Intervention de Éric Dupond-Moretti

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 juillet 2021 à 22h00
Projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire — Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Concernant les enquêtes financières, j'ai ici une lettre du procureur du Parquet national financier qui ne s'oppose pas à la limitation de la durée des enquêtes préliminaires. Le bémol, c'est la corruption internationale : franchir les frontières prend plus de temps pour les forces de l'ordre que pour les délinquants. C'est donc un point sur lequel nous devrons réfléchir pour envisager de possibles évolutions.

Avocat, j'étais contre les cours criminelles départementales, parce que je pensais qu'elles signifiaient la fin des assises. Mais je me suis rendu compte qu'aux yeux des magistrats elles fonctionnent. Aux yeux de la majorité des avocats également, même si certains d'entre eux ont su faire entendre une opposition assez âpre. Le taux d'appel est inférieur à celui des cours d'assises, les audiencements sont plus rapides. La correctionnalisation, insupportable pour les victimes de viol, est évitée.

Plutôt que de persister dans l'opinion que je m'étais forgée lorsque j'étais avocat, j'ai pris ces éléments en considération. Je suis obligé de constater que les cours criminelles départementales fonctionnent bien.

Pourquoi aller si vite dans leur généralisation ? Parce que nous ne pouvons laisser subsister deux systèmes selon qu'un département est ou non inclus dans le champ de l'expérimentation. Les retours sont excellents. L'expérimentation est plus brève que prévu, mais c'est un service rendu au justiciable.

Monsieur Leconte, l'article 15 est quelque peu éloigné du sujet de cet audition et il m'est donc difficile de vous répondre. Quant aux grands principes, il est en effet important de les apprendre, à commencer par la présomption d'innocence... Le ministre de l'éducation nationale mettra en oeuvre des mesures en ce sens.

Madame Lherbier, un film de procès n'est pas un document comme un autre : c'est un outil pédagogique précieux. Bien sûr, il pourra être utilisé dans les classes. Concernant la protection de l'enfance, je parlais simplement des couples qui s'entendent sur la garde après le divorce. Une convention conclue entre avocats et rendue exécutoire par le greffe, c'est un jugement de moins, et du temps de magistrat rendu disponible pour d'autres tâches.

Nous formons les jeunes élus au rappel à l'ordre, qui ne doit pas être confondu avec le rappel à la loi. Nous avons souhaité qu'il s'accompagne d'une certaine cérémonie, en présence du procureur, son substitut ou un délégué.

La grande majorité des magistrats sont totalement impliqués sur la question des violences intrafamiliales. J'ai récemment demandé deux inspections à la suite de crimes dont des femmes ont été victimes. Nous avons signé une convention avec Orange, trois mille téléphones grave danger ont été commandés, toutes les juridictions en sont dotées.

Ces outils ont permis 1 200 interventions des forces de sécurité intérieure, soit 1 200 violences évitées. Les crimes évités ne font jamais la une des journaux mais je tenais à le souligner devant vous.

Madame Mercier, veut-on d'une souveraineté populaire dans la cour d'assises ? Pour moi, la réponse est oui. Un acquittement n'est jamais décidé avec légèreté : il doit être plaidé, argumenté. Plutôt que de changer la règle de majorité, nous aurions pu envisager d'augmenter le nombre de jurés mais l'expérience montre que nous avons de plus en plus de mal à faire venir des jurés. D'où la modification introduite, pour que l'on puisse dire que cette juridiction est vraiment celle de la souveraineté populaire.

Concernant les réductions de peine, on peut toujours être tenté de distinguer certaines catégories de victimes. J'ai cependant considéré qu'il fallait d'abord prendre en considération l'émotion légitime des gendarmes et des policiers, sans multiplier le nombre d'exceptions.

Monsieur Wattebled, l'un des griefs majeurs adressés à la justice est sa lenteur. Pour y répondre, nous avons d'abord augmenté le nombre de recrutements. Nous avons passé la barre symbolique des 9 000 magistrats, le taux de vacance de postes est pratiquement nul. Les assistants de justice, de plus en plus nombreux, permettent à un magistrat de rendre deux fois plus de décisions.

Un autre levier réside dans la médiation, qui permet à des adversaires de s'entendre. J'ai évoqué l'après-divorce, j'aurais pu mentionner les recouvrements de créances. Quand on a participé à la décision, on l'accepte davantage.

On peut travailler à des réformes d'organisation et de procédure. La cour criminelle départementale accélère les délais de jugement, mais je suis preneur de toutes les idées qui iront en ce sens. Ma porte vous est ouverte.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 14 h 55.

La réunion est ouverte à 22 heures.

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