Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 juin 2021 à 13h30
Institutions européennes — Audition de M. Clément Beaune secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes à la suite du conseil européen des 24 et 25 juin 2021

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Le Conseil européen s'est réuni les 24 et 25 juin. Je remercie le Ministre de venir en rendre compte devant notre commission, selon nos nouvelles habitudes. Monsieur le Ministre, vous nous présenterez certainement les deux faces de ce sommet européen, l'une consacrée à la situation intérieure de l'Union, l'autre à ses relations extérieures.

Sur le volet intérieur, cette réunion a naturellement été consacrée prioritairement à la situation sanitaire et à la mise en oeuvre du plan de relance. Sur ce sujet, je partage la satisfaction du Conseil européen devant l'amélioration globale de la situation épidémiologique en Europe qui permet de rétablir progressivement la liberté de circulation. Malgré l'appel à une réponse coordonnée face aux variants, je constate que la demande allemande d'imposer une quarantaine à tous les voyageurs provenant de zones où ce variant circule activement n'est pas clairement satisfaite par les conclusions du Conseil européen : pourrez-vous nous dire pourquoi ? La France compte-t-elle appliquer la même quarantaine que l'Allemagne aux voyageurs susceptibles d'importer le variant delta ? Cette question n'est pas anodine car nous devons absolument nous prémunir contre une quatrième vague. Autre sujet d'inquiétude : quand le certificat vert sera-t-il opérationnel ? J'ai pu échanger avant-hier avec une parlementaire allemande, venue au Sénat pour une réunion en format Weimar, et elle m'indiquait que son pass numérique attestant de sa vaccination n'avait pas été reconnu à l'entrée en France.

Du côté du plan de relance, les progrès sont aussi à saluer : près de la moitié des plans nationaux pour la reprise et la résilience sont validés par la Commission européenne. Pouvez-vous nous confirmer la date des premiers versements à venir ? Il serait préoccupant qu'interviennent des décaissements au profit de la Hongrie et de la Pologne qui ont parallèlement porté le mécanisme de conditionnalité État de droit devant la Cour de justice de l'Union européenne : celle-ci ne se prononcera pas avant l'automne. Est-ce à dire que ces États membres recevront des fonds d'ici là sans conditions, quelle que soit l'évolution de l'État de droit sur leur sol ? L'actualité à Budapest fait en effet craindre de nouvelles dérives.

Dernier sujet intérieur à l'Union européenne (UE) qui fut abordé lors du sommet de la zone euro qui a suivi le Conseil européen : l'achèvement de l'union bancaire. Sur ce sujet, j'ai relevé les propos très allants du Président de la République qui a appelé à « accélérer le calendrier sur l'union bancaire et l'union des marchés de capitaux ». C'est un sujet très sensible, je l'avais d'ailleurs évoqué lors d'une réunion du comité des élus que vous avez constitué en vue de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). Nous ne devons pas nous précipiter vers un mécanisme européen de garantie des dépôts sans harmoniser au préalable les fonds de garantie au niveau national et sans revoir la situation des banques potentiellement déficitaires, comme on l'a d'ailleurs fait à la mise en place de la supervision unique. En effet, nous devons préserver les banques françaises du poids de la défaillance éventuelle d'autres banques européennes, au risque sinon de fragiliser notre système bancaire et finalement notre souveraineté, à savoir notre capacité à assurer nous-mêmes le financement de notre économie. Notre commission a justement adopté la semaine dernière un avis politique attirant l'attention des autorités européennes sur cet enjeu majeur. Y êtes-vous également sensibilisé ? J'avais noté, au cours de la réunion que je viens de mentionner, que certains trouvaient sujet peu engageant pour parler d'Europe. Nous constatons aujourd'hui que c'est un sujet assez prégnant et ses conséquences sur le futur ne sont pas anodines.

Sur le volet extérieur, le Conseil européen a d'abord traité des migrations. Sur ce sujet, les États membres ne sont pas encore en mesure de convenir d'une solidarité entre eux pour mutualiser l'effort d'accueil des migrants, mais ils se sont mis d'accord pour demander à la Commission de finaliser à l'automne des plans d'action envers les pays d'origine et de transit. Ils ont aussi rejeté « toute tentative de pays tiers d'instrumentaliser des migrants à des fins politiques ». Ceci n'est pas sans évoquer certaines attitudes qu'a pu notamment avoir la Turquie dans un récent passé ; toutefois, l'apaisement actuel que l'on constate en Méditerranée orientale a favorisé des conclusions plutôt positives du Conseil européen au sujet de la Turquie, qui s'est vu promettre par la Commission une nouvelle enveloppe de 3 milliards d'euros de l'Union pour soutenir l'accès des migrants à l'emploi.

La dénonciation de l'instrumentalisation politique des migrations vise aussi sans doute le Maroc, après la crise de Ceuta avec l'Espagne, mais elle pourrait aussi viser la Biélorussie, qui laisse grossir les flux de migrants à sa frontière avec la Lituanie. Les sénateurs polonais que j'ai rencontrés hier considèrent que cet afflux ne serait pas possible sans la complicité de la Russie. Cette attitude s'ajoute aux provocations multiples de la Russie envers l'Union et ses membres ces derniers temps. On peut donc s'interroger légitimement sur l'initiative franco-allemande, lors du Conseil européen, de proposer d'inviter Vladimir Poutine à un sommet avec l'Union européenne. Sans doute s'agissait-il de positionner l'UE en interlocuteur de la Russie au même titre que le Président Biden. Mais comment pouvait-on espérer rallier les 27 à une telle proposition ? Assurément le dialogue doit se poursuivre avec la Russie ; c'est ce que j'ai dit à nos collègues du Sénat polonais hier, un peu pris de court par la proposition d'invitation. Je peux vous dire qu'ils étaient très en colère. Pourquoi offrir à la Russie cette invitation solennelle qui dérange légitimement nos voisins de l'Est et qui ne conduirait finalement qu'à afficher les divisions entre les États membres, au bénéfice final de la Russie ? Le Président Macron et la Chancelière Merkel ont d'ailleurs fait marche arrière hier, mais nous restons dans l'incompréhension face à l'erreur stratégique qu'ils ont commise. Pourrez-vous nous donner des éléments d'explication sur ce sujet ?

Sans être complet, mon propos liminaire est déjà très long aussi je vous cède la parole, Monsieur le Ministre, sans plus tarder.

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