Intervention de Jean-Pierre Bellon

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 24 juin 2021 à 10h30
Méthodes innovantes de lutte contre la violence en milieu scolaire — Audition de Mm. Jean-Pierre Bellon membre du comité d'experts contre le harcèlement au sein du ministère de l'éducation nationale et le docteur nicole catheline pédopsychiatre spécialiste des rapports entre enfant et école

Jean-Pierre Bellon, membre du comité d'experts contre le harcèlement au sein du Ministère de l'éducation nationale :

Je commencerai par les approches étrangères. Au plan mondial, il existe deux types d'approches.

D'un côté, il existe des programmes clés en main, dont font partie le programme finlandais, le programme norvégien ou le programme américain. Ce sont davantage des programmes de traitement du climat scolaire que des programmes de prévention du harcèlement. Ces programmes sont très intéressants. Généralement, ils sont vendus par leurs concepteurs. Je pense que ces programmes ne sont pas adaptables en France car ils supposent que les établissements scolaires soient totalement autonomes et entièrement engagés. Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que le programme finlandais et le programme norvégien ont fait baisser la violence scolaire.

D'un autre côté, il existe des programmes de traitement des situations comme la méthode de la préoccupation partagée que j'ai développée en France, la méthode anglaise « no blame approach » et la méthode suédoise Farsta (qui est particulièrement développée en Allemagne). Je me suis parfois inspiré de la méthode suédoise pour traiter certaines situations.

Il est important que les professionnels disposent d'une boîte à outils, avec des méthodes qu'ils choisiront d'utiliser en fonction des situations. Il n'existe pas de profils types, mais des profils de situation. Il faut toujours travailler en fonction des situations. Les professionnels doivent être armés pour traiter ces situations.

La journée anti-harcèlement a le mérite d'exister. Ce que je déplore, c'est davantage la caricature qu'en font les médias que la journée elle-même. Cette journée suscite souvent de l'engouement chez les élèves.

La meilleure prévention, c'est le traitement. Chaque fois qu'un enfant est moqué, humilié et mis à l'écart, les adultes doivent immédiatement intervenir. Les jeunes savent très bien que le harcèlement n'est pas quelque chose de bien. Il ne sert à rien de le leur répéter. Les jeunes qui font face à une situation d'intimidation sont pris en étau entre leur conscience, qui leur dit que ce n'est pas bien, et l'incapacité qu'ils ont à se défaire de la puissance du groupe. Il faut systématiquement que les adultes interviennent pour traiter les situations.

Les premières enquêtes réalisées sur le sujet faisaient état d'un taux de 10 % d'élèves victimes. Les dernières enquêtes font ressortir le même taux. J'ai bien peur qu'il existe un taux incompressible de harcèlement. En revanche, je ne crois pas du tout à certains chiffres selon lesquels un élève sur trois serait victime de harcèlement.

Le cyber harcèlement amplifie la solitude des cibles. J'ai pu expertiser une situation de cyber harcèlement en Suisse. J'ai constaté à quel point le « flaming », qui consiste à incendier quelqu'un en très peu de temps, pouvait se développer en l'espace d'une soirée. Les victimes ont vraiment besoin de pouvoir s'adresser, dans leur école, à un professionnel capable de les écouter et de les comprendre. Les victimes de sexting se trouvent dans une situation de solitude absolue. Cela ne peut pas durer.

Dr Nicole Catheline. - La meilleure prévention du harcèlement, c'est effectivement le traitement. Je suis complètement d'accord sur ce point. Je pense qu'il faudrait élever le niveau de gestion des émotions dans la population en général. Il existe certainement des choses à faire en partenariat avec les parents, les écoles et les centres de loisirs. Se préoccuper du harcèlement, c'est élever la préoccupation que l'on a des autres. Nous pourrions certainement trouver des interfaces entre l'école et la société civile afin de mieux faire vivre aux enfants la gestion de leurs émotions. Je pense notamment aux jeux de rôle ou au théâtre, qui obligent les enfants à vivre les émotions dans leur corps. Ce sujet me tient à coeur. Englobons la société civile. S'occuper du harcèlement peut être une chance pour notre société, mais il ne faut pas laisser l'école seule.

Les situations de cyber harcèlement ont augmenté de manière très nette pendant la crise sanitaire. Privés de leurs relations sociales, les enfants ont déversé leur mal-être sur les autres en se moquant des plus faibles sur les réseaux sociaux.

Le sexting est très insuffisamment pris en compte. Les filles en sont les premières victimes.

Enfin, il ne faut pas mélanger la cyber violence et le cyber harcèlement. Le cyber harcèlement se répète à plusieurs reprises, alors que la cyber violence est un acte qui se produit une fois. Cela n'empêche évidemment pas que la cyber violence puisse être extrêmement dévastatrice.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion