Intervention de Olivier Dussopt

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 juillet 2021 à 13h30
Situation et perspectives des comptes sociaux — Audition de M. Olivier duSsopt ministre délégué chargé des comptes publics

Olivier Dussopt, des finances et de la relance, chargé des comptes publics :

ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Je vous remercie pour votre invitation à cet échange sur la situation et les perspectives des finances sociales, à l'occasion du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, que nous avons présenté aux membres de la commission le 24 juin dernier.

Je partage, madame la présidente, le regret sur l'horaire atypique de cette réunion qui est de mon fait en raison d'une convocation à l'Elysée que je ne pouvais reporter.

Ce rapport de la CCSS permet, comme chaque année, de retracer les comptes de l'exercice 2020 et d'actualiser les perspectives de l'année 2021. Ces données sont essentielles alors que nous commençons à préparer la prochaine loi de financement de la sécurité sociale et que des réflexions sont en cours, notamment au sein de votre commission - je pense à la proposition de loi organique de votre rapporteur général -, pour améliorer la gouvernance des finances sociales.

Je souhaite tout d'abord revenir rapidement sur les résultats 2020 et les prévisions 2021.

Nous sommes actuellement confrontés à un déficit sans précédent avec un solde global du régime général et du fonds de solidarité vieillesse qui s'élève à - 38,7 milliards d'euros. Ce chiffre donne le vertige, à deux titres : car il est supérieur de plus de 33 milliards d'euros à ce que nous anticipions avant la crise dans le cadre du PLFSS pour 2020 et est supérieur de près de 11 milliards d'euros au précédent plus grand déficit qui avait suivi la crise financière de 2008 - avec un déficit de -28 milliards d'euros en 2010 - ce qui en fait le déficit le plus important qu'ait connu la sécurité sociale depuis sa création.

Cette dégradation, brutale, par rapport au début du quinquennat, où nous projetions un retour à court terme à l'équilibre de la sécurité sociale et un remboursement de la dette sociale d'ici 2024, s'explique par la crise que nous traversons et par les dispositifs de protection que nous avons déployés.

Ce que nous enseigne ce chiffre, c'est d'abord que la sécurité sociale a joué un rôle essentiel dans la gestion de la crise qui a secoué notre pays, au travers du financement d'un ensemble de dispositifs qui ont largement contribué à préserver les moyens et le pouvoir d'achat des Français. Ce déficit est aussi le reflet de l'action du Gouvernement, des décisions que nous avons prises et des dispositions que le Parlement a accepté de voter, pour protéger les Français pendant la crise sanitaire.

Il résulte ainsi que le rapport de la commission des comptes le rappelle pour les deux tiers de moindres recettes, en raison des dispositifs visant à soutenir les entreprises - puisque les indemnités d'activité partielle ne sont pas assujetties - , et pour un tiers de dépenses supplémentaires, essentiellement des dépenses financées par l'assurance maladie. Je pense à la prise en charge des tests à 100%, nous sommes un des seuls pays en Europe à le proposer et 33 millions de tests ont été réalisés en 2020 ; je pense aussi à la création d'indemnités journalières dérogatoires, notamment au titre de la garde d'enfants.

Cette année, la situation est différente de celle de l'année dernière, mais elle lui ressemble par certains aspects.

À ce stade les prévisions montrent que le déficit global du régime général et du fonds de solidarité vieillesse devrait se stabiliser autour de 38,4 milliards d'euros, c'est-à-dire peu ou prou au même niveau qu'en 2020, et 2,6 milliards d'euros au-dessus des prévisions faites lors de l'adoption de la LFSS pour 2021.

Cependant, l'explication de ce déficit est différente par rapport à l'an dernier car on constate un rebond de l'activité économique, et donc une augmentation des recettes de la sécurité sociale. Ainsi, si l'on ne prend pas en compte les effets liés à l'intégration de la branche autonomie dans les comptes de la sécurité sociale, les recettes devraient progresser de 4,6%, du fait de l'augmentation de la masse salariale du secteur privé. Mais ce rebond n'est pas à la hauteur de la hausse des dépenses exceptionnelles mises en oeuvre cette année encore pour faire face à la crise sanitaire et à la troisième vague épidémique ; les tests coûteront près de 5 milliards d'euros à la sécurité sociale et la vaccination représente un coût qui s'élèverait autour de 4,6 milliards d'euros

Enfin, mais nous avons tous le même espoir : la situation cette année est différente car malgré les inquiétudes que nous connaissons, la campagne de vaccination et son regain annoncé aujourd'hui par le ministère de la santé, nous laissent espérer parce que nous n'avons jamais été aussi près de la sortie de ce tunnel épidémique.

Au-delà de tout cela, lorsque nous avons ces chiffres en tête, cette situation des finances sociales, et plus largement des finances publiques est bien sûr préoccupante. Je souhaite le souligner, vous l'avez vu, la situation des branches n'est pas identique, une partie d'entre elles vont retrouver très vite des excédents, je pense à la branche risques professionnels et à la branche famille. La dégradation générale des comptes de la sécurité sociale doit toutefois nous conduire à porter une appréciation globale et cohérente sur la situation des finances sociales et sur les moyens de l'améliorer.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous devons sortir progressivement du « quoi qu'il en coûte » pour retrouver le chemin du retour à l'équilibre, le chemin d'une dépense plus soutenable. Car on ne peut pas durablement accepter que la trajectoire financière de la sécurité sociale soit dégradée, et la sécurité sociale n'a pas vocation à rester indéfiniment en déficit. La sécurité sociale a vocation à revenir à terme à l'équilibre, la dette sociale à être remboursée. C'est notre engagement commun envers les générations envers les prochaines générations depuis 1996 et la création de la CADES, engagement renouvelé l'été dernier.

Le respect de nos engagements et le rétablissement de la soutenabilité de nos finances sociales impliqueront bien évidemment sur la sphère sociale des réformes d'ampleur. Mais ces réformes interviendront en temps voulu, car afin de redresser les comptes de la sécurité sociale sans augmenter les prélèvements, nous allons devoir faire un effort renforcé de maîtrise de la dépense une fois la crise passée.

Cette maîtrise passe également par le renforcement du cadre de gouvernance des finances publiques. Au vu de la situation globale de la sécurité sociale, et plus largement des finances publiques, un renforcement du pilotage global de la sécurité sociale doit être mis en oeuvre, afin d'affecter, si besoin de façon explicite, les ressources en fonction des priorités de financement identifiés.

Par ailleurs les propositions de loi organiques, je pense à celle du député Thomas Mesnier qui porte sur le champ social, et évidemment à celle de votre rapporteur général, concernant les finances sociales, apportent de premières réponses utiles afin de renforcer la gouvernance des finances sociales, notamment en renforçant l'inscription de lois de financement de la sécurité sociale annuelles dans le cadre financier pluriannuel de la loi de programmation des finances publiques.

Enfin, je pense bien sûr au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui doit être l'occasion encore plus prioriser nos dépenses, car chaque nouvelle dépense pérenne ne fait qu'accroître l'effort devant être fourni dans les années à venir.

Pour nous, le seul chemin possible afin de préserver à terme la crédibilité de notre stratégie de finances publiques et d'assurer la pérennité de notre système social, passe par cette amélioration du pilotage global, passe par cette volonté de priorisation et passe aussi par la mise en oeuvre prochaine de réformes, je le répète, en temps voulu. Notre priorité reste la sortie de crise, ce qui explique l'essentiel des déficits prévisionnels pour l'année 2021.

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