Pour commencer, je veux en quelques mots remercier l’ensemble des intervenants de la discussion générale de la variété et de la richesse de leurs propos. Parmi les sujets abordés, nombreux sont ceux sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir au cours de l’examen des articles. Je veux cependant préciser d’emblée quelques points.
Tout d’abord, nous avons été amenés à suivre un calendrier plus resserré que nous ne l’envisagions. En effet, lorsque je suis venu présenter le décret d’avance devant la commission des finances de votre assemblée, c’était dans un délai rapide, et certains d’entre vous ont d’ailleurs considéré qu’il était peut-être précoce. Nous l’avons fait en pensant qu’il serait nécessaire de recourir à cette avance à l’entrée de ce mois de juillet.
En réalité, les crédits dont nous disposions avant le décret d’avance, en matière de fonds de solidarité et d’activité partielle sont épuisés, ou plutôt auraient été épuisés, depuis le début de cette semaine. Le décret d’avance nous permet donc de faire face aux engagements pris et d’apporter aux entreprises et aux bénéficiaires de ces aides les fonds nécessaires, sans qu’il y ait de rupture.
Par conséquent, nous avons déposé le projet de loi de finances rectificative, et il a été examiné, il y a quelques semaines, à l’Assemblée nationale. Nous nous sommes inscrits dans le cadre d’un calendrier parlementaire contraint par le cycle normal du travail des assemblées, et par un certain nombre d’échéances et de textes en discussion. Nous espérons une adoption définitive du texte d’ici au 21 juillet prochain. Ce décalage entre la date de fin de consommation des crédits, tels qu’ils étaient prévus initialement, et celle du 21 juillet prochain justifiait à la fois le décret d’avance et le fait que nous vous proposions de voter non seulement sa régularisation, mais aussi l’abondement d’une certaine partie des crédits.
Nombreux sont ceux qui, parmi vous, ont rappelé, ou en tout cas souligné, les interrogations qui demeurent sur le niveau de report des crédits, notamment ceux de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », tels qu’ils avaient été votés dans le quatrième projet de loi de finances rectificative, et que nous avons reportés sur l’exercice 2021, à hauteur de 28, 9 milliards d’euros. C’est une somme qui est importante, mais comme je l’ai dit devant la commission finances, son report reste, à nos yeux, tout à fait conforme aux règles organiques et constitutionnelles.
En effet, lorsque j’ai présenté le PLFR 4 pour 2020 devant le Parlement, nous avions retenu l’hypothèse, non pas d’un point de vue sanitaire, mais d’un strict point de vue budgétaire, d’un confinement de deux mois plutôt que d’un seul mois. Même si nous souhaitions l’inverse, nous savions que nous n’aurions pas d’autre possibilité d’abonder les crédits. Il valait donc mieux être prudent et prévoir le pire pour pouvoir y faire face.
Par ailleurs, nous avions estimé alors que le confinement du mois de novembre 2020 se traduirait par une perte d’activité de vingt points ; or celle-ci n’a atteint que onze points, si je puis le dire ainsi. Cette perte d’activité moindre et un confinement moins long que ce que nous avions craint sont les deux raisons qui expliquent que les mesures d’urgence n’aient pas été consommées et que nous ayons procédé à leur report pour financer celles rendues nécessaires par la troisième vague de l’épidémie, que personne n’avait ni imaginée ni bien sûr souhaitée.
M. Bocquet a abordé un point particulier, qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui porte sur la provision en matière de vaccins. Monsieur le sénateur, vous nous avez fait le reproche d’avoir inscrit seulement 1, 5 milliard de crédits, alors que la campagne de vaccination coûte 5 milliards d’euros.
Si les chiffres sont justes, je veux rappeler que, au mois d’octobre dernier, lorsqu’Olivier Véran et moi-même avons défendu devant vous le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ne savions pas qu’un vaccin allait exister. Les tests étaient en cours, mais nous n’avions qu’un espoir et pas de certitude. Nous ne savions pas non plus à quelle date cet éventuel vaccin serait disponible ni à quel prix il serait commercialisé. J’avais dit devant vous, comme devant les députés, que la provision de 1, 5 milliard d’euros avait été prévue en attendant de savoir comment la situation allait tourner en matière vaccinale.
C’est la raison pour laquelle j’assume aujourd’hui devant vous le fait que la campagne de vaccination que nous connaissons soit d’un coût supérieur à celui que nous avions prévu, puisque celui-ci flirtera effectivement avec les 5 milliards d’euros. Pour la campagne de tests, le coût flirtera aussi avec les 5 milliards d’euros. J’ai donc présenté, la semaine dernière, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, au titre de ces deux campagnes, une dégradation du solde des administrations de sécurité sociale de 10 milliards d’euros.
Il me reste à aborder trois points, dont le premier concerne l’agriculture, même si M. le sénateur Segouin a déjà répondu à sa propre question. Nous ouvrons, en effet, 350 millions d’euros de crédits. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, il s’agit de faire face non seulement aux engagements relatifs à certains phénomènes comme la grippe aviaire ou la jaunisse de la betterave, mais aussi à une première tranche d’indemnisation pour les agriculteurs victimes du gel.
Nous savons, en effet, que les conséquences de cet épisode de gel sur la trésorerie et le revenu des agriculteurs vont intervenir au rythme des récoltes, et selon une saisonnalité particulière, que nous suivons. Je puis vous assurer que, comme ministre en charge des comptes publics, je suis particulièrement « comptable », si vous me permettez l’expression, des engagements pris par le Premier ministre, et que ceux-ci seront tenus.
Ils le seront à hauteur de 1 milliard d’euros, grâce à la mobilisation du dispositif d’exonérations, grâce aux fonds déjà inscrits dans le dispositif des calamités agricoles que nous allons évidemment renforcer, et grâce au vote de crédits spécifiques. L’ensemble des engagements sera tenu. Je détaillerai plus avant, dans la suite de la discussion, ce que recouvrent les 350 millions d’euros.
En deuxième point, je veux préciser qu’à la fin du mois de mai dernier, le plan de relance était engagé à hauteur de 36 milliards d’euros. Nous avons toujours comme objectif que 70 milliards d’euros soient engagés au 31 décembre prochain. Nous atteindrons ainsi 50 milliards d’euros de décaissements, puisque, bien évidemment, en matière de subventions aux collectivités, comme dans d’autres domaines, il y a un délai entre la mobilisation des crédits sous forme d’engagements et leur décaissement à réalisation, après parfois quelques procédures.
En troisième et dernier point, je veux souligner le fait que vous avez été nombreux à présenter des amendements. Comme à l’accoutumée, un certain nombre d’entre eux ne recueilleront pas un avis favorable du Gouvernement, mais d’autres en bénéficieront, dont notamment certaines dispositions évoquées par M. le rapporteur général, qui visent à élargir à certaines ressources fiscales spécifiques le « filet de sécurité » pour les collectivités d’outre-mer. Je reviendrai plus précisément sur ces aspects.
De manière plus générale, je veux vous dire que la reprise économique est bien là et que, à situation sanitaire constante – vous avez parfois fait part d’inquiétudes en la matière –, la reprise est là. Notre perspective de croissance est importante. La Commission européenne et l’OCDE considèrent que le taux de croissance de la France sera le plus élevé de la zone euro, à hauteur respectivement de 5, 7 % et 5, 8 %.
Nous avons fait le choix « prudent et réaliste en même temps », pour reprendre les termes de l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques, de maintenir un taux de croissance à 5 % dans nos prévisions, car l’expérience de ces derniers mois nous a enseigné que, en matière de finances publiques, comme de conséquences de l’épidémie, la prudence commande et semble s’imposer.
Il faut compter avec d’autres bonnes nouvelles sur le front économique, notamment en ce qui concerne la consommation, au sujet de laquelle l’Insee a rendu public un rebond de 14 %. Les nouvelles sont également rassurantes en matière d’investissements des entreprises, qui rebondissent à hauteur de 9 %.
Le mois de mai qui s’est terminé a été caractérisé par un record de 785 000 embauches. L’Insee a, par ailleurs, indiqué que sa prévision de chômage pour l’année 2021 s’établissait à un taux de 8, 5 %, aligné sur le niveau de la fin de l’année 2019. Ce chiffre s’explique par une perspective de création de plus de 300 000 emplois nets, alors que la crise nous a coûté 280 000 emplois au cours de l’année 2020.
Voilà autant de motifs et de raisons non seulement pour être confiants dans la reprise et le rebond économiques, mais aussi pour rester fidèles à notre ligne d’extinction progressive des mesures d’urgence. Le Premier ministre a précisé, le 10 mai dernier, les conditions dans lesquelles le fonds de solidarité allait être progressivement éteint : la prise en charge différentielle du chiffre d’affaires avec un caractère dégressif, ou bien la remontée à un niveau un peu plus important du reste à charge pour les employeurs, en matière d’activité partielle, et l’orientation des secteurs qui en ont le plus besoin vers l’activité partielle de longue durée.
Cet objectif est une forme de chemin de crête, qui nous impose de trouver le bon équilibre entre la mobilisation des derniers crédits supplémentaires, nécessaires à l’accompagnement des entreprises, et le retour à un niveau plus soutenable de dépenses publiques, indispensable si nous voulons financer nos priorités et un certain nombre de projets qui, je crois, sont attendus, et que, en tout cas, nous voulons mener à bien.
Madame la présidente, je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long. Je reviendrai sur certains points au cours de l’examen des articles.