Intervention de Julien Gondard

Mission d'information Uberisation — Réunion du 14 septembre 2021 à 9:5
Audition commune de représentants des chambres des métiers et de l'artisanat du conseil national des barreaux du conseil national de l'ordre des architectes du conseil supérieur de l'ordre des experts comptables et du conseil national de l'ordre des médecins

Julien Gondard, directeur général des Chambres des métiers et de l'artisanat :

Dans l'artisanat, nous sommes soucieux de la qualité et de la qualification professionnelle. L'entrée fracassante d'Uber sur le marché des taxis nous amène à réfléchir aux protections et garde-fous nécessaires pour préserver un secteur au coeur de l'activité économique des territoires. Les professionnels que nous accompagnons ont besoin d'équité sociale et fiscale.

Notre réseau compte, depuis le 1er janvier 2021, 21 établissements publics régionalisés, au lieu de 89 deux ans auparavant. Cette transformation s'est faite tout en conservant trois cents points de contact locaux, y compris outre-mer où l'activité économique a ses particularités.

Dans un contexte de transition digitale, l'État nous a demandé de mener des diagnostics numériques au sortir de la crise, pour mesurer l'impact de ces technologies sur nos métiers. Nous en avons réalisé plus de cinq mille ces derniers mois - ce sont des données fraîches qui éclairent nos débats. Si les activités que nous défendons, locales et ancrées dans les territoires, peuvent sembler éloignées des plateformes, la pandémie a fait du numérique, par nécessité, une solution de commerce pour les entreprises artisanales.

Nous n'en sommes toutefois qu'aux balbutiements : le numérique sert surtout à la relation client et à la promotion du savoir-faire, plutôt qu'à la vente en ligne. Seuls 16 % des artisans sont sur des plateformes spécialisées : 5 % s'en servent pour des prises de rendez-vous, 15 % pour des ventes et 2 % pour des devis. Nous devons renforcer cet usage.

Étendre la sphère de promotion de l'activité permet de conquérir de nouveaux clients. Un point d'attention toutefois : le risque de confiscation de la relation client, désormais gérée par un intermédiaire, mais aussi de la donnée, qui exige que nous restions attentifs au respect des droits.

Le numérique induit aussi de nouvelles pratiques, qui vont à rebours de la professionnalisation des chefs d'entreprise - il suffirait de mettre un produit sur une plateforme pour réaliser l'acte de vente. Or, les chefs d'entreprise ont plusieurs casquettes : ils ont le savoir-faire, mais sont aussi gestionnaires, directeurs des ressources humaines, webmestres, etc. La plateformisation risque de brider cette polyvalence.

En revanche, si les chefs d'entreprise ne sont pas formés à s'intégrer dans le paysage numérique, ils risquent le déréférencement, et à terme la disparition de leur entreprise. Il leur faut aussi apprendre à gérer les avis des consommateurs ainsi que les litiges autour de la vente en ligne.

La qualification professionnelle est centrale pour l'artisanat. Par exemple, l'accès à l'activité de serrurier n'est aujourd'hui pas réglementé. Le micro-entrepreneuriat, s'il permet de mettre le pied à l'étrier, doit rester limité dans le temps, car il laisse à penser que la serrurerie est à la portée de tous les bricoleurs du dimanche.

La concurrence effrénée sur les prix en ligne, ou encore certaines pratiques opportunistes en matière de rémunération sont autant de sujets d'inquiétude.

La protection des professions réglementées passe par la qualification professionnelle, mais aussi par des labels - artisan, maître artisan, entreprise du patrimoine vivant (EPV) - et des garanties. Les plateformes doivent les mettre en avant. L'artisan doit pouvoir défendre son talent et son savoir-faire face aux start-up. Qui contribuera à l'économie de proximité si tout est virtuel ?

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