Je ne peux pas vous donner une date exacte mais le premier décaissement est prévu au cours du mois de juillet. J'avais pris ici même un petit risque en vous indiquant que le processus serait terminé fin mai. Les dernières ratifications ont eu lieu le 30 mai et, dès le 1er juin, la Commission a lancé le processus d'émission. Nous sommes allés aussi vite que les textes nous le permettaient et les 20 premiers milliards d'euros, sur un besoin de trésorerie de 100 milliards d'euros, ont été levés courant juin. Les ministres des finances se réunissent le 13 juillet pour la dernière étape du processus de formalisation avant que l'argent soit versé aux États membres.
Les sujets internationaux abordés pendant le Conseil européen ont été nombreux. Outre un déjeuner avec le Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur António Guterres, qui vient d'être reconduit, les États membres ont eu de longs échanges sur la Turquie, la Russie et, à la demande de la France, sur le Sahel.
Sur la Turquie, les chefs d'État ou de gouvernement sont dans la ligne définie au Conseil européen de décembre 2020. Elle consiste à renforcer la fermeté européenne tout en restant ouvert au dialogue. Soit la Turquie donne des signes tangibles et durables d'apaisement et l'Europe est prête à discuter de l'Union douanière et d'autres sujets concrets, soit elle poursuit ou renforce ses provocations et l'Europe prendra alors des mesures supplémentaires de rétorsion et de sanctions. Au cours des dernières semaines, la Turquie a donné quelques signaux d'apaisement, qu'il ne faut pas surestimer mais qui sont réels, notamment en Méditerranée orientale. Elle s'est réengagée dans un dialogue bilatéral avec la Grèce, qui ne produit pas encore de résultats tangibles mais qui constitue un signal d'apaisement. Sur Chypre, si la réunion organisée la semaine dernière à Genève n'a pas permis d'avancées substantielles, elle a créé un climat plus positif. Sans naïveté, l'Union européenne a accepté de commencer à discuter d'un certain nombre d'éléments comme l'Union douanière. Par ailleurs, une nouvelle tranche de financements pluriannuels à destination des réfugiés a été validée par le Conseil européen. Trois milliards d'euros sont effectivement en jeu d'ici 2024 pour la Turquie, après deux premières tranches déjà versées de trois milliards. Je rappelle que ces sommes ne transitent pas par le gouvernement turc mais vont aux associations prenant en charge des réfugiés. L'attitude de la Turquie est condamnable, nous n'avons pas hésité à le dénoncer, comme vous l'avez fait, Monsieur le Président, à plusieurs reprises. Mais la Turquie prend en charge sur son sol près de 4 millions de réfugiés et nous avons décidé de faire ce geste humanitaire, dans notre intérêt. Ce financement pour les réfugiés doit encore être discuté et voté par le législateur européen. Nous n'avons pas récompensé la Turquie mais nous poursuivons une action qui nous semble justifiée.
La Chancelière et le Président de la République ont souhaité que les Européens questionnent les outils utilisés à l'égard de la Russie. Non pas pour envisager une attitude conciliante, mais parce que nous rencontrons des difficultés à trouver la juste mesure. Les raisons qui ont poussé à l'adoption de sanctions depuis 2014 demeurent. Il n'est pas question de les lever, les amendements franco-allemands proposés au Conseil européen visaient même leur renforcement en cas de dégradation de la situation. Mais dans le même temps, l'Europe doit trouver les canaux d'un dialogue politique. La question d'un éventuel sommet, qui a défrayé la chronique bruxelloise, n'était pas au coeur des amendements franco-allemands. Les formats d'un dialogue politique, d'une rencontre entre les dirigeants européens et les autorités russes restent à définir. Je partage votre diagnostic, Monsieur le Président : sur ces sujets-là, nous devons rester extrêmement vigilants sur la méthode. La France et l'Allemagne ont pu donner le sentiment qu'elles avançaient sans tenir compte des sensibilités de leurs partenaires. C'est l'intérêt collectif que de le faire et c'est pour cette raison que le Président de la République s'est rendu plusieurs jours dans les pays baltes en septembre dernier. Nous devons renforcer notre attention à nos partenaires face à la menace russe, qui est pour eux presque tangible, et avoir en tête que tout geste potentiel à l'égard de la Russie, même conditionné, doit être discuté collectivement.
Sur le Sahel, le Président de la République a informé le Conseil européen de nos dernières décisions, en rappelant que si le format de nos missions évolue, il n'était pas question d'un désengagement du Mali ou du Sahel, encore moins de la lutte contre le terrorisme dans la région. Nous ne pouvons pas demander une participation européenne croissante, qui se met en place progressivement, sans informer nos partenaires de nos orientations. La France a réuni ces dernières semaines de nouveaux soutiens à la task force Takuba qui regroupe des forces spéciales sur des missions difficiles. La Roumanie s'est engagée avec un contingent de 50 forces spéciales et Takuba implique maintenant dix pays européens. C'est la sécurité européenne que nous défendons à travers une mission française qui s'européanise progressivement.
Enfin, la question hongroise a fait l'objet de nombreuses discussions politiques et médiatiques. Dix jours avant le Conseil européen, le gouvernement hongrois a fait amender un projet de loi en discussion avec des éléments extrêmement préoccupants qui assimilent explicitement des contenus pornographiques et pédophiles à des contenus homosexuels. Cette question a fait l'objet d'un débat long, tendu et les leaders européens ont pointé du doigt, avec des termes très durs, cette nouvelle dérive de la Hongrie. Cette prise de conscience atteste de la sensibilisation européenne aux questions de valeurs, d'État de droit et de respect des droits fondamentaux. Il ne s'agit pas de s'ingérer dans la vie politique hongroise : aucun parlement, aucun gouvernement ne l'accepterait, mais la Hongrie touche aux valeurs inscrites dans le traité que tous les États membres ont librement et souverainement ratifié. Je précise que les États membres n'ont pas entamé de processus d'exclusion de la Hongrie de l'Union européenne. Ce serait une forme d'échec pour la société hongroise et pour nous-mêmes. Comme l'a rappelé le Président de la République, il s'agit de comprendre, au-delà de cette loi, pourquoi un certain nombre de dirigeants européens se sentent autorisés à attaquer des valeurs aussi fondamentales de notre pacte politique. La Présidente de la Commission européenne, avec un soutien très large des États membres, a lancé une procédure contentieuse à l'égard de la Hongrie qui pourrait se traduire par une saisine de la Cour de justice avant la fin de cette année.