Intervention de Pascale Gruny

Commission mixte paritaire — Réunion du 19 juillet 2021 à 15h40
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Nous sommes réunis cet après-midi pour chercher un accord sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail.

Ce texte, déposé par nos collègues députées Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, vise, à la suite de l'accord national interprofessionnel du 9 décembre dernier, à rénover notre système de santé au travail en répondant à l'enjeu de la promotion de la prévention primaire au sein des entreprises, alors que nous sortons à peine d'une culture de la réparation. Il tend également à améliorer la qualité du service rendu par les services de santé au travail ainsi qu'à renforcer l'accompagnement de certains publics, notamment les publics vulnérables.

Le texte déposé comptait initialement trente articles. L'Assemblée nationale a inséré dix nouveaux articles et en a supprimé un. Au terme de son examen par le Sénat, qui a inséré trois articles additionnels et supprimé trois autres articles, la proposition de loi compte désormais trente-neuf articles. Cinq articles ont fait l'objet d'une adoption ou d'une suppression conforme ; trente-huit articles restent donc en discussion.

Avec Stéphane Artano, je tiens à remercier Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean pour la qualité de nos échanges en amont de cette réunion comme des nombreuses autres que nous avons pu avoir. Nous étions tous d'accord avec l'objectif de transcrire l'ANI de la manière la plus ambitieuse possible, ce qui nous a permis de surmonter un nombre de divergences réduit.

Le renforcement de la démarche d'évaluation et de prévention des risques professionnels au sein des entreprises est fondamental : on sait que celle-ci est encore très inégale selon la taille de l'entreprise. Nous avons cependant tenu à aborder cet enjeu avec une approche pragmatique et nous nous sommes attachés aux modalités concrètes de l'élaboration et de la conservation du document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp).

Le Sénat était ainsi revenu sur la fusion entre le Duerp et le programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail dans les entreprises de moins de cinquante salariés afin de recentrer le document unique sur son objectif principal, l'évaluation des risques, et de faire en sorte que toutes les entreprises se l'approprient pleinement, quelle que soit leur taille. Cet équilibre pourra être maintenu à la faveur d'une rédaction de compromis visant à garantir que les actions de prévention et de protection que les entreprises de moins de 50 salariés doivent définir seront obligatoirement listées dans le Duerp.

Si nous voulons, en outre, faire de ce document un véritable outil de traçabilité collective, nous devons veiller à réunir les conditions d'une conservation pérenne. Je me félicite donc que l'obligation de dépôt dématérialisé du Duerp, introduite par le Sénat à l'article 2, soit maintenue dans le texte que nous vous proposons. Sa mise en oeuvre sera échelonnée dans le temps pour tenir compte de la taille des entreprises et de leurs contraintes, et nous confions le soin aux organisations patronales de définir les modalités du déploiement d'un portail numérique pour centraliser ce dépôt dématérialisé.

Nous partagions par ailleurs avec les rapporteures de l'Assemblée nationale le souci d'améliorer la qualité des prestations des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) et leur mobilisation dans l'ensemble de leurs missions, dans une logique de service rendu aux entreprises adhérentes et à leurs salariés.

À l'article 8, qui contient plusieurs avancées structurantes concernant le cadre d'exercice des SPSTI, la rédaction issue des travaux du Sénat diffère sensiblement de celle de l'Assemblée nationale. Nous vous proposons une rédaction de compromis reprenant plusieurs apports du Sénat : la précision apportée à la définition de l'ensemble socle de services, qui doit couvrir l'intégralité des missions prévues par la loi en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel des travailleurs et de prévention de la désinsertion professionnelle ; l'initiative donnée aux partenaires sociaux, au travers de la proposition du Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST), dans l'élaboration du cahier des charges de la nouvelle procédure de certification ; enfin, l'introduction d'un régime d'administration provisoire permettant de remédier à une situation de dysfonctionnement grave d'un SPSTI qui l'empêcherait d'assurer ses missions.

Nous avons également plaidé, à l'article 13, pour une application à l'ensemble des SPSTI d'une obligation de mise en conformité de leurs systèmes d'information et de leurs outils numériques à des référentiels d'interopérabilité et de sécurité. Celle-ci constituera une condition pour l'obtention de leur certification. L'enjeu est de rendre possibles la portabilité de ces données sur l'ensemble de la carrière du travailleur ainsi que leur exploitation, sous format anonymisé, dans le cadre de la recherche en santé au travail.

Concernant la tarification des SPSTI, le Sénat a introduit, à l'article 9, deux modifications importantes : l'encadrement du montant des cotisations dans un « tunnel » défini par référence au coût moyen national de l'offre socle ; le calcul des cotisations en fonction du nombre de personnes suivies non proratisé en équivalents temps plein (ETP). Il vous est proposé d'adopter ces dispositions, qui traduisent certaines des ambitions de l'ANI en matière de transparence financière des SPSTI et permettent d'assurer une meilleure équité entre les entreprises, dans leur rédaction issue du Sénat.

La possibilité ouverte aux services de prévention et de santé au travail (SPST) autonomes, par des amendements de nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Émilienne Poumirol, de recourir par convention aux compétences d'un SPSTI est maintenue dans la rédaction du Sénat, à l'article 8, tandis que sa réciproque, issue d'une recommandation de notre rapport d'information de 2019 sur la santé au travail, est conservée à l'identique à l'article 24.

En matière de suivi et d'accompagnement des travailleurs vulnérables, le Sénat avait veillé à atteindre l'objectif d'une amélioration des outils de maintien dans l'emploi des personnes malades ou handicapées, avec un souci d'efficacité et d'opérationnalité.

Suivant le voeu des partenaires sociaux formulé dans l'ANI, la proposition de loi prévoit, à l'article 14, la création dans chaque SPSTI d'une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle. La rédaction que nous vous proposons reprend certaines des améliorations apportées par le Sénat : la possibilité de mutualiser la cellule entre plusieurs SPSTI, ainsi que la fixation, dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), d'exigences minimales sur sa composition. S'agissant de l'animation et de la coordination de la cellule, nous vous proposerons une rédaction de compromis ouvrant au médecin du travail la possibilité de déléguer cette compétence, sous sa responsabilité, à un autre membre de l'équipe pluridisciplinaire. La même logique sera suivie à l'article 24, où le Sénat avait supprimé la possibilité pour le médecin du travail de déléguer sa mission d'animation et de coordination.

L'instauration, à l'article 16, d'une visite de mi-carrière à l'âge de 45 ans avait été supprimée par notre commission des affaires sociales : nous avions considéré, tout en partageant les intentions sous-tendues par cet article, que la création d'une nouvelle visite obligatoire ne favoriserait pas le recentrage de la médecine du travail sur ses missions essentielles, et avions préféré enrichir le contenu de la visite d'information et de prévention. Nous ne faisons pas du rétablissement de cette visite un point bloquant : la rédaction proposée tient compte de la réserve que nous avons formulée concernant les travailleurs qui ne sont pas en emploi à l'âge de 45 ans.

S'agissant, à l'article 18, du rendez-vous de liaison qui peut être organisé entre un travailleur en arrêt de travail de longue durée et son employeur, nous vous proposerons une rédaction intermédiaire, qui rétablit la participation du SPST à ce rendez-vous, ainsi que l'avait prévu l'Assemblée nationale, et maintient la possibilité, introduite par le Sénat, que l'employeur le sollicite.

En matière de suivi de certains publics particuliers, plusieurs apports du Sénat figurent dans le texte qui vous sera soumis : l'expérimentation d'actions de prévention collectives destinées aux salariés intérimaires, à l'article 17 bis A ; les modalités de mise en oeuvre du suivi de l'état de santé des salariés du particulier employeur, à l'article 17 ter. Il en va de même, à l'article 17, de la possibilité donnée au chef d'entreprise de bénéficier des services du SPSTI auquel son entreprise est affiliée, exception faite de l'exonération de cotisation prévue par le Sénat.

Sur la question, plus périphérique, mais non moins importante, de la définition du harcèlement sexuel au travail, nous vous proposons, à l'article 1er, de conserver, moyennant un ajustement rédactionnel, la modification apportée par le Sénat sur l'initiative de nos collègues Laurence Cohen et Laurence Rossignol, laquelle vise à centrer cette définition sur les faits subis par la victime, et non sur l'intention de l'agresseur.

Nous présenterons naturellement, article par article, les propositions de rédaction commune auxquelles ont abouti nos discussions avec les rapporteures de l'Assemblée nationale. Sur bon nombre d'entre eux, nos positions n'étaient guère éloignées. Nous ne vous proposerons donc que des ajustements rédactionnels.

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