Intervention de Dominique Laurent

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 septembre 2021 à 9h30
Audition de Mme Dominique Laurent présidente de l'agence française de lutte contre le dopage afld

Dominique Laurent, présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) :

Lors des Jeux olympiques de Tokyo, il y a eu peu de contrôles positifs : quatre, sur 25 000 contrôles au total. L'important programme de contrôles préalables a certainement permis d'écarter un certain nombre de sportifs testés positifs ou dont le passeport biologique avait révélé des anomalies. Il ne faut donc pas s'arrêter aux quatre contrôles positifs de Tokyo, mais prendre en compte les contrôles effectués auparavant dans les différents pays.

Par ailleurs, la conservation des résultats pendant dix ans permet de revisiter les échantillons au regard des événements ultérieurs : cette menace permanente qui pèse sur les sportifs accroît l'efficacité de la lutte antidopage.

Enfin, les sportifs de haut niveau ont été responsabilisés sur le dopage avant leur départ pour les Jeux. L'AMA nous a demandé que tout membre d'une délégation nationale reçoive une information complète sur ce que sont le dopage, le contrôle et l'AUT, ainsi que sur le comportement à tenir en cas de contrôle. Nous l'avons systématiquement proposée, et ce me semble être une avancée importante. Rappelons d'ailleurs qu'aucun sportif français n'a été contrôlé positif à Tokyo.

Faut-il mieux contrôler les AUT ? Depuis juin 2019, la raison médicalement justifiée, qui permettait à un médecin prescripteur de justifier la prise de produits par le sportif, a été supprimée comme élément de preuve. Le système des AUT, sous le contrôle de l'Agence mondiale antidopage, est désormais obligatoire et offre plusieurs garanties par rapport à la prescription médicale.

Il repose sur un comité d'experts indépendant de l'Agence, qui est liée par la décision d'accorder ou de refuser l'AUT. Trois médecins, qui ne sont pas les médecins traitants du sportif, examinent la prescription : c'est un gage d'indépendance. Enfin, la délivrance de l'AUT est conditionnée à trois critères stricts : le produit ne doit pas avoir d'alternative thérapeutique, il ne doit pas améliorer la performance et doit contribuer à faire retrouver au sportif son état de santé et ses capacités normales. Ce système limite donc grandement les dérives et, s'il y en avait, l'AMA veillerait au grain.

Ce système est codifié dans le code mondial antidopage, nous ne pouvons nous y soustraire. Précisons qu'il permet tout de même à des malades au long cours, tels que les diabétiques ou les asthmatiques, et qui ont besoin d'une AUT permanente, de pratiquer leur sport.

Pour les sportifs de niveau international, il n'est pas possible d'avoir d'AUT rétroactive : elle doit être antérieure au contrôle, à la différence des sportifs de moindre rang. C'est un verrou supplémentaire. Bref, les AUT sont désormais bien encadrées et les malades au long cours ne sont pas empêchés de participer aux compétitions.

Les fédérations sportives se sont désengagées au fur et à mesure que l'AFLD prenait de l'importance, dites-vous. C'est vrai dans le domaine disciplinaire, l'AMA ayant exigé la fin des commissions disciplinaires, du fait de l'hétérogénéité des pratiques entre fédérations et de la complexité entre les différents échelons.

Se sont-elles désengagées de la lutte contre le dopage ? Disons que leur engagement est inégal du fait de l'inégalité des moyens, mais aussi, parfois, de leurs préoccupations et de leur engagement. L'ordonnance que vous avez souhaitée a renforcé leur responsabilité et donc leur engagement en matière de prévention du dopage. Elles ont l'obligation de désigner un référent antidopage et d'établir des plans d'éducation de prévention du dopage que l'Agence pourra contrôler et auditer.

Ces obligations incitent les fédérations à s'engager davantage, mais les règles de droit ne sont pas l'alpha et l'oméga... L'Agence accompagne les fédérations dans ce processus : c'est, en particulier, la grande affaire des éducateurs antidopage qui interviendront au sein des fédérations. Nous voulons une éducation antidopage qui touche aussi les clubs et le grand public.

Un service enquêteur a été créé au sein de l'Agence, avec un directeur des enquêtes, précédemment directeur des contrôles, qui connaît très bien le sujet. Nous avons également défini des procédures pour engager des enquêtes, avec le secrétaire général de l'Agence. Nous avons également recruté. La nouvelle directrice adjointe du département des enquêtes a une expérience de quinze ans au sein de l'Autorité des marchés financiers (AMF) - une référence ! Elle est au travail pour engager les enquêtes identifiées comme prioritaires. Par ailleurs, un gendarme et un policier vont rejoindre l'Agence.

Pour le budget 2022, nous avons demandé cinq ETP supplémentaires, dont la moitié iront au renforcement des pouvoirs d'enquête. Nous nous dotons de moyens à la fois humains et procéduraux.

C'est Mme Maracineanu qui définira les priorités de la France au sein de l'AMA. En tant qu'organisation nationale antidopage (ONAD), il nous semble qu'il faut renforcer le rôle de l'AMA en tant qu'agent harmonisateur des règles antidopage dans le monde, de manière à faire respecter l'équité entre pays, à assurer la conformité au code ou encore à développer nos pouvoirs d'enquête. Les résultats analytiques étant insuffisants, il nous faut des pouvoirs d'enquête ! Je ne doute pas que Mme Maracineanu confortera la place de la France dans la lutte antidopage.

Dans le cadre du budget 2022, nous avons effectué plusieurs demandes : les cinq ETP supplémentaires que j'ai évoqués, trois ETP pour le laboratoire, des moyens pour passer de 9 000 à 10 000 contrôles ainsi qu'une dotation de 700 000 euros pour les équipements techniques du laboratoire.

Le coût total de l'équipement du laboratoire pour les Jeux olympiques s'élèvera à quelques millions d'euros, mais reste à affiner ; je ne peux vous en dire plus pour l'instant.

La France en fait-elle assez en matière de preuves non objectives - les trafics, détentions ou falsifications, qui dépassent le champ du contrôle positif analysé par un laboratoire ? Nous nous y consacrons, grâce aux nouveaux pouvoirs d'enquête et à la nouvelle équipe dédiée. La justice et l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) sont également à l'oeuvre ; nous nous insérons dans un ensemble régalien de contrôle de la délinquance en matière de dopage et échangeons des renseignements.

Nous avons sollicité un budget permettant de missionner les préleveurs afin de porter à 10 000 le nombre de contrôles, mais également pour permettre aux personnels de l'Agence de coordonner ces contrôles.

Nous nous inscrivons dans une stratégie budgétaire pluriannuelle avec le ministère. Cela se traduit non par un document, mais par des réunions régulières, jusqu'aux Jeux de 2024, avec pour objectif d'atteindre les 12 000 contrôles. Depuis 2017, les moyens alloués par le ministère à l'Agence n'ont cessé d'augmenter.

Pour l'instant, nous n'avons pas reçu l'assurance d'obtenir les 700 000 euros demandés au titre des équipements du laboratoire. Nous espérons que la réponse sera positive. Le COJO doit, normalement, prendre en charge le paiement des contrôles antidopage effectués en vue de 2024. Contribuera-t-il au surplus d'équipements nécessaires à ces contrôles ? C'est une question qu'il nous faudra approfondir dans les mois qui viennent.

Vous me demandez quels sujets privilégier dans le cadre de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France. Je considère que le champ de la conformité a été traité de manière complète par la loi d'habilitation et ses textes d'application. Une piste serait de renforcer la responsabilité des fédérations en matière d'antidopage, par exemple en prévoyant que toute performance sportive soit accompagnée d'une réflexion sur l'antidopage, que les conventions d'objectifs signées avec le ministère comportent un volet antidopage, que les fédérations développent une formation au niveau des clubs... Il ne faut pas se cantonner au haut niveau, car les amateurs représentent un grand nombre de personnes.

Bien sûr, nous n'avons pas éradiqué le dopage. Il faut chaque jour améliorer les performances en matière d'antidopage, chaque jour y penser et mieux se coordonner, mieux agir et demander des moyens. C'est un long chemin que nous devons poursuivre. Toutefois, depuis quelques années, le soutien de l'AMA et le travail de l'Agence ont porté leurs fruits. Je pense que les sportifs sont mieux surveillés qu'avant.

Des affaires récentes de dopage chez des sportifs de haut niveau, leurs stratégies de défense particulièrement agressives montrent que nous avons été en mesure de les débusquer. Depuis que l'AMA nous a demandé de nous concentrer sur le haut niveau, nous avons observé un plus grand nombre de cas positifs et imposé de lourdes sanctions.

Il faut également souligner l'efficacité de l'AMA dans le démantèlement de certaines fédérations fautives. La congélation des échantillons pendant dix ans représente, de surcroît, une épée de Damoclès. Enfin, s'être dotés de standards auxquels les États ne peuvent se soustraire constitue un autre facteur positif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion