Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a souhaité, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, accorder une attention particulière au fonds de solidarité vieillesse et au fonds de financement des prestations sociales agricoles.
En effet, à la lecture du rapport de la Cour des comptes de septembre 2005 consacré à la sécurité sociale, il nous a semblé indispensable d'attirer l'attention de la représentation nationale et des pouvoirs publics sur la situation financière grave de ces deux fonds.
Certes, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 doit engager un processus de redressement des comptes, ce qui est aussi valable pour le FFIPSA et pour le FSV, le Gouvernement ayant d'ores et déjà indiqué que ces questions figuraient au coeur de ses préoccupations. Nous nous en félicitons, mais nous mesurons le chemin qui reste à parcourir pour revenir à l'équilibre et apurer les dettes qui se sont accumulées.
Je souhaite, mes chers collègues, en ma qualité de rapporteur de la branche vieillesse, vous faire part de l'inquiétude que m'inspire l'une des solutions envisagées pour rétablir les finances du FFIPSA, qui consisterait à modifier à nouveau, au détriment du régime général, les règles du mécanisme de « compensation démographique » entre les différentes caisses de retraite. M. le ministre vient d'y faire allusion.
Notre premier souci porte sur le FSV, dont la situation est profondément fragilisée par la succession des déficits intervenus depuis 2001.
La Cour des comptes nous a alertés et inquiétés en en évoquant le caractère « non conforme au droit », au regard du principe de sincérité et de fidélité des comptes sociaux consacré par la nouvelle loi organique du 2 août 2005, relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Pour sa part, le président du FSV, que la commission des affaires sociales a reçu, nous a indiqué qu'en l'état actuel, et malgré la baisse du chômage, il ne serait pas possible d'envisager un retour à l'équilibre avant l'année 2010. La dette du fonds pourrait alors culminer aux alentours de 8 milliards d'euros. Même en envisageant un excédent moyen d'un milliard d'euros à la fin de la décennie 2000-2010, l'apurement de la dette du fonds ne pourrait pas raisonnablement intervenir avant 2021.
Nous ne pouvons qu'approuver les mesures financières de redressement annoncées par le Gouvernement dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, parmi lesquelles l'élargissement de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, aux entreprises publiques, la réforme de la fiscalité des plans d'épargne logement et la fin de la possibilité d'exporter le minimum vieillesse à l'étranger.
Cependant, ces efforts, pour importants qu'ils soient, ne suffiront pas à faire face à l'ampleur des besoins de financement à couvrir. Nous sommes loin du compte, comme vient de nous le dire M. Vasselle.
J'observe, en outre, que la situation actuelle alimente deux débats importants.
Le premier concerne la consolidation éventuelle des comptes du FSV et de la branche vieillesse. C'est la Cour des comptes qui défend cette présentation comptable, même si elle rapproche deux logiques totalement différentes : la solidarité nationale dans un cas, l'assurance vieillesse dans l'autre.
Le second est, par ricochet, celui de la légitimité du fonds de réserve des retraites, le FRR, qu'a évoquée hier M. le rapporteur pour avis, à se voir attribuer la majeure partie des ressources du prélèvement de 2 % sur les produits du capital pour couvrir des besoins de financement à l'horizon 2020, alors que le FSV ne peut dès aujourd'hui assurer le paiement de l'intégralité de ses dépenses.
Nous ne nous dispenserons jamais d'un débat de fond sur le FRR, qui ne saurait assurer, dans vingt ans, le lissage pourtant bien nécessaire. Soit nous continuons à l'abonder de façon significative, soit - force est de le reconnaître - il n'aura plus lieu d'être.
La mission confiée au FRR justifie que ce fonds se voie attribuer, comme cela a été le cas ces dernières années, des recettes qui proviennent notamment des privatisations, sauf à considérer comme un fait acquis qu'il ne pourra jamais atteindre les objectifs qui lui ont été assignés.
Il n'en est pas moins vrai que la situation actuelle du FSV, et, à un moindre degré, celle du FFIPSA, risque, à brève échéance, de remettre en question les moyens financiers dont il dispose.
Notre second motif d'inquiétude tient au désengagement de l'État du FFIPSA.
Depuis que le BAPSA a été remplacé par le FFIPSA, le ministère de l'économie et des finances semble rechigner à assurer le « bouclage » de la protection sociale agricole. Auparavant, chaque année, depuis 1960, la solidarité nationale prenait la forme d'une subvention d'équilibre. Or, celle-ci semble être devenue une perspective essentiellement théorique.
Je laisserai à M. Jean-Marc Juilhard, notre spécialiste de la protection sociale agricole, le soin de développer plus avant cette argumentation, qu'il connaît mieux que moi.
Je me bornerai à relever que le déficit annuel du fonds atteint désormais 10 % des prestations versées chaque année et que la dette du FFIPSA, qui reste singulièrement à la charge de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, atteint 3, 2 milliards d'euros.
M. Seguin a fait part de l'inquiétude que lui inspire la situation du FFIPSA, bien que ce fonds n'entre pas expressément dans le champ des comptes sociaux que les magistrats financiers auront prochainement à certifier.
Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé que des mesures de redressement seront prises : nous souhaiterions savoir lesquelles. Mon sentiment est que la reprise de la dette du FFIPSA par l'État irait dans le bon sens, de même que l'octroi de droits sur les tabacs supplémentaires.
J'en viens maintenant au coeur de mon propos. La perspective, souvent évoquée au cours de ces dernières semaines mais jamais confirmée, d'un nouveau changement des mécanismes de compensation démographique nous inquiète.
Elle nous rappelle, tout d'abord, un mauvais souvenir, celui de la prise en compte soudaine, en 2002, des chômeurs dans les effectifs de la CNAV conjuguée avec la réévaluation de 600 000 personnes du nombre des cotisants. Cela s'est traduit chaque année, depuis lors, par une mise à contribution supplémentaire du régime général pour plus d'un milliard d'euros.
À cette occasion, la commission des affaires sociales s'était inquiétée de l'opacité accrue et de l'iniquité renforcée d'un système qui lui semblait déjà à bout de souffle.
Notre position n'a pas changé, dans la mesure où ce mécanisme, créé en 1974 pour compenser les écarts entre le nombre des cotisants et celui des retraités des différents régimes, ne fonctionne plus de façon satisfaisante.
Aujourd'hui, le bilan des flux cumulés des mécanismes de compensation et de surcompensation fait apparaître cinq régimes contributeurs nets : la CNAV, pour 5 milliards d'euros, ce qui représente 7 % de ses produits, la CNRACL, la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, pour 2, 8 milliards d'euros, soit 23 % de ses produits, l'État, au titre de la fonction publique, pour 1, 9 milliard d'euros, soit 5, 7 % des charges de pension du budget, la CNAVPL, la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, pour 322 millions d'euros, soit 30 % de ses produits, et les industries électriques et gazières, pour 131 millions d'euros, ce qui représente 4 % de leurs produits, tous les autres régimes étant, bien évidemment, bénéficiaires nets.
La lecture de telles sommes et de tels pourcentages - 23 % ou 30 % des produits - prouve qu'il ne s'agit plus d'un mécanisme de solidarité. Ces chiffres sont inquiétants.