ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Quelques mots pour essayer d'apporter des éléments de réponse mais je crois que vous avez compris que je ne pourrai pas être complet.
La position du Gouvernement est la suivante : nous sommes convaincus qu'il faut une réforme des retraites pour deux raisons. La première est intrinsèque au système tel qu'il existe aujourd'hui. Il s'agit de la cohabitation et donc de l'illisibilité des 42 systèmes de retraite et du problème d'injustice qu'il en résulte au dépend notamment des poly-pensionnés et des actifs dont les carrières ont été hachées par la précarité. La deuxième raison tient au déséquilibre financier qui était constaté avant la crise et que cette dernière a aggravé dans des proportions moins inquiétantes que nous estimions grâce à la reprise de l'activité économique mais avec le maintien d'un déficit structurellement important pendant de nombreuses années. La question de savoir s'il faut une réforme est donc tranchée à nos yeux. Reste uniquement la question du calendrier qui sera tranchée par le président de la République et je ne m'autorise pas à parler avant lui.
Sur les questions relatives à l'Unédic, nous n'avons pas à ce stade prévu de modalités d'intervention de l'État pour accompagner l'amortissement de la dette de l'Unédic. Nous considérons que le financement de l'activité partielle pour la quote-part relevant de l'Unédic relève de sa responsabilité et que la reprise de l'activité économique doit nous conduire à un apurement de cette dette accumulée au cours de l'année. Cette dette revêt à nos yeux un caractère moins structurel que celle résultant du système d'assurance vieillesse dans la mesure où la perte de l'Unédic s'explique par un manque à gagner en termes de cotisations et par une dépense exceptionnelle qui n'a pas vocation à perdurer dans le temps. A ce stade, nous n'avons pas prévu de modalités particulières.
Je vous confirme, en revanche, Monsieur le Rapporteur Savary, qu'en ce qui concerne le calcul de la retraite des travailleurs indépendants, le sujet évoqué est bien dans notre viseur. Nous le traitons dans le cadre de la préparation de certaines mesures en faveur des indépendants. Nous aurons l'occasion de revenir vers le Parlement. Il serait assez illogique finalement de garantir l'acquisition des droits à la retraite pour certains actifs dont ceux placés en activité partielle et de ne pas le faire pour les indépendants dont la cotisation a été suspendue ou diminuée de moitié par l'Etat, avec un risque d'exonération de la cotisation ou de report sur les exercices suivants. Quand bien même ce n'est pas simple juridiquement, nous travaillons à la garantie de l'acquisition de droits à la retraite pour l'année qui devait faire l'objet d'une cotisation et non pour l'année au cours de laquelle le versement sera effectif.
Madame la Sénatrice Imbert, j'en viens au coût de la campagne de vaccination supérieur de 3 milliards d'euros à la prévision. Je veux d'abord rappeler que lorsque nous avons inscrit dans le PLFSS une provision d'un milliard et demi, il s'agissait bien d'une provision. Nous étions à un moment où nous ne connaissions pas la date de mise sur le marché des vaccins, où nous n'en maitrisions pas les coûts unitaires. Par ailleurs, la part de la population éligible était moins importante à cette période que la part de 80 % que nous connaissons actuellement. Aujourd'hui, nous assumons le fait que la campagne coûte presque 5 milliards d'euros. Si la campagne coûtait 7 ou 8 milliard d'euros, je serais devant vous de la même manière en considérant que la vaccination est le meilleur investissement possible pour la santé des Français et la reprise économique. C'est un coût auquel nous devons faire face. Pour cet aspect-là, le « quoi qu'il en coûte » trouve toute sa puissance.
J'entends la difficulté qu'il y a pour les parlementaires de constater l'absence de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Je ne sais pas juger aujourd'hui de ce que le Gouvernement inscrira à l'ordre du jour du Parlement et je ne sais pas s'il y a la nécessité d'avoir un collectif budgétaire rectificatif pour la sécurité sociale. Je doute que le temps nous le permette d'ici le PLFSS pour 2022.
Sur la question du plan d'économies et du Haut conseil pour l'Avenir de l'Assurance maladie (HCAAM), nous travaillons avec Olivier Véran et ses équipes pour voir les propositions et les solutions qui pourraient être reprises. Je ne suis pas convaincu que nous aurons le temps de reprendre les propositions de la HCAAM sur la construction et la restructuration de l'Ondam d'ici le PLFSS 2022. Nous sommes plutôt dans une logique de stabilité du cadre réglementaire pour répondre à la crise. Nous allons reporter les réformes qui sont certainement utiles pour rétablir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale mais qui seraient orthogonales avec notre volonté de sortir de la crise.
Sur la question de la cinquième branche évoquée par Monsieur le Rapporteur Mouiller. La dégradation des comptes en 2021 est d'abord liée à l'élargissement du périmètre mais aussi à des provisions pour créances qui ont été faites en fonction d'un niveau d'activité qui n'a pas été au rendez-vous du fait de la crise. Le déficit de 1,2 milliard d'euros - de mémoire, alors que nous anticipions plutôt 400 millions dans la première estimation, est dû à cette période très spéciale. Toutefois, l'affectation d'une recette de CSG à partir de 2024 va permettre de financer les nouvelles missions et le virage domiciliaire auquel nous aspirons. Nous n'avons pas d'inquiétude aujourd'hui sur le fait que cette cinquième branche sera équilibrée et peut-être même excédentaire à horizon de 2030, comme prévu initialement. La Cour des comptes a remis un rapport avec cinq secteurs prioritaires à ses yeux en matière de réforme et de recherche d'autonomie. MM. Blanchard et Tirole nous ont remis leurs propositions ainsi que les membres de la commission présidée par Jean Arthuis. L'ensemble de ces contributions nous seront utiles pour construire une programmation des finances publiques dans un cadre organique rénové. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale les deux propositions de loi organique, respectivement de Laurent Saint-Martin et Éric Woerth pour les finances publiques et de Thomas Mesnier pour les finances sociales, et qu'il souhaitera à la rentrée cette inscription au Sénat. À cette occasion auront lieu un croisement et un débat qui permettront d'aborder les dispositions de la proposition de loi déposée par votre rapporteur général.
Quelles sont les priorités que nous retiendrons ? Aujourd'hui, il est trop tôt pour le dire. Notre priorité est d'accompagner la sortie de crise avant d'arrêter ce programme d'économies.
Monsieur le président Milon a évoqué la contribution des mutuelles. L'année dernière, nous avons demandé aux mutuelles de contribuer à hauteur de 1 milliard d'euros. Il est prévu une contribution de 500 millions d'euros en 2021. Nous avons des discussions en cours avec le ministère des Solidarités et de la Santé pour voir s'il est nécessaire de maintenir ce prélèvement de 500 millions d'euros ou s'il faut envisager un prélèvement supplémentaire. J'ai le sentiment à vous écouter que vous nous y encouragez et, si cette solution venait à prospérer, je ne manquerai pas de vous demander de l'aide pour argumenter auprès des mutuelles.
Madame Doineau, vous reprenez dans vos propos le désaccord que le Gouvernement et le Sénat ont entretenu à l'occasion des dernières LFSS : la compensation pour les budgets de Santé publique France. Nous considérons que les compétences de Santé publique France relèvent de l'action en matière de santé et de maladie et donc de la sécurité sociale. C'est pourquoi, nous n'avons pas modifié les modalités de compensation par l'État des fonds que la sécurité sociale apporte à Santé publique France pour financer les campagnes de vaccination et de test. C'est un point de désaccord qui, je le crains, va rester mais que nous assumons.
S'agissant de l'amortissement de la Cades et le plafond de 92 milliard d'euros, nous avons bon espoir que les trois années de déficit cumulées puissent encore être sous le plafond indiqué. Il faut néanmoins garder en tête que si le plafond venait à être dépassé, l'Acoss a encore la possibilité de porter de la dette. Nous pouvons imaginer un scénario, que nous ne souhaitons pas, dans lequel le dépassement du plafond est porté par l'Acoss et que le transfert à la Cades est limité à 92 milliards comme le prévoit la loi organique. Cela ne remettrait pas en cause la date de 2033 pour l'apurement de la dette de la Cades.
Enfin, Madame Lubin m'a interrogé sur deux sujets. Sur la question des économies, je pense que les Français attendent que la sécurité sociale soit viable, que nous puissions répondre à leurs besoins mais avec un niveau de dépenses publiques qui soit soutenable et un niveau d'endettement qui ne soit pas aggravé. C'est pourquoi, une fois la crise terminée, nous aurons à faire des efforts les uns les autres et à imaginer des réformes de maitrise des dépenses publiques pour revenir à un niveau soutenable. Dans ce cadre, le projet de loi porté par Brigitte Bourguignon fait un double choix important ; d'abord, politique en ce qui concerne l'accompagnement de la dépendance et le virage domiciliaire et puis, également, budgétaire étant donné ses conséquences d'ampleur en la matière. Je ne peux pas vous dire à quel moment ce texte sera inscrit à l'ordre du jour des assemblées parlementaires. Permettez-moi toutefois de rappeler que nous avons commencé à travailler sur les questions d'attractivité du secteur de l'aide à domicile. Dans le PLFSS de l'année dernière, un soutien de 200 millions d'euros a été apporté pour les métiers de l'aide à domicile. C'est une des premières fois que l'État accompagne la revalorisation salariale d'agents ou de salariés qui ne relèvent pas de son périmètre de compétences en termes d'emploi, de recrutement et donc de lien hiérarchique mais qu'il vient accompagner directement les employeurs d'aides à domicile. Cela fait aussi partie des orientations du texte préparé par Brigitte Bourguignon.