Intervention de Guy Fischer

Réunion du 15 novembre 2005 à 10h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Débat sur le fonds de solidarité vieillesse et sur le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

...mais la politique d'exonérations de charges massives que ce dernier mène incite les agriculteurs à transformer - souvent, ils ne le font pas de gaîté de coeur ! - leur exploitation en société, et c'est autant d'évasion sociale au détriment du FFIPSA.

De par sa taille, le fonds agricole ne pourra pas supporter la politique d'exonérations de charges massives que la loi d'orientation agricole vient encore une fois de prolonger.

Autre triste illustration du danger de la politique de ce gouvernement, la surestimation des dépenses de tabac qui sont affectées au fonds doit nous faire réfléchir sur ce mode de financement, ou de compensation, de notre système de protection sociale. La taxe sur le tabac ne peut être la source de financement du système de prestations sociales agricoles, car elle rend incohérente ou hypothétique toute politique de santé publique.

J'en viens au Fonds de solidarité vieillesse, qui connaît à présent un déficit structurel. Le taux de chômage élevé pèse inévitablement et la politique du Gouvernement en matière d'emploi ne peut que nous inquiéter pour l'avenir.

Face à des dépenses en hausse, le Gouvernement se dispense de réelles modifications des sources de financement. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale l'illustre. À la baisse des rentrées fournies par la contribution sociale des sociétés, la C3S, le Gouvernement répond par l'extension de celle-ci aux organismes publics et il augmente la cotisation vieillesse à la charge des salariés. C'est finalement tout le problème du financement des retraites qui est ici posé - ou ignoré - par le Gouvernement.

Les chances pour le régime des retraites de faire face au pic de financement nécessaire à l'horizon 2020 sont hypothéquées. On en vient à jongler avec les chiffres, le déficit de 3, 7 milliards d'euros du FSV masquant celui du régime des retraites.

Quant au Fonds de réserve des retraites, il est censé atteindre la somme irréaliste de 150 milliards d'euros en 2020. Or, dans les prévisions les plus optimistes, les sommes ne devraient pas excéder 60 milliards d'euros en 2020.

Comment le Gouvernement répond-il à toutes ces questions ? Il laisse volontairement se dégrader les comptes sociaux et hypothèque l'avenir. Il n'apporte aucune réponse, comme le débat de ce matin le démontre.

La solution pour le FFIPSA est contenue cette année dans l'article 25 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cet article autorise en effet les régimes obligatoires de base à recourir à l'emprunt pour financer leurs besoins de trésorerie.

Il autorise donc la Mutualité sociale agricole à recourir à l'emprunt à hauteur de 7, 1 milliards d'euros. Cela recouvre le besoin de financement de cet organisme depuis la transformation du BAPSA, y compris le déficit dont le fonds hérite.

Est-ce une solution raisonnable et sincère pour le monde agricole qui aura à sa charge le coût des intérêts d'un tel emprunt ? Est-ce une réponse solidaire que vous apportez au problème, en faisant peser sur les générations futures la charge de cette dette ?

Enfin, le Gouvernement laisse entendre que les sommes non compensées par l'État pourraient l'être par la solidarité interrégimes.

Allons-nous assister à une tentative de culpabilisation des salariés du privé qui, selon ce que certains affirment, se désintéresseraient du monde agricole, alors que c'est l'État qui s'est désengagé ?

Ne prenons pas le risque de renvoyer dos à dos les salariés et les assurés sociaux, car c'est l'ensemble de notre protection sociale qui en pâtira !

Cette même question de la sincérité de votre politique se pose encore avec les solutions que vous faites semblant d'apporter au FSV. Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. le ministre de la santé et des solidarités a annoncé une amélioration des soldes grâce à la réduction attendue du chômage. Mais de quelle réduction s'agit-il exactement ?

S'il n'est pas difficile de radier les chômeurs du régime d'assurance chômage, il est, en revanche, plus compliqué d'améliorer durablement la situation de l'emploi dans notre pays. Le mode de financement de nos retraites ne peut reposer sur des prévisions irréalistes en termes d'emploi.

Nous ne pouvons pas croire à une baisse mécanique des déficits par une amélioration de la conjoncture économique, au regard de la politique de régression sociale menée par le Gouvernement. À l'opposé, ce que nous considérons, nous, c'est la réalité des besoins à satisfaire par un financement digne de ce nom.

Certes, l'allongement de la durée de la vie et les progrès de la médecine moderne sont source de dépenses qui n'existaient pas en 1945. Mais toutes ces avancées réalisées en un demi-siècle ont aussi et surtout permis de décupler la richesse nationale produite, sans que l'assiette de cotisation patronale n'évolue. Essentiellement assise sur les salaires, elle ne permet plus aujourd'hui de conjuguer recettes nécessaires, création d'emplois et progrès de la couverture sociale. Trop de richesses échappent à la solidarité pour partir vers spéculation.

Si nous voulons préserver ce système solidaire, il est indispensable et urgent de revoir les sources de financement de la sécurité sociale, tout particulièrement la contribution des entreprises qui n'a cessé de diminuer au fil du temps.

C'est à ce prix qu'il serait possible de mettre en place une protection sociale moderne, solidaire et performante pour tous, à la mesure des compétences et des moyens d'un grand pays comme la France.

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