Intervention de Cédric Villani

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 8 avril 2021 à 9h10
Examen de la note scientifique « les enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge » antoine herth député rapporteur

Cédric Villani, député, président de l'Office :

Notre conseillère scientifique en sciences humaines et sociales nous signale que la comédie citée à l'instant est le film Downsizing d'Alexander Payne.

M. Jean-Luc Fugit, député, vice-président de l'Office. - Je ne pouvais pas manquer la présentation de cette note, que je trouve en tous points remarquable. Je tiens à féliciter notre collègue Antoine Herth.

Mes réactions et réflexions rejoignent ce qui a été très bien dit par Philippe Bolo et Gérard Longuet. La note est particulièrement équilibrée. C'est peut-être un mot passe-partout et c'est ce que nous devons faire à l'Office, mais c'est toujours bon de le souligner. Tous les aspects sont abordés avec rigueur et l'ensemble est remarquablement intéressant. C'est parce que l'OPECST produit ce type de note que je ressens une certaine fierté à en être membre. Je suis toujours aussi étonné par la qualité de ce que l'Office réalise.

J'aimerais bien que soit explicité un point sur la gestion du carbone. Il a été dit que le meilleur équilibre se trouve dans l'agriculture biologique. J'ai été rapporteur de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la sortie du glyphosate et j'ai beaucoup travaillé sur les techniques de culture, notamment l'agriculture de conservation des sols. Je ne suis le représentant de personne ; je m'aperçois simplement que pour avoir moi-même bêché des parcelles totalement contiguës en agriculture biologique, en agriculture de conservation des sols et en agriculture conventionnelle, il y a matière à discuter. Je ne suis pas certain que tout soit mieux dans l'agriculture biologique. Cela se joue entre l'agriculture de conservation des sols et l'agriculture biologique. Il ne s'agit pas d'opposer l'une à l'autre. D'ailleurs, nous pouvons faire l'une et l'autre en même temps. Assurément, l'agriculture de conservation des sols est remarquable et contribue à fixer le carbone. Tout cela doit être intégré, notamment dans le débat sur l'importance de l'élevage pour un couvert végétal permanent permettant de fixer le CO2. C'est un sujet sur lequel je voudrais quelques précisions.

L'intérêt de la méthanisation pour fixer le carbone a été évoqué. En effet, il y a un lien avec l'élevage. Nous l'avions dit dans le rapport sur l'agriculture face au défi de la production d'énergie que l'Office a adopté en juillet dernier. Nous pouvons imaginer un formidable développement de la méthanisation, à condition de maîtriser les intrants, la qualité des digestats, etc. Il faut donc mettre beaucoup plus de rigueur et adopter une démarche quasi scientifique dans la manière de gérer la méthanisation du début à la fin.

Dans les lycées agricoles, des réflexions sont-elles conduites sur ces sujets liés à l'élevage ? On y étudie la technique agricole, la technique de production, la technique d'élevage. Mais, au fond, pourquoi faisons-nous tout cela ? Sur l'alimentation, sur telle ou telle viande, donne-t-on des éléments de réflexion, présente-t-on les avantages et les inconvénients comme cette note le fait ici ?

Dans les autres pays, notamment en Amérique du Sud, en Argentine, symbole de l'élevage bovin extensif et de la viande rouge, voit-on des réflexions, voire des orientations qui pourraient se recouper avec ce qui se passe en Europe ? Ou bien est-ce très différent sur un plan culturel ?

Le troisième point rejoint aussi ce que disaient Philippe Bolo et Gérard Longuet. D'ailleurs, c'est peut-être une interrogation que l'Office devrait avoir. Ce travail ne peut-il être considéré comme un élément de la stratégie eau-air-sol ? Pour moi, ces trois éléments sont vraiment liés. Hier soir, les débats de l'Assemblée nationale sur le projet de loi Climat portaient sur des questions relatives à l'eau. Ce week-end, ils porteront sur l'air, entre autres. Eau, air, sol, tout est lié. N'y a-t-il pas une stratégie globale à construire ? J'ai participé à des échanges sur le sujet avec des agriculteurs de mon département, le Rhône. Des démarches eau-air-sol devront sûrement être développées. La réflexion sur l'élevage n'est-elle pas une brique de la réflexion globale eau-air-sol qu'il faut développer pour réduire l'impact environnemental de notre agriculture - tout en conservant la qualité de ce que peut nous apporter l'agriculture, par exemple à l'aménagement du territoire et à l'entretien des paysages ?

Une toute dernière remarque : le volet « Se nourrir » du projet de loi Climat sera bientôt abordé en séance avec notamment les controverses relatives aux repas végétariens. J'aurais aimé que la note que nous examinons aujourd'hui soit à la disposition de toutes celles et tous ceux qui participeront aux débats. C'est une note remarquable produite par le Parlement, plus intéressante que certaines lectures journalistiques parfois trop partisanes, dans un sens ou dans l'autre. Là, nous avons une note scientifique de l'Office parlementaire. Cela viendrait donc à bon escient dans le débat. Je serai le premier à inciter nos collègues à en prendre connaissance.

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