Intervention de Annie Le Houerou

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 14 septembre 2021 à 15h00
Examen du rapport de la mission d'information

Photo de Annie Le HouerouAnnie Le Houerou, présidente :

Je partage les diagnostics issus de nos travaux, même si je reste un peu frustrée par l'approche choisie. C'est naturel : nous avons eu quelques divergences d'appréciation quant aux solutions proposées, s'agissant, notamment, de la valeur « travail ». Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain présentera prochainement des propositions complémentaires. Nous devons encore y travailler, car ce rapport est très dense et nous n'en avons pris connaissance que récemment.

La question de la revalorisation des salaires, par exemple, ne peut, selon nous, être balayée d'un revers de main. On voit bien les difficultés de recrutement dans certains secteurs, comme dans le domaine de l'accompagnement des personnes âgées, où les frustrations engendrées par le « Ségur de la santé » sont sensibles. Par ailleurs, nous n'avons pas du tout abordé la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Notre sensibilité politique nous porte à croire qu'une renégociation des salaires avec les partenaires sociaux représente une piste incontournable si l'on veut lutter contre la précarité et le basculement dans la pauvreté. Nous avons constaté que, lorsque l'on tombe dans celle-ci, il est extrêmement difficile d'en sortir. Pour éviter le recours abusif aux contrats courts, nous devons trouver des solutions efficaces pour en limiter le nombre et redonner de la dignité aux salariés, par la constance et la pérennité de l'emploi, mais aussi par la rémunération.

Nos divergences portent également sur les solutions proposées en direction des publics spécifiques. Malheureusement, la plupart de nos jeunes ne peuvent pas compter sur la solidarité familiale. C'est pourquoi nous pensons que la solidarité nationale est nécessaire. Notre responsabilité d'élus est de faire confiance à la jeunesse. Il s'agit non pas de distribuer de l'argent sans contrepartie, mais d'accompagner les jeunes dans leurs projets de vie, de les rassurer sur leur avenir et de répondre aux difficultés des étudiants, qui ont été aggravées par la crise liée à la covid. Il leur est difficile de sortir de leur milieu : on dit ainsi que l'on ne sort de la pauvreté où se trouve sa famille qu'après huit générations. Une mission d'information est d'ailleurs en train de travailler sur ce déterminisme social.

En matière de politiques de logement, le rapport contient de nombreuses propositions. Nous devons cependant travailler encore pour améliorer l'efficacité des aides. Les jeunes ont ainsi été directement frappés par la baisse des APL, qui les ont mis en difficulté dès leur entrée dans la vie active. Il est de notre responsabilité d'élus de leur apporter des réponses.

L'objectif de retrouver une industrie forte me paraît légitime. Je doute néanmoins que les sommes importantes mobilisées par le plan de relance aient été fléchées de façon suffisamment stratégique pour faire porter le développement industriel sur des priorités définies, comme la santé, et recréer de la richesse pour notre pays. Cela étant, la production industrielle ne représente que 14 % du PIB. Ce n'est pas le seul levier sur lequel nous pouvons agir.

Nous partageons l'analyse du rapport sur la question des travailleurs sociaux, en particulier en ce qui concerne « l'aller vers », ainsi que sur la nécessité d'aller plus loin en matière de décentralisation. Il s'agit de redonner aux régions la responsabilité de porter les politiques de l'emploi, car elles sont au plus proche des entreprises, des personnes employables et parce que la formation relève de leur compétence. Ce travail de proximité doit être mené en lien avec les départements, sous réserve, bien sûr, des moyens mis à leur disposition.

Les dispositifs de « filets de sécurité » sont, quant à eux, trop nombreux. Chacun y perd son latin. Il semble nécessaire de les simplifier et d'accompagner les associations dans les réponses qu'elles apportent aux personnes qui les sollicitent. Les auditions que nous avons menées ont montré que les demandes d'aide alimentaire sont en augmentation. C'est le signe d'une grande pauvreté, qui concerne par ailleurs une grande diversité de profils : retraités ou indépendants, qui ont besoin d'être accompagnés dans leurs projets.

Si nous avons une approche différente du travail et des publics spécifiques, nous nous retrouvons sur certaines propositions de simplification et de décentralisation. L'État doit jouer son rôle de modérateur, mais nous savons que les décisions prises à l'échelle locale sont plus efficaces que des dispositifs nationaux peu adaptés aux réalités du terrain et manquant de souplesse.

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