Merci pour cette table ronde absolument passionnante et très éclairante. Je constate avec effroi combien le débat public a été simplifié à l'extrême. L'éclairage de l'OPECST est fondamental.
Je souhaite réagir sur un point à propos de la notion d'innovation. Il a beaucoup été dit que les brevets permettaient de protéger l'innovation. Mme Guennif a souligné le fait qu'aujourd'hui, l'innovation était financée essentiellement par les fonds publics plus que par les brevets. Pardonnez la naïveté de ma question : les brevets et l'argent injecté par le secteur privé et les laboratoires n'ont-ils pas tout simplement permis d'équilibrer le financement de l'innovation ? Est-il vraiment souhaitable d'avoir une innovation ? Est-ce envisageable ? Aujourd'hui, nombre de personnes laissent entendre que seuls les fonds publics financent l'innovation. Je suis très sceptique quant à cette affirmation. J'aimerais bien avoir l'éclairage de Mme Guennif et des autres intervenants sur ce point.
Certains de mes collègues ont rédigé une proposition de résolution sur la levée des brevets. J'espère vivement que mes collègues pourront écouter cette table ronde pour pouvoir peut-être réorienter le texte de cette résolution, peut-être plus en phase avec les propos du Président de la République, qui me semblent être en accord avec la majorité de nos intervenants.
Dr Richard Benarous. - Je remercie M. Lamoureux d'avoir précisé que ceux qui demandent la levée des brevets ne sont pas des complotistes.
Pourquoi demande-t-on la levée des brevets si ceux-ci ne servent à rien - ce qui n'est pas tout à fait exact ? Si une entreprise ou un pays essayait de s'affranchir d'un brevet parce qu'il peut avoir le savoir-faire par ailleurs - ce qui est d'ailleurs le cas de la France où nous avons d'excellents chercheurs et d'excellents spécialistes, et Sanofi a toutes les capacités pour développer des vaccins à ARN -, la sanction serait considérable aux niveaux juridique et financier. Les pénalités seraient monstrueuses. C'est la raison pour laquelle les entreprises tiennent absolument à leurs brevets. Mais l'innovation n'est pas vraiment la cause.
Je rappelle aussi qu'il y a des années, aucun brevet n'a été déposé pour les vaccins antipolio. Les découvreurs de ces vaccins, notamment Salk et Sabin, n'ont pas voulu prendre de brevets et ils ont eu bien raison.
Madame la députée, personne n'a jamais dit que seuls les fonds publics financent l'innovation. Les entreprises pharmaceutiques financent aussi l'innovation ; mais les fonds publics la financent de manière considérable. Je ne connais pas exactement les chiffres d'aujourd'hui, mais nous estimions que développer un médicament chimique - je ne parle pas de vaccin, mais c'est peut-être dans les mêmes ordres de grandeur - coûte à l'industrie, qui paye toutes les phases, 1 milliard d'euros. M. Lamoureux pourra peut-être nous donner d'autres précisions.
De ce fait, en un an ou deux, les sociétés qui ont développé les antirétroviraux contre le sida récupèrent leur mise. Cela fait dix ans ou quinze ans qu'elles font des profits considérables. L'un des meilleurs antirétroviraux coûte en production 42 euros le traitement annuel. Il est vendu 10 000 euros en France, 15 000 euros aux États-Unis, 12 000 euros en Allemagne, plus de 800 euros en Afrique du Sud. C'est très bien que l'industrie fasse des profits, mais normaux, sans exagérer, c'est tout.
Le sujet des effets secondaires confirme un point important : lever les brevets ne suffit pas, de même qu'augmenter la production. Il faut aussi contrôler cette production. Cela implique que l'ensemble de la chaîne, que les agences réglementaires des différents pays, comme la France, les États-Unis, l'Union européenne, fassent leur travail. Il ne s'agit pas de produire des vaccins qui ne sont pas au niveau. Cela requiert un contrôle. Le problème est l'absence de coopération et de collaboration jusqu'à présent.
Les 6 milliards de doses d'ici fin 2021 sont les chiffres du FMI. Je ne suis pas toujours d'accord avec eux, loin de là, mais ce sont des gens sérieux qui savent ce qu'ils disent. Nous verrons le résultat dans six mois : aurons-nous 11 milliards de doses ou 6 milliards ou moins ?