les pertes réelles, et que l’État intervienne de nouveau sur des risques assurables, quitte à créer un doute sur la nécessité de s’assurer ou pas, au moment où des discussions s’ouvrent dans ce domaine.
Nous demeurons dans la théorie du « quoi qu’il en coûte », qui repose sur un recours à la dette systématique. C’est un peu trop facile…
En second point, toujours en rapport avec l’agriculture, je veux revenir sur la décision qui a été adoptée dans le projet de loi de finances par votre majorité, concernant la révision du prix du kilowattheure pour les installations photovoltaïques d’une puissance supérieure à 250 kilowatts-crête. Cette partie de mon intervention fait suite à un amendement de mon collègue Laurent Duplomb, malheureusement déclaré irrecevable.
Pour rappel, le prix a été fixé contractuellement pendant vingt ans à 60 centimes, et sur une décision de votre gouvernement dans le dernier projet de loi de finances, il est passé à 2 centimes. Cette baisse conduira de nombreuses exploitations agricoles, qui ont investi dans cette énergie renouvelable, à la faillite. Comment l’État peut-il s’autoriser ainsi à ne pas respecter ses engagements contractuels ?
Décidément, les annonces ne sont pas budgétisées et les contrats ne sont pas honorés ! On ne s’étonnera donc plus du manque de confiance des Français dans la parole des politiques.
Ce projet de loi de finances rectificative soulève donc plusieurs questionnements relatifs à l’agriculture, et nous serions bien évidemment rassurés de vous entendre sur ces deux points, qui apparaissent incontournables dans l’examen de ce texte au Sénat. Nous attendons du Gouvernement une rigueur dans la tenue de ses engagements, et des éclaircissements sur des points qui demeurent incertains.