Merci beaucoup. Vous êtes allés effectivement vers un débat dont on sait qu'il est parfois passionnel, qui est à la fois technique, politique et sociétal. Vous avez élargi la question du nucléaire à la question générale de la politique énergétique. Vous terminez sur l'un des sujets les plus sensibles, qui est suivi de près par l'Office, à savoir les engagements de diminution de consommation énergétique sur des secteurs tels que le bâtiment et le transport : pour l'instant, on ne voit pas tellement une telle diminution sur les courbes, malgré les engagements politiques qui ont été pris en la matière.
J'ai une question sur les mécanismes démocratiques qui permettent d'associer les citoyens aux décisions. Dans les nombreuses fictions qui émaillent votre rapport, vous avez imaginé plusieurs scénarios, plusieurs issues de grands débats d'associations et des décisions citoyennes. Comment voyez-vous, sur ce sujet énergétique, l'articulation entre démocratie représentative et participative ?
Quelle est d'ailleurs votre analyse de la convention citoyenne pour le climat ? Je dois dire qu'elle a été diversement appréciée au sein de l'OPECST, une partie de l'Office la jugeant illégitime, une autre partie la considérant au contraire comme pleinement légitime et représentative pour parler non pas des aspects techniques, mais de l'acceptabilité et du projet de société lié à l'énergie.
On sait aussi que certains ont accusé la convention citoyenne d'être politisée et de ne présenter qu'une face des débats ; certains ont expliqué que les « 150 » ne représentaient pas les 60 millions de citoyens ; d'autres disaient que le travail d'un groupe de 150 a priori choisis au hasard, éclairés par les discussions avec les scientifiques et par les centaines d'heures de travail, pourrait être repris en confiance par l'ensemble de la société. Comment voyez-vous les choses ?
Les enjeux technologiques et politiques du nucléaire sont majeurs. Quand on parle de nucléaire, les échelles de temps pertinentes impliquent forcément des paris. Pari qu'à l'échelle de quelques siècles ou quelques millénaires, il y aura encore une civilisation suffisamment solide pour s'occuper de la gestion à très long terme des déchets. À plus courte échelle, par exemple si l'on parie sur les petits réacteurs modulaires, les SMR, qui ont de nombreux avantages techniques que nous avons évoqués à maintes reprises à l'OPECST, on parie aussi que cela ne résultera pas en une prolifération incontrôlée, en des pratiques de corruption, de trafic de déchets, etc., à partir du moment où ces réacteurs pourraient être utilisés par des pays qui n'ont pas des constructions juridico-administratives aussi solides que les nôtres.
Que pensez-vous de ces paris politiques qui concernent le très long terme de notre civilisation, ou l'appropriation par différentes sociétés ? Comment faut-il les prendre en compte ? Est-ce que c'est le politique qui doit régler cela ? Est-ce qu'il est légitime de faire un tel pari ?