Les mesures de freinage d'urgence auxquelles vous faites référence, monsieur le rapporteur, sont effectives dans les Pyrénées-Orientales : fermeture des établissements à 23 heures et port du masque en extérieur. Ce sont des mesures d'attente avant la mise en place du passe sanitaire et l'accélération de la vaccination. Le Gouvernement n'envisage pas de mesures de freinage général pouvant aller jusqu'au confinement. Nous voulons nous reposer sur la vaccination et le passe sanitaire ; nous ne sommes pas dans un scénario de marche rapide vers un confinement.
Comment évaluer l'efficacité ? Par la charge de soins. En Grande-Bretagne, le taux de formes graves du covid est passé de 4,6 % à 1,8 %, non parce que le virus serait moins grave, mais parce que, grâce à la vaccination, la population est quantitativement moins touchée qu'auparavant. En Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, la charge de soins n'augmente pas beaucoup. En France, la charge hospitalière, la charge de réanimation, les appels à SOS Médecins et les admissions aux urgences augmentent. Pour le moment, nous ne savons pas si cette charge de soins sera corrélée à la situation du virus, ou décorrélée comme chez nos voisins. Imaginons qu'il y ait cinq fois moins de cas graves et d'hospitalisations : tant mieux, mais rien n'exclut un nombre de contaminations multiplié par cinq... Cela fait partie des projections de l'Institut Pasteur et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Vous avez raison de poser la question du caractère opérationnel des contrôles. Ils sont de deux ordres : le contrôle du passe incombe à l'organisateur chargé de l'établissement recevant du public (ERP), et le contrôle de l'identité revient à la police, comme l'a précisé hier le Premier ministre - il y a donc bien deux niveaux différents de contrôle.
Sur l'accompagnement économique, le fonds de solidarité persiste, je connais la vigilance de Bruno Le Maire pour soutenir l'économie, nous n'allons pas mettre en péril dix-huit mois de soutien à l'économie dans ces semaines cruciales où nous avons bon espoir de sortir de la crise sanitaire.
Faut-il étendre le passe aux petits établissements ? Autant je suis pour la protection, autant je la rapporte au risque de contamination par rapport à la population. Ce risque est faible quand il n'y a que quatre ou cinq personnes, ce n'est pas la même chose, par exemple, pour une discothèque où le passe se justifie pleinement.
Faut-il étendre le périmètre de la vaccination obligatoire ? L'obligation n'a de sens que pour protéger les plus fragiles. Les enseignants, par exemple, sont au contact d'enfants, lesquels développent très peu de cas graves. Je comprends la volonté de ne pas fermer de nouveau les écoles, la couverture vaccinale des enseignants est bonne, il faut aller plus loin, mais il n'y a pas de raison impérieuse pour une obligation vaccinale. Jean-Michel Blanquer présentera ces jours-ci un plan vaccination dans les écoles pour la rentrée, c'est un plan solide.
Faut-il de la souplesse ? Nous en avons déjà prévu, en posant la date du 15 septembre, ce n'est pas en pleine vague que l'on peut se dire que l'on a le temps, nous sommes dans une logique de prévention.
Faut-il accorder le passe dès la première injection ? Le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, je vous invite à poser précisément la question à Jean-François Delfraissy : la protection après une seule injection avoisine les 30 %, c'est insuffisant : avec un variant bien plus contagieux, il faut être rigoureux.
Nous devons lutter contre la désinformation, bien sûr, elle circule plus vite que l'information elle-même. La sphère médiatique a plutôt tendance à aider nos citoyens à y voir plus clair, mais les réseaux nous inondent de fake news. Il faut lutter contre les peurs, il n'y a rien d'inédit, c'était déjà le cas il y a un siècle lorsque Waldeck-Rousseau rendait obligatoire le vaccin contre la variole ; c'était aussi le cas il y a cinquante ans lors de l'obligation vaccinale contre la polio, chaque fois les réticences ont mis en avant le manque de recul, l'incertitude, les rumeurs - dans ma famille, selon une légende, un aïeul serait mort du vaccin contre la grippe, alors que cela n'a rien de factuel.
Enfin, la question de l'outre-mer est spécifique, la situation y est très inquiétante. Nous constatons, par exemple, une incidence très élevée en Martinique, la couverture vaccinale y est très faible et ce n'est pas faute d'avoir fait ce que nous pouvions, les vaccins sont là, les équipes se démènent, nous allons vers les gens, mais il y a encore trop de réticence.
L'opposition au vaccin est multiple. On en parle peu et cela vaut pour le monde entier, il y a des courants religieux qui sont réfractaires au vaccin, des courants spirituels qui voient le virus et la pandémie comme une providence divine ; il y a une opposition politique aussi au nom d'une forme de libertarisme, il y a d'autres mouvements encore, nous devons lutter sur tous les fronts pour aller de l'avant.