Intervention de Pierre Ouzoulias

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 juin 2021 à 9h35
Projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement — Communication

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias, rapporteur pour avis :

Les conclusions du rapporteur public du Conseil d'État au sujet du recours porté par les associations d'archivistes et d'historiens à l'encontre de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sont intéressantes. Elles disent deux choses : premièrement, cette instruction, qui entrave les travaux des chercheurs depuis plusieurs années, est illégale. Il n'y a pas de primauté du code pénal sur le code du patrimoine, tel qu'il résulte de la loi de 2008 - ce qui est un point très positif et qui signifie aussi que le Gouvernement a demandé un travail surhumain aux services d'archives pour déclassifier des documents en application de cette instruction illégale. On a perdu énormément de temps et de moyens. C'est le premier point.

Le deuxième point est le suivant : le rapporteur public dit que le respect du secret de la défense nationale est une exigence constitutionnelle. Les services qui détiennent des pièces soumises à ce secret peuvent légitimement faire valoir ce droit pour retenir la communication des documents. Cela veut dire qu'aujourd'hui, quand bien même l'instruction serait annulée, les services des armées et du ministère de l'intérieur auraient la faculté de retenir des pièces au motif qu'elles mettraient en danger la sécurité nationale.

Est-ce au législateur d'encadrer ces droits constitutionnels ? La semaine dernière, nous avons considéré que c'était au législateur de définir le régime dérogatoire. Nous avions accepté les quatre catégories qui composent cet article 19 relatifs aux infrastructures, aux systèmes d'armes, et aux moyens du renseignement. Mais nous avions voulu mieux encadrer ce régime dérogatoire. C'est là où nous n'avons pas été suivis par les deux autres commissions des lois et des finances, et c'est ce qui explique qu'il n'y ait pas d'accord entre nous sur l'amendement que devrait proposer la commission des lois en séance. Là-dessus je serai clair en séance publique : il ne peut pas y avoir d'accord de la commission de la culture.

Néanmoins, vous l'avez compris, il vous est proposé de ne pas déposer d'amendement contre l'amendement de la commission des lois. Le risque serait de tout perdre et de revenir au texte tel que voté par l'Assemblée nationale qui n'offre pas beaucoup de garanties pour les historiens. La discussion comme toujours est tactique : vaut-il mieux s'appuyer sur une position unanime du Sénat pour défendre un régime, certes pas idéal, mais qui offre un certain nombre de garanties aux historiens, ou au contraire en revenir à une position plus dure, celle de la commission de la culture, quitte à ce que si cet amendement était voté en séance, il soit balayé en CMP ? C'est toujours une question extrêmement délicate car nous ne connaissons pas a priori les conditions de négociations du texte en CMP sur lequel on pourrait aboutir à un accord des deux Chambres.

Pour la qualité du débat en séance publique, il est important que chaque groupe ainsi que chaque collègue s'exprime sur la base des amendements qu'il choisira de déposer. Il faudra que nous fassions entendre un certain nombre d'arguments en séance publique.

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