Je pense qu'il y a en effet un changement de modèle, encore très incomplet. Cette proposition de règlement est très importante et Mme Vestager devrait la présenter très rapidement. Il s'agit de transposer un certain nombre d'exigences légitimes très strictes sur nos propres interdictions de subventions aux entreprises étrangères. Dans le cadre d'une opération d'acquisition partielle ou totale d'une entreprise européenne par une entreprise chinoise, si cette entreprise reçoit des subventions dans son propre pays pour être en mesure de baisser ses coûts sur notre marché, nous serons capables d'empêcher cette opération et d'exclure cette entreprise durablement des marchés publics. Ce projet, qui recrée une équité concurrentielle, est absolument essentiel. Nous ne pouvons pas avoir les règles de concurrence les plus dures du monde, trop dures certainement, et autoriser des entreprises étrangères subventionnées par leur propre gouvernement ou par des structures publiques à venir sur notre marché. Un pays très attaché à la concurrence comme les Pays-Bas est très favorable à ce mécanisme anti-subventions étrangères parce qu'il permet la préservation d'une juste concurrence. C'est un vrai changement dans le logiciel européen, comme le contrôle des investissements des pays tiers dans les secteurs stratégiques.
Sur la loi hongroise, l'Europe exerce une pression politique beaucoup plus forte qu'auparavant. C'est indispensable mais insuffisant et notre capacité d'action est limitée. Nous avons de fortes exigences en matière d'État de droit à l'entrée de l'UE mais nous n'avions pas imaginé qu'un pays adhérerait à l'Union européenne pour ensuite reculer. Nous sommes extrêmement exigeants sur le respect de valeurs fondamentales ou d'éléments constitutifs de l'État de droit comme l'indépendance de la justice, l'indépendance des médias ou la non-discrimination avec les pays qui veulent entrer dans l'Union européenne. Mais une fois qu'un pays est entré, l'Union ne vérifie plus le respect de ces valeurs. Le règlement conditionnalité voté en fin d'année est très important car il crée pour la première fois un lien entre le bénéfice des fonds européens et le respect de l'État de droit. La sanction peut être la suspension d'un certain nombre de financements. Mais il ne couvre que certaines violations de l'État de droit, notamment les insuffisances de la lutte contre la corruption ou le manque d'indépendance de la justice. Nous devrons, et toute pression politique est utile, revoir ce règlement pour élargir son champ d'application mais il reste précieux car il permet de prendre des sanctions financières à la majorité et non à l'unanimité.
Sur la conférence sur l'avenir de l'Europe, je partage votre idée, nous devons ouvrir le débat. Il est essentiel d'écouter les critiques, les remarques de personnes qui ne sont pas forcément hostiles à l'Europe mais qui ne comprennent pas ou ne sont pas informées. J'étais à Strasbourg pour les premiers débats et ils étaient décevants. J'ai assisté à des successions de monologues qui ne débouchent pas sur des discussions de fond. Ce n'est pas une fatalité et nous avons pris deux initiatives pour ouvrir cette conférence. La première consiste à lancer une consultation en ligne, ciblée sur les jeunes de 15 à 30 ans. La start-up française make.org doit amener au moins 50 000 jeunes vers la consultation par son démarchage sur les réseaux sociaux. Nous pourrons ainsi identifier les positions de ces jeunes sur l'Europe. La seconde porte sur l'organisation au mois de septembre de panels citoyens de 50 personnes par région, avec un prestataire et des garants dont l'un sera désigné par le Président du Sénat. Pendant deux jours et demi, ces citoyens représentatifs discuteront le sujet européen et identifieront des critiques ou des réformes à pousser. Nous disposerons d'une synthèse nationale mi-octobre qui nourrira la contribution française en complément des débats qui se tiendront au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Enfin, l'eurovignette a fait l'objet d'un accord. Je ne peux pas vous en dire plus aujourd'hui car nous regardons comment transposer cette directive et l'accord du 16 juin. Les États n'ont pas l'obligation de revoir les mécanismes de taxation dès lors que le réseau central est déjà couvert par des péages, ce qui est le cas en France sur les autoroutes concédées.