Intervention de Dominique Vérien

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 juillet 2021 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information de mmes martine filleul joëlle garriaud-maylam et dominique vérien sur le bilan de l'application de la loi copé-zimmermann dix ans après son adoption

Photo de Dominique VérienDominique Vérien, rapporteure :

Merci chère collègue !

Il me revient maintenant de vous présenter nos recommandations, qui se répartissent en trois grandes thématiques que l'on pourrait résumer ainsi :

1) pour une extension des quotas ;

2) pour plus de transparence et de contrôle ;

3) pour une meilleure implication de toutes et tous dans la progression de l'égalité professionnelle et salariale.

Tout d'abord, nous estimons que les obligations de parité et de mixité doivent désormais être étendues.

Nous l'avons vu, les quotas, c'est-à-dire des objectifs chiffrés assortis de sanctions, fonctionnent. Les quotas instaurés par la loi Copé-Zimmermann ont été efficaces et ont permis d'atteindre la parité dans les conseils d'administration et de surveillance des plus grandes entreprises françaises. A contrario, quand il n'y a pas de quotas, que ce soit dans les PME ou dans les Comex et les Codir, la part de femmes reste en deçà de 25 %.

Nous sommes donc favorables à une extension des quotas à davantage de postes à responsabilité au sein des entreprises. Pour reprendre les mots de Brigitte Grésy, présidente du HCE, devant notre délégation la semaine dernière « les quotas sont le seul antidote à la cooptation masculine ».

Il faut en particulier plus de femmes au sein des comités exécutifs et de direction car ce sont au sein de ces comités que se prennent au quotidien toutes les décisions importantes pour la direction d'une entreprise. Ce sont eux qui assurent le suivi des décisions des conseils d'administration et la direction effective de l'entreprise.

Mais plus largement, il faut favoriser la promotion interne des femmes dans toutes les fonctions de direction opérationnelle et les postes à responsabilité.

Dans cette optique, notre collègue députée Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, a déposé le 23 mars 2021 une proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle.

Tel qu'adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 12 mai 2021, l'article 7 de cette proposition de loi propose de mesurer la proportion de femmes et d'hommes au sein des « cadres dirigeants et cadres membres des instances dirigeantes » dans toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés. Les instances dirigeantes sont définies comme « toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d'assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l'exercice de leurs missions ». Une telle définition permet d'éviter le flou juridique qui peut exister autour des comités exécutifs et de direction ou de la notion de postes à responsabilités.

La proposition de loi définit pour ces postes un objectif de mixité d'au moins 30 % de femmes d'ici à cinq ans et d'au moins 40 % d'ici à huit ans.

Elle prévoit également d'assortir le non-respect de ces obligations de sanctions financières qui seront fixées en tenant compte de la situation initiale de l'entreprise, des efforts constatés et des motifs de sa défaillance.

Nous souscrivons à la démarche engagée par cette proposition, tout en estimant que le champ d'application du nouvel objectif de parité pourrait porter sur les « cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes », notamment afin d'inclure les mandataires sociaux qui siègent au sein des instances dirigeantes sans pour autant être cadres. Cette préconisation rejoint une réserve formulée par Brigitte Grésy, présidente du HCE, devant la délégation la semaine dernière.

Nous invitons donc les entreprises à puiser dans le « vivier » de talents féminins pour pourvoir les postes de cadres dirigeants et leurs instances dirigeantes. La réussite de la loi Copé-Zimmermann a prouvé que ce vivier existait bien.

Dans les secteurs scientifiques et technologiques où la féminisation est moindre, il convient d'agir le plus en amont possible pour constituer ce vivier. Cela doit se faire dès l'orientation scolaire et universitaire.

Nous pensons par ailleurs que la confirmation de l'existence d'un vivier de femmes compétentes pour siéger dans les instances de gouvernance amène logiquement à se poser aujourd'hui la question de la limite du cumul des mandats. Limiter le nombre de mandats d'administrateurs à trois, contre cinq actuellement, libérerait des places dans les conseils d'administration et permettrait à davantage de femmes d'accéder à ces fonctions.

Enfin, nous avons une troisième recommandation, toujours sur la question des obligations de mixité. Nous estimons nécessaire de soutenir la création d'entreprises par des femmes en imposant des objectifs de mixité à la Banque publique d'investissement (Bpifrance) et aux fonds d'investissement.

En effet, les femmes voient leur demande de crédit rejetée deux fois plus souvent que celle des hommes et reçoivent deux fois et demi moins de financement. Cette inégalité flagrante existe même au sein des organismes publics de financement, qui devraient pourtant montrer l'exemple. Actuellement, 2 % des entreprises financées par Bpifrance sont gérées par des femmes alors que 79 % le sont par des hommes, le reste étant géré par une direction mixte.

Nous soutenons donc les objectifs de mixité qui sont proposés par les articles 8 et 8 bis de la proposition de loi de notre collègue députée Marie-Pierre Rixain. En particulier, l'article 8 qui introduit des objectifs de mixité parmi les projets bénéficiaires et au sein des comités d'investissement de Bpifrance, dont la proportion des membres de chaque sexe ne pourra être inférieure à 30 %.

Nous souhaitons également la création d'un fonds dédié à l'entrepreneuriat au féminin au sein de Bpifrance, proposition qu'Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises, a déclaré être prêt à étudier.

J'en viens maintenant à notre deuxième grande thématique : la transparence des données genrées et le contrôle du respect de la parité.

La délégation a fait sien, à plusieurs reprises, le slogan du collectif #Sista qui invite à « compter les femmes pour que les femmes comptent ».

Ma collègue Martine Filleul l'a dit : nous manquons encore de données et d'outils de contrôle pour suivre la présence des femmes dans les instances de gouvernance. Or la transparence des données est fondamentale pour contrôler l'application de la loi.

Dans la lignée de recommandations formulées par l'Association des femmes experts-comptables et par le HCE, la délégation estime donc nécessaire de mettre en place un système de déclaration pour les entreprises visées par des objectifs de parité. Celles-ci pourraient être tenues de déclarer annuellement auprès des greffes des tribunaux de commerce, via le service Infogreffe en ligne, la composition de leurs organes de gouvernance (conseils, comités, etc.) ainsi que la répartition femmes-hommes au sein de chacun de ces organes de gouvernance. Cette déclaration pourrait se faire chaque année au moment du dépôt des comptes et du rapport de gestion.

Ces déclarations pourraient être contrôlées par des commissaires aux comptes pour les sociétés qui en sont dotées ou vérifiées par les experts comptables. Un tel contrôle rendrait les entreprises plus sensibles à leurs obligations de parité, et plus dissuasives les sanctions encourues.

De façon plus générale, la délégation appelle à renforcer la communication sur les obligations de parité auprès des entreprises. L'État pourrait en particulier davantage mobiliser les experts-comptables qui ont un rôle de conseil auprès des entreprises et qui pourraient mieux informer celles-ci de leurs obligations en la matière. Les inspecteurs du travail peuvent également avoir un rôle à jouer et pourraient soulever la question de la parité des instances de gouvernance, à l'occasion de leurs contrôles sur d'autres aspects de la réglementation.

Plus globalement, nous estimons nécessaire le développement de données genrées, pour mettre en lumière les inégalités de genre et les problématiques spécifiques aux femmes.

Ainsi, l'Index de l'égalité professionnelle, dit Index Pénicaud, est un outil très utile mais perfectible. Il pourrait être complété en y intégrant par exemple la proportion de femmes dans les instances de direction, afin d'avoir une vision globale de cette donnée.

Enfin, troisième et dernier champ de recommandation : l'implication de toutes et tous dans la progression de l'égalité professionnelle et salariale.

La progression de la parité et la féminisation des postes à responsabilité doit aussi amener les femmes à poser la question de la politique d'égalité dans l'entreprise et à se soutenir et s'entraider.

Nous appelons à une meilleure application des lois sur l'égalité professionnelle, qui prévoient notamment la publication annuelle du rapport de situation comparée et la tenue de délibérations sur la politique d'égalité femmes-hommes au sein des conseils d'administration. Ces sujets doivent être plus systématiquement abordés.

Enfin, nous sommes convaincues du rôle des réseaux féminins pour permettre aux femmes de s'encourager et de s'entraider, mener des actions de formation et de mentorat, promouvoir davantage de femmes et de jeunes talents à des postes à responsabilité, faciliter leur accès à des financements ou encore sensibiliser les entreprises aux problématiques d'égalité professionnelle et salariale. Étant ingénieure en travaux publics, j'ai moi-même créé un réseau de « femmes du bâtiment » afin d'encourager des partages d'expériences et d'aborder le sujet délicat des augmentations de rémunérations que les femmes n'osent souvent pas solliciter spontanément.

Dans cette logique, nous appelons à encourager, par des actions de communication ciblées, les femmes du monde de l'entreprise à investir les réseaux et forums féminins existants ou à constituer de nouveaux réseaux en lien avec leur activité professionnelle.

Merci, mes chers collègues, pour votre attention.

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