Il s’agit d’une demande de rapport ; je ne me fais donc pas trop d’illusions… Il me semble pourtant, en particulier à l’aune de nos débats, qu’il serait intéressant que le Gouvernement nous transmette un rapport sur l’évolution, sur plusieurs années, du nombre de médecins du travail et sur les mesures qu’il a mises en œuvre pour lutter contre cette pénurie.
Les législateurs qui se succèdent répètent à l’envi l’importance de la prévention dans la politique de santé au travail. Derrière les mots, les actes ne permettent pas d’enrayer la dégradation de la culture française de santé publique, en particulier dans la médecine du travail.
La démographie de la médecine du travail montre l’état dramatique du secteur. Phénomène connu de longue date, la profession a subi une perte de près de 16 % de ses effectifs entre 2010 et 2019. Sur les 5 009 médecins du travail recensés en 2019, 43 % ont plus de 55 ans et vont partir à la retraite dans les sept ans qui viennent.
Les causes de cette pénurie sont nombreuses ; elles ont été mises en avant depuis le début de nos débats : peu d’informations sur l’exercice de la médecine du travail durant la formation des étudiants en médecine ; des stages essentiellement réalisés à l’hôpital sous la direction de professionnels qui ne connaissent pas la médecine du travail ; aucune question relative à la santé au travail dans le concours de l’internat ; un enseignement trop éloigné de la réalité de l’exercice ; de moins en moins d’examens cliniques réalisés par les médecins du travail, alors que cela reste tout de même le cœur de la profession.
C’est l’inaction des pouvoirs publics successifs pour répondre à ces causes qui pose question et qui nous conduit à nous interroger : la pénurie de médecins du travail, régulièrement mise en avant pour justifier les réformes successives, ne relève-t-elle pas d’une stratégie orchestrée ? N’est-elle pas, finalement, organisée ?