Intervention de Anton'Maria Battesti

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 juin 2021 à 9h35
Audition de Mm. Sébastien Missoffe vice-président directeur général benoît tabaka directeur des relations institutionnelles et des politiques publiques de google france anton'maria battesti responsable des affaires publiques et martin signoux chargé des affaires publiques de facebook france

Anton'Maria Battesti, responsable des affaires publiques de Facebook France :

Pour ce qui concerne les « antivax », nous menons une politique de retrait de contenus particulièrement agressive : tout contenu qui n'est pas scientifiquement établi par les agences de médecine et les sources autorisées est supprimé, tout comme n'importe quelle autre affirmation concernant des traitements qui n'auraient pas amené la preuve de leur efficacité et qui mettraient les gens en danger. Ces derniers mois, 18 millions de contenus dans le monde ont été retirés pour cette raison.

C'est un effort continu. Il faut à la fois promouvoir des sources crédibles - c'est le travail qu'on fait avec le service d'information du Gouvernement - et retirer les contenus nocifs pour la population. Certains débats ont parfois lieu sur des contenus « gris » et peuvent questionner l'efficacité d'un vaccin ou s'interroger sur la nécessité de se faire vacciner. Cela peut parfois nécessiter une analyse plus fine.

S'agissant du cyberharcèlement, une réunion a lieu cet après-midi avec un membre de notre équipe afin de vous apporter beaucoup plus de détails que je ne vais le faire. Certes, les adultes ne lisent pas les conditions d'utilisation, et les jeunes encore moins. Comment faire pour que ces conditions soient apparentes, comprises et rappelées ? C'est un vrai défi. On a travaillé sur des centres d'information adaptés à la fois aux jeunes et aux parents, qui jouent dans tout cela un rôle très important.

C'est le travail que nous menons avec un certain nombre d'associations, comme e-Enfance ou Génération numérique. On ne peut s'inscrire avant treize ans. Si on trouve un compte appartenant à un mineur de moins de treize ans, on le supprime. C'est rédhibitoire. On ne demande pas la carte d'identité à un jeune de 13 ans et demi pour savoir s'il peut s'inscrire. Cela soulèverait beaucoup de questions éthiques et légales dont on n'aura pas le temps de débattre aujourd'hui. Il est important que les parents qui nous écoutent le comprennent.

Concernant le RGPD, en vigueur depuis un certain nombre d'années, les régulateurs européens ne nous laissent en rien tranquilles sur le sujet, et ils ont bien raison étant donné la masse de données que nous traitons. Il est tout à fait normal que nous soyons en conformité - consentement, mise en place, en interne, de processus, avec accountability, data protection officer, documentation, privacy by design.

Après l'affaire Cambridge, nous avons dû signer des accords de l'autre côté de l'Atlantique, le régulateur américain nous obligeant à être extraordinairement transparents sur la fabrication des nouveaux produits.

Une montée en puissance de la régulation des données a eu lieu des deux côtés de l'Atlantique, et c'est très bien ainsi. Il faut rappeler que ne pas respecter le RGPD peut coûter 4 % du chiffre d'affaires. Aucune entreprise n'a intérêt à ne pas respecter le RGPD pour les raisons de confiance que je viens de mentionner. Par ailleurs, les enquêtes et les sanctions sont extrêmement désagréables. Cela ne suscite aujourd'hui aucun débat : il faut appliquer le RGPD !

On est parfois dans des domaines techniques assez subtils. Il faut donc avoir des négociations et des discussions avec les régulateurs, mais c'est la vie d'une entreprise régulée.

J'attire néanmoins votre attention sur un point, sans aucune malice : dans la loi sur le piratage qui va bientôt faire l'objet d'une CMP, une disposition concerne la capacité pour le Pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN), ce groupe d'experts du Gouvernement, d'effectuer, pour des raisons que l'on peut bien sûr discuter, une collecte de données à des fins d'études auprès des plateformes. C'est ce qu'on appelle en anglais du data scraping. Je remarque que cela n'a suscité aucun débat, aucun avis de la CNIL. Si c'est fondé et nécessaire, parlons-en, ayons un débat, demandons à la CNIL ce qu'elle en pense, mais la question des données dépasse de loin la seule question de nos plateformes. Ce n'est pas un sujet mineur. J'en appelle à la sensibilité du Sénat sur ces points : cela nécessite de savoir si ces dispositions fiscales sont légitimes, proportionnées, organisées, etc. C'est une question de méthode.

Concernant la question du transfert aux États-Unis, Internet et la mondialisation étant aujourd'hui ce qu'ils sont, il existe des transferts de biens et de services des deux côtés de l'Atlantique qui impliquent des transferts de données. Cela ne concerne pas seulement Facebook. On nous fait parfois le reproche d'être un État dans l'État. Dans cette affaire, la preuve est faite qu'il n'en est rien. Nous devons respecter des règles de souveraineté des deux côtés de l'Atlantique.

Nous souhaitons que ces transferts puissent continuer comme ils existaient dans le passé, avec des garanties supplémentaires. Cette distribution de biens et de services des deux côtés de l'Atlantique ne concerne pas seulement le secteur du numérique. Il n'est pas normal que la NSA ait trop de pouvoirs, ou que d'autres agences de renseignement européennes disposent de pouvoirs d'investigation, etc., mais c'est aux États de régler ces questions, comme ils le font en matière fiscale. C'est aux États de passer des accords internationaux, de voter les lois qui concernent le renseignement. Je ne crois pas que nous soyons en désaccord sur ces questions mais, du point de vue de l'entreprise, nous devons appliquer les lois et les « challenger » devant les tribunaux lorsque c'est nécessaire. Je crois que Microsoft l'avait fait, et que d'autres entreprises étaient venues soutenir Microsoft.

Pour ce qui est des fake news et des élections, des dispositifs de fact-checking existent, notamment avec l'Agence France Presse (AFP). Quand une information fait l'objet d'un fact-checking, sa viralité s'effondre de 90 %. La page qui a émis la fake news est également sanctionnée. Si une page essaye de gagner de l'argent avec ce sujet, elle sera aussi sanctionnée et ne pourra pas faire de publicité ou renvoyer vers des sites lui permettant de gagner de l'argent.

Par ailleurs, l'enjeu est aussi de mettre en avant des contenus de qualité. Toutes les fake news ne sont pas retirées, mais le dispositif de fact-checking, qui est apparu dès 2017 en France, fonctionne bien. Des études tendent à montrer que la viralité de ces fake news est en baisse. Il faut donc continuer les efforts. On aura aussi une vigilance particulière pour les élections pour ce qui concerne les interférences étrangères. Nous avons des échanges avec l'ambassadeur Verdier, qui pilote ces sujets, et avec d'autres institutions gouvernementales.

Nous sommes sur plusieurs fronts en même temps. Nous, nous n'influençons aucune élection. Le problème, c'est la capacité d'autres personnes à utiliser l'outil. Notre responsabilité est de veiller à ce que ces gens ne le fassent pas, mais Facebook, en tant que tel, n'influence pas directement une élection. Cela ne veut pas dire qu'il faut se défausser sur d'autres, mais il faut aborder le problème pour le résoudre.

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