Je veux écarter le terme « insincérité », qui a un sens en finances publiques, et même au-delà. On ne peut se prononcer sur la sincérité d'un budget qu'ex post, une fois celui-ci voté et exécuté. La Cour des comptes a utilisé ce terme à une occasion. Honnêtement, le sujet est extrêmement radioactif, et le terme doit être employé avec prudence. Comme commissaire européen, j'avais alors été plus prudent que la Cour des comptes. Si nous commencions à utiliser un tel terme sans fondement juridique, le débat politique prendrait une tournure qui n'est pas du ressort du Haut Conseil.
Nous n'avons donc pas parlé de budget « insincère ». Nous sommes bien dans le cadre du mandat qui est le nôtre. Nous avons employé un terme précis : le projet de budget est « incomplet ». Nous avons effectivement constaté que le solde budgétaire s'améliorait et que la situation serait probablement moins dégradée qu'annoncé en 2021. Mais nous ne pouvons pas nous prononcer sur la plausibilité du chiffre pour 2022, puisqu'il nous manque un certain nombre d'éléments. Pour le reste, « incomplétude » et « insincérité » ne sont absolument pas synonymes. Il ne nous appartient pas d'émettre un tel jugement.
Dès le mois d'avril, le Haut Conseil estimait que l'inflation, notamment l'inflation sous-jacente, la seule que nous sommes réellement capables de prévoir, serait plus élevée que prévu par le Gouvernement. Celui-ci a révisé d'un demi-point à la hausse sa prévision d'inflation sous-jacente pour 2021, qui est de 1,1 %, et le chiffre annoncé nous paraît plausible compte tenu des huit mois que nous connaissons déjà. Le Haut Conseil juge également plausible la prévision d'inflation pour 2022. Selon la plupart des économistes, l'inflation que nous connaissons devrait être temporaire. Certains facteurs, comme la hausse des prix des matières premières ou de la demande des services des ménages, perdurent et la hausse des prix devrait pousser à la hausse les salaires en 2022. Mais les économistes n'attendent pas d'augmentation auto-entretenue de l'inflation. Plusieurs de ces facteurs sont transitoires : les prix de certaines matières premières ou bien intermédiaires ont arrêté de monter, voire commencé à baisser.
En 2022, la Banque centrale européenne (BCE) ne devrait pas remonter ses taux d'intérêt - elle devrait seulement réduire ses achats d'actifs -, qui devraient donc rester bas encore un moment.
Une fois que la situation sera revenue à la normale, les différentiels de dette entre les pays seront un critère de jugement pour les marchés. Nous devons donc rester extrêmement attentifs sur cette question. C'est donc l'occasion d'évoquer la croissance et la maîtrise de la dépense publique. Je vous renvoie aux préconisations que la Cour des comptes a remises au Président de la République et au Premier ministre cet été.
Malgré les difficultés d'approvisionnement, le PIB devrait revenir à son niveau de 2019 à la fin de l'année 2021 ou en 2022.
L'écart de croissance entre la France et la zone euro est lié aux conséquences de la crise sanitaire. Il y a des différences entre le nord et le sud de l'Europe. Les pays les plus impactés sont ceux qui ont été les plus fortement touchés en 2020. Même si le rebond de la croissance a été un petit peu plus fort, il y a un lien direct entre la crise sanitaire et le PIB. Il faut également tenir de la spécialisation sectorielle de la France ; je pense notamment au tourisme et à l'aéronautique.
L'élargissement du mandat du Haut Conseil dépend du législateur. Notre position est assez constante. Lorsque j'ai lancé un processus de réforme de la Cour des comptes, j'ai demandé un rapport sur la manière dont devrait être modifié le mandat du Haut Conseil. Les textes européens peuvent effectivement être modifiés aussi.
Encore une fois, il serait dommage de négliger l'occasion offerte par l'examen de la proposition de loi organique. Je tiens d'ailleurs à remercier les équipes du Haut Conseil, qui réalisent un travail de très grande qualité dans des conditions extrêmement difficiles et avec des moyens réduits.