Intervention de Olivier Véran

Commission des affaires sociales — Réunion du 22 juillet 2021 à 9h00
Projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire — Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Me voici devant vous pour la neuvième fois, beaucoup plus tôt que prévu, pour vous demander d'accorder les moyens au Gouvernement de lutter avec efficacité contre la pandémie.

Le monde a été confronté à une épidémie qui a imposé, dans la plupart des pays, des confinements pour la freiner. Puis des variants du virus sont apparus, le virus ayant muté pour devenir plus agressif et contagieux : d'abord le variant anglais, renommé ensuite variant Alpha, les variants sud-africain, brésilien, etc. Entretemps, des vaccins efficaces, sûrs, ont été développés pour protéger collectivement les populations des pays qui ont pu s'en procurer, à commencer par les pays d'Europe, dont la France.

L'ombre portée de la pandémie s'est estompée après la troisième vague, avec une réduction très importante du nombre d'hospitalisations et de places occupées dans les services de réanimation. Nous pensions alors entrevoir la fin du cauchemar. C'était sans compter avec la mutation delta, venue d'Inde, qui a envahi l'Europe à partir de la Grande-Bretagne, puis les États-Unis, l'Australie, la Tunisie et sans doute d'autres pays dépourvus de systèmes de veille sanitaire efficaces.

Une toute récente publication dans la revue Nature montre que la charge virale du variant delta, c'est-à-dire la capacité des personnes contaminées à projeter elles-mêmes le virus, serait mille fois supérieure à celle des variants précédents. Cette version du covid est donc beaucoup plus agressive, contagieuse et dangereuse.

À ce jour, nous avons donné au moins une première injection à près de 70 % de la population adulte alors que, entre décembre et janvier, seulement 40 à 50 % des Français déclaraient avoir l'intention de se faire vacciner. Mais cela signifie aussi que 30 % des adultes n'ont toujours pas reçu de première injection.

Est-ce à dire que ce n'est pas grave, que le virus ne fera plus de dégâts ? Il n'en est rien : la première vague a touché 2 à 4 % de la population française, ce qui a suffi à remplir nos hôpitaux. Je vous laisse imaginer ce que cela représenterait avec 30 %...

L'idée qu'une personne non vaccinée serait protégée du virus si elle est entourée de personnes vaccinées - idée comparable à celle que les personnes qui ont une « peau à moustiques » protègent les autres en les attirant - est fausse. Admettons que, dans cette salle, deux personnes ne soient pas vaccinées. Si une personne porteuse du virus entre dans cette pièce, elle ne contaminera très probablement pas les personnes vaccinées - ou sous forme asymptomatique pour ces dernières -, mais elle peut transmettre le virus aux deux personnes non protégées. Ces deux personnes auront un pourcentage de risque non négligeable de développer une forme grave, et de transmettre le virus aux personnes non vaccinées, par choix ou par impossibilité matérielle, qu'elles croiseront par la suite.

Face à un virus qui circule très vite, que faut-il faire ? D'abord, il faut faire en sorte que les 30 % d'adultes non vaccinés se fassent vacciner. Cela nécessite une mise à disposition massive de doses de vaccin. Chaque jour, nous battons des records. La capacité de mobilisation de nos soignants, de nos agents des collectivités, n'est plus à démontrer. Nous avons pu procéder à 820 000 vaccinations sur la seule journée d'hier, dont 400 000 primo-injections, parce que nos centres, nos médecins, nos pharmaciens sont réactifs.

N'oublions pas les adolescents. L'épidémie est portée par les 10-40 ans. Ce sont ceux qui sortent le plus - c'est compréhensible, attendu : n'y voyez aucun jugement de ma part. C'est une épidémie de jeunes et de très jeunes qui développent peu de formes graves, mais parfois des covid longs se traduisant par des symptômes divers : perte d'énergie, troubles du rythme cardiaque, grande fatigue, douleurs chroniques.

En plus de la vaccination massive, notre deuxième objectif est d'éviter un reconfinement, car nous ne pouvons nous permettre d'arrêter à nouveau l'activité sociale, culturelle, sportive, économique de notre pays. D'après les scientifiques, l'arrêt de toute activité pour les personnes non vaccinées aurait le même impact sur la propagation du virus qu'un arrêt global. C'est la logique qui sous-tend le passe sanitaire : protéger les non-vaccinés, et permettre aux personnes vaccinées de mener une vie aussi normale que possible.

Le passe sanitaire n'est pas une punition, ni une réjouissance, mais nous n'avons pas le choix. L'alternative n'est pas entre le passe - ou un passe plus tardif, amoindri, partiel - et rien. Personne ne prétend qu'il sera facile à mettre en place, que nous avons l'expérience nécessaire. Soit nous réussissons son application au plus vite, soit nous nous exposons au risque de reconfiner notre pays.

Ma démarche n'a rien du chantage ou de l'épée de Damoclès. M. Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, le confirmera lorsque vous l'entendrez : il n'y a pas d'autre option.

Le passe sanitaire n'a de sens que parce que nous ne sommes pas tous vaccinés. Quand nous le serons, il disparaîtra. Je ne peux pas vous garantir que cela arrivera en octobre ou même en novembre. C'est pourquoi je vous demande d'accorder votre autorisation au Gouvernement jusqu'à la fin décembre, et nous réévaluerons la situation autant qu'il le faudra. Il est prématuré de considérer que nous pourrions nous passer de ce dispositif en septembre ou en octobre, et je suis même convaincu du contraire.

Deuxième logique, protéger les publics les plus fragiles : les personnes malades, âgées ou très âgées, au système immunitaire affaibli. Cette population n'est pas assez vaccinée ; et même vaccinée, elle a plus de risques de développer des formes graves. Or près de 40 % de nos soignants et du personnel qui travaille au contact de ces personnes ne sont pas vaccinés. Je veux faire de l'hôpital et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) un sanctuaire où les personnes âgées ne seront pas exposées au virus. C'est la logique de protection, qui fonde la vaccination obligatoire des soignants.

La troisième mesure de ce texte repose sur le constat que l'acceptabilité de l'isolement chez les personnes positives, souvent asymptomatiques, est de moins en moins bonne. Moins de 30 % des personnes concernées respectent l'isolement. Or quand une personne porteuse du virus sort de chez elle, elle expose la population tout entière, et met en péril l'ensemble du dispositif. Ce n'est pas de gaieté de coeur, mais nous vous demandons la possibilité de maintenir l'isolement obligatoire pour les personnes positives au covid, assorti de sanctions en cas de non-respect - celles qui arrivent sur le territoire français, mais aussi celles qui s'y trouvent déjà.

Voilà les principales mesures de ce texte. Il ne s'agit pas de déterminer si le passe sanitaire est une punition, s'il est simple à mettre en place. L'enjeu est de nous donner les moyens de le mettre en place, aussi vite et aussi efficacement que possible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion