Effectivement, monsieur le rapporteur, et je reviendrai sans doute encore sur ce point ultérieurement.
En 2004, le déficit du BAPSA, hors subvention d'équilibre, s'est établi à 785 millions d'euros. Cependant, on remarque que, toutes branches confondues, les charges n'avaient progressé que de 2, 4 % en 2004.
En 2005, le déficit devrait accuser une nette dégradation et atteindre 1, 7 milliard d'euros. Mais, là encore, toutes branches confondues, le niveau des charges ne devrait que faiblement progresser entre 2004 et 2005. Il n'est donc pas justifié de parler de dérapage des dépenses. L'explication vient des recettes, ou plutôt de l'insuffisance de celles-ci.
En 2006, il est fort à craindre qu'il n'y ait pas de versement au titre de la subvention d'équilibre de l'État. La création du FFIPSA a malheureusement mis fin à l'obligation d'équilibrer le régime chaque année et la dotation d'équilibre qui peut, le cas échéant, selon le texte, être inscrite en loi de finances devient de plus en plus théorique. Le résultat du FFIPSA devrait donc s'établir à moins 1, 8 milliard d'euros l'an prochain.
Il y a donc bel et bien un problème de sous-financement lié notamment au désengagement de l'État. Il en résulte de lourdes conséquences, puisque les seules charges financières liées à l'emprunt permettant d'assurer le versement des prestations s'élèveront déjà à 147 millions d'euros en 2006. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit d'ailleurs que la Mutualité sociale agricole puisse augmenter le plafond des lignes de trésorerie jusqu'à 7, 1 milliards d'euros pour y faire face.
Mais le problème du FFIPSA ne se résume pas à l'absence de couverture de son déséquilibre structurel. S'y ajoute, en effet, la question de la modification de la structure de ses recettes en raison du remplacement de la TVA par les droits sur les tabacs. Ce changement majeur mis en oeuvre en 2004 porte sur une masse financière correspondant à plus du tiers de ses recettes.
Lors de l'examen du projet de BAPSA pour 2004, j'avais malheureusement vu juste, à ce titre, en soulignant que « pour l'avenir, il faudra cependant veiller à ce que la protection sociale agricole ne pâtisse pas d'une éventuelle baisse de rendement de ces taxes ». Nous y sommes aujourd'hui.
Dans ce contexte financier difficile, j'approuve bien sûr les déclarations récentes du ministre du budget attestant la volonté du Gouvernement de ne pas laisser ce problème plus longtemps sans solution. Nous n'en doutions d'ailleurs pas.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, a en effet annoncé en séance publique à l'Assemblée nationale le 20 octobre dernier : « l'État ne saurait se désintéresser de cette question et je puis d'ores et déjà vous annoncer que nous vous proposerons, d'ici à la fin de ce débat, de majorer les recettes du FFIPSA sans dégrader le déficit budgétaire En outre, dans la seconde partie du budget, nous vous proposerons la reprise par l'État d'une fraction de la dette, lorsque la possibilité de mieux faire jouer les solidarités entre les régimes sera clarifiée ».
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que notre débat de ce jour soit l'occasion pour le Gouvernement d'apporter des précisions sur les initiatives qu'il compte prendre pour renflouer le régime social des exploitants agricoles. Vous y avez d'ailleurs fait allusion dans votre propos liminaire.
Le FFIPSA va-t-il se voir affecter un supplément de 300 millions d'euros de droits sur les tabacs, comme l'évoque la presse ? La dette du régime agricole va-t-elle être reprise par l'État en deux étapes, en 2006 et 2007, et suivant quelles modalités ? Enfin, le ministre délégué au budget a ouvert le débat, semble-t-il, en s'exprimant à titre personnel sur une réforme de la compensation démographique entre régimes sociaux. Vous avez vous-même évoqué ce point.
À cet égard, je dirai simplement qu'il faut agir avec beaucoup de prudence, mais en réfléchissant toutefois à la diversification des recettes. En effet, je ne voudrais pas que les exploitants agricoles apparaissent comme des boucs émissaires aux yeux des autres catégories sociales.
Cela étant dit, je me félicite que les problèmes du FFIPSA figurent désormais parmi les priorités agricoles du Gouvernement.
Je reste toutefois convaincu que la véritable solution réside dans le retour à la situation antérieure qui voyait l'État honorer ses engagements. La subvention d'équilibre doit être abondée et le budget annuel du fonds être établi sur des bases réalistes.
À ce propos, je souhaite indiquer que si je ne partage pas nécessairement tous les commentaires de la Cour des comptes, notamment sur le niveau comparé des cotisations des agriculteurs et des autres assurés sociaux, il n'en est pas moins vrai que les magistrats financiers posent des questions pertinentes dans leur dernier rapport consacré à la sécurité sociale.
La Cour souligne en effet que l'exécution du BAPSA 2004 a été caractérisée par des écarts importants avec les prévisions initiales, et ce en raison, d'une part, « d'une sous-estimation de la croissance des dépenses d'assurance maladie » et, d'autre part, « d'une surestimation forte des recettes attendues du droit de consommation sur les tabacs. » Dans ces conditions, comment être certain que le budget du FFIPSA ne sera pas, à l'avenir, établi, lui aussi, sur des bases aussi aléatoires ?
La Cour relève également que le compte du BAPSA à la date de son basculement vers le FFIPSA, c'est-à-dire le 31 décembre 2004, « fait apparaître un report à nouveau négatif de 3, 2 milliards d'euros ». Compte tenu de ce montant très élevé, il convient de se demander jusqu'à quel niveau et pour combien de temps la Caisse centrale de mutualité sociale agricole peut assurer le portage des emprunts du BAPSA à la place de l'État.
De la même manière, la Cour observe que le « déficit cumulé correspond à une créance sur l'État qui devra figurer en tant que telle dans le bilan d'ouverture du FFIPSA ». Si tel ne devait pas être le cas, je me demande quelles conséquences en tirerait la Cour : ce point serait-il intégré à l'avenir au rapport de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes sociaux que la Cour doit désormais établir dans le cadre de sa mission d'assistance du Parlement et du Gouvernement ?
Je m'inquiète enfin de la place du ministère de l'agriculture dans les débats liés à l'avenir de la protection sociale des exploitants agricoles, ainsi que du mode de fonctionnement du FFIPSA. Cette instance doit permettre de débattre avec les décideurs de tous les ministères concernés, y compris celui des finances.
En définitive, et vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je demeure préoccupé, comme beaucoup de mes collègues, par la situation actuelle du FFIPSA. Je vous sais vous-même attaché à la protection sociale des exploitants agricoles. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir rappelé, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, que la République a conclu un pacte avec les agriculteurs.
Le Premier ministre a souligné lui aussi à Rennes, le 13 septembre dernier, « l'acquis formidable pour l'économie nationale » que représente l'agriculture française et qui « nous confère un devoir de solidarité nationale vis-à-vis de tous ceux qui ont participé à cet effort ». Vous y avez vous-même fait allusion dans votre propos liminaire tout à l'heure.
Grâce à une modernisation exemplaire, ce secteur d'activité a maintenu des prix très bas et a, en quelque sorte, distribué par là même ses gains de productivité au reste de la nation depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est tout même bon de le rappeler. Toutefois, je suis convaincu que le FFIPSA ne peut rester davantage une variable d'ajustement des comptes publics et sociaux et que la solution de son financement durable réside dans le fait que l'État respecte ses engagements - j'y insiste - et abonde, comme il l'a toujours fait pendant quarante-quatre ans, la subvention d'équilibre nécessaire à la préservation du régime.
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre total soutien pour vous aider à faire partager ce point de vue au sein du Gouvernement et au-delà. A défaut, et comme le notent certains syndicats professionnels, le risque serait très clair : le désengagement de l'État jetterait le discrédit sur le régime des exploitants agricoles aux yeux de la population, ce qui serait dommageable et insupportable, mais j'ai bien écouté vos propos liminaires, monsieur le ministre, et nous attendons vos réponses.