Au-delà de la programmation proprement dite, la loi organique du 17 décembre 2012, qui transpose en droit interne les exigences découlant du TSCG, traite également du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cet organisme indépendant, placé auprès de la Cour des comptes, est chargé de rendre des avis sur les différents textes financiers. Il intervient également dans la mise en oeuvre du mécanisme de correction prévu par le TSCG en cas d'écart à la trajectoire pluriannuelle.
Tout en transférant au sein de la LOLF les dispositions organiques relatives au HCFP, l'article 12 apporte plusieurs modifications visant à étendre le mandat de cette instance.
Tout d'abord, le HCFP serait désormais appelé à se prononcer sur le « réalisme » des prévisions de recettes et de dépenses inscrites au sein des PLF et des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cette appréciation du « réalisme » en recettes et en dépenses nous paraît une mission pour le moins délicate. Il nous semble plus opportun de lui confier la mission d'exposer si les prévisions du Gouvernement sont en « cohérence » avec l'ensemble des données macroéconomiques dont il dispose.
Ensuite, l'article 12 propose de reconnaître au HCFP une compétence pour réaliser un contre-chiffrage des mesures du PLF et du PLFSS à la demande du Gouvernement, et ce au stade de l'avant-projet de loi. Il nous semble, d'une part, qu'il n'appartient pas au Gouvernement de choisir lui-même les mesures qui pourraient faire l'objet d'un contre-chiffrage et, d'autre part, que le Parlement peut mobiliser ses propres moyens et des instituts indépendants pour assumer ce rôle de contre-expertise.
Enfin, il est proposé de confier au HCFP la mission de rendre un avis sur le volet financier des lois de programmation sectorielle. Il s'agit, à nos yeux, d'une évolution utile.
Dans le même temps, nous avons considéré qu'il serait opportun de renforcer le mandat du HCFP en lui confiant la tâche d'intervenir comme un « comité d'alerte » de l'exécution des dépenses sur l'année en cours. Tel est l'objet d'un amendement que nous vous soumettons, visant à permettre au HCFP de rendre un avis sur ce point, à l'occasion du PLF. S'il constatait que cette prévision laisse apparaître un risque d'écart par rapport à ce qui est prévu dans la dernière loi de finances, le HCFP pourrait alors détailler les principaux risques qu'il identifie dans son avis.
Les mesures relatives au contenu et à l'examen des lois de finances comprennent de nombreuses dispositions de nature technique. Je concentre volontairement mon propos sur les principales mesures du texte et celles sur lesquelles nous présentons des amendements substantiels. Nous pourrons revenir sur les autres mesures de simplification ou de précision que je n'aurais pas mentionnées.
Tout d'abord, l'article 2 rebaptise les lois de règlement « lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année », nom sans doute mieux adapté à leur contenu et à leur fonction.
L'article 3 précise qu'un organisme bénéficiaire d'une taxe affectée doit respecter deux conditions : il doit avoir la personnalité morale et l'imposition affectée doit être en lien avec les missions de service public confiées à l'organisme. Nous vous proposerons de supprimer la seconde condition, dont l'interprétation juridique est incertaine et qui risque de remettre en cause le financement de certains organismes, sachant qu'aucune étude précise de l'impact de cette définition ne nous a été fournie.
L'article 3 ter ajoute, dans la définition des dépenses d'investissement, les subventions pour charges d'investissement. Nous vous proposerons de supprimer cet article, car il s'agit d'investissements réalisés par des tiers, et non par l'État, de sorte que cette disposition fausserait l'examen de l'évolution du patrimoine de l'État.
L'article 4 supprime les critères prévus par la LOLF pour la définition des prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Il interdit la création d'un prélèvement sur recettes dans un texte autre qu'une loi de finances et prévoit la remise d'un rapport sur la situation des finances publiques locales, qui peut donner lieu à un débat. Au total, les modifications sont assez limitées par rapport au droit existant. Néanmoins, nous pensons qu'un débat sur la situation des finances locales avant le début de l'examen des lois de finances serait une bonne chose. En conséquence, nous vous proposerons de compléter le contenu du rapport du Gouvernement afin qu'il y apporte tous les éléments d'information utiles.
L'article 4 ter interdit tout report de crédits de paiement portant sur des dépenses de personnel : son effet est très limité, car ces reports étaient déjà très encadrés. Nous proposons une mesure de plus grande ampleur, à savoir, d'une part, le plafonnement des reports de crédits de paiement à 5 % des crédits ouverts et, d'autre part, l'exigence d'une meilleure motivation préalable des demandes de dérogation déjà permises par la LOLF.
L'article 4 quinquies modifie les règles relatives aux budgets annexes. En particulier, un budget annexe pourrait aussi retracer les « dépenses inséparables » des opérations de production de biens et de services, ce qui revient à s'adapter à la pratique effective du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». L'article modifie également les conditions de comptabilisation en loi de finances des ressources et charges de trésorerie. Nous défendrons un amendement rédactionnel, mais Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, a déposé un amendement complémentaire.
L'article 5 modifie la définition des dispositions qui relèvent de la première ou de la seconde partie de la loi de finances. C'est un article important pour ce qui concerne l'organisation de nos débats lors de l'examen des lois de finances. La discussion des ressources aura lieu uniquement en première partie, même pour les dispositions sans effet sur l'équilibre : c'est une simplification importante et bienvenue pour nos débats.
Nous vous proposons d'aller plus loin et de faire de même pour la discussion des taxes affectées. En effet, les taxes affectées plafonnées sont actuellement discutées en première partie et les taxes affectées non plafonnées en seconde partie. La situation est encore complexifiée par une disposition qui, sur l'initiative de l'Assemblée nationale, ajoute un tableau récapitulant toutes les affectations de taxes en première partie. Il sera plus simple de réunir ces discussions dans la première partie. Ainsi, cette dernière sera consacrée aux ressources et la seconde partie essentiellement aux dépenses de l'État.
L'article 5 modifie aussi le tableau de l'équilibre budgétaire, en ajoutant une présentation en investissement et en fonctionnement des ressources et des charges. Cette disposition n'aurait qu'une valeur ajoutée limitée : en réalité, les dépenses de l'État sont pour l'essentiel des dépenses de fonctionnement et d'intervention à destination d'autres acteurs, toutes comptées en charges de fonctionnement. Cette distinction comptable pourrait rejoindre l'objectif portée par l'identification des dépenses d'avenir au niveau de la loi de programmation, laquelle notion nous paraît particulièrement utile. En outre, la distinction entre fonctionnement et investissement à l'article d'équilibre rendrait très difficile, voire impossible, la construction correcte et précise du tableau d'équilibre, qui est en quelque sorte le pivot de la loi de finances. Nous proposons donc de supprimer cette présentation. En contrepartie, nous proposons, à l'article 10, d'améliorer la présentation en section de fonctionnement et en section d'investissement qui est déjà jointe au projet de loi de finances.
Par ailleurs, l'article 5 consacre la pratique des lois de finances qui fixent le plafond d'autorisation des emplois pour certains organismes : opérateurs de l'État, établissements à autonomie financière et autorités publiques indépendantes.
Il permet aussi - c'est une nouveauté importante - d'amender les objectifs de performance et les indicateurs associés aux missions budgétaires.
En outre, il octroie à la loi de finances la possibilité de prendre des mesures en dépenses, non seulement pour l'année à venir, mais aussi pour les années suivantes. En soi, ce choix ne nous pose pas de difficulté. En revanche, nous nous opposons au fait que la loi de finances puisse comporter des dispositions permanentes affectant uniquement des années ultérieures à celle sur laquelle porte la loi de finances. Cette dernière possibilité nous paraît en effet contestable au regard du principe d'annualité budgétaire. Nous vous proposons un amendement qui tend à la supprimer.
Enfin, nous ne nous opposons pas à ce que la loi de finances puisse autoriser le transfert de données fiscales, comme le prévoit également l'article 5. En revanche, nous proposons de supprimer la possibilité d'y ratifier des conventions internationales en matière fiscale. Nous considérons que le temps d'analyse nécessaire et l'espace du débat doivent être préservés pour ces textes, ce que ne permet pas toujours l'examen des articles non rattachés en seconde partie.
Quant à l'article 6, il définit le contenu des lois de finances de fin de gestion, une nouvelle catégorie de lois de finances rectificatives qui ne pourront pas comporter de dispositions fiscales. Il s'agit de consacrer la pratique des trois dernières années, ce qu'il convient d'approuver. C'est toutefois une contrainte limitée pour le Gouvernement, puisque les mesures fiscales peuvent, elles, toujours faire l'objet d'un projet de loi de finances rectificative ou figurer dans un projet de loi ordinaire.
L'article 7 prévoit que le projet de loi de finances est déposé, et non distribué, au plus tard le premier mardi d'octobre. Cela signifie qu'il ne sera plus obligatoire de distribuer sous forme papier la totalité des documents annexés, évolution qui devra bien sûr être graduelle en fonction des besoins. Nous vous proposons, par cohérence, de prévoir la même mesure pour les projets de loi de règlement.
Enfin, l'article 8 avance au 1er mai la date limite de dépôt du projet de loi de règlement, entérinant de fait une évolution récente qui laisse plus de place à l'examen parlementaire. L'article prévoit également que chaque assemblée peut organiser un débat sur l'exécution des lois de finances, selon les modalités pratiquées par l'Assemblée nationale dans le cadre de son « Printemps de l'évaluation ». Cette mesure, qui sanctuarise dans la LOLF la seule pratique de l'Assemblée nationale, ne nous paraît pas nécessaire, puisque celle-ci la met déjà en oeuvre depuis trois ans. En outre, elle nous paraît restrictive et ne tient pas compte de la pratique du Sénat, pour qui le contrôle budgétaire s'effectue tout au long de l'année, comme en témoigneront une nouvelle fois nombre des travaux que nous restituerons dans les prochaines semaines. Par cohérence, nous vous proposons donc de la supprimer.
Par-delà les mesures adoptées par l'Assemblée nationale, nous vous proposons un amendement tendant à traiter dans un article additionnel la question de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI). Pour mémoire, cette dotation, approuvée de manière globale en loi de finances, permet ensuite de financer des dépenses imprévisibles relevant d'autres missions budgétaires. Son montant, qui s'élevait à 100 millions d'euros ces dernières années, a significativement augmenté, pour dépasser 1,5 milliard d'euros en 2020 et en 2021, le Gouvernement invoquant l'incertitude née de la crise sanitaire. En conséquence, la dernière loi de finances rectificative a prévu, sur l'initiative de notre commission, une information préalable pour toute utilisation de cette dotation supérieure à 100 millions d'euros. Nous proposons de pérenniser cette mesure au-delà de la fin de l'année.