Intervention de Olivier Dussopt

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 22 septembre 2021 à 17h00
Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la relance et M. Olivier duSsopt ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance chargé des comptes publics sur le projet de loi de finances pour 2022

Olivier Dussopt, des finances et de la relance, chargé des comptes publics :

ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Le PLF que nous vous présentons traduit et met en oeuvre la stratégie de politique économique et de finances publiques rappelée par Bruno Le Maire et tient les engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement, au début du quinquennat comme à l'occasion de la crise que nous traversons.

J'insisterai sur trois points.

Tout d'abord, ce PLF permet de tenir les engagements pris, en fonction de cinq priorités. La première d'entre elles est le réarmement du domaine régalien, en appliquant strictement la loi de programmation militaire (LPM). Les crédits du ministère des armées augmentent de 1,7 milliard d'euros. Le budget du ministère de l'intérieur est revalorisé de manière inédite, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, après les annonces faites par le Président de la République lors de la conclusion du cycle de rencontres autour du Beauvau de la sécurité, et nous augmentons le budget du ministère de la justice de 8 %. Cette augmentation était déjà historique l'année dernière. Elle l'est désormais doublement, puisque nous récidivons : le budget total sera d'environ 9 milliards d'euros, au-delà de ce qui était prévu dans la loi de programmation et de réforme pour la justice.

La deuxième priorité que nous poursuivons concerne la jeunesse et la préparation de l'avenir. Nous revalorisons le budget du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'un montant de 1,7 milliard d'euros, dont 700 millions d'euros permettront les revalorisations salariales auxquelles le ministre s'est engagé, ainsi que la prise en charge, par le ministère, de la première étape de participation de l'État employeur à la protection sociale complémentaire des agents - je précise que le budget permettra évidemment à tous les ministères de prendre en charge cette participation à la protection sociale complémentaire. Cela permettra aussi de conforter un certain nombre de politiques, comme la création de 100 000 places de service civique supplémentaires ou le recrutement, en 2022, de 4 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), pour aller plus loin en matière d'accueil des enfants en situation de handicap à l'école.

Dans ce même secteur, nous allons augmenter le budget du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de 700 millions d'euros : 550 millions d'euros au titre de l'application de la loi de programmation de la recherche et 150 millions d'euros pour des dispositifs différents, dont l'utilité a été mise en évidence par la crise et qu'il nous a semblé pertinent de conforter, comme le tutorat.

La troisième priorité, qui n'est absolument pas nouvelle et que chaque budget précédent a pu illustrer, c'est la transition écologique et énergétique. Hors plan de relance, les crédits du ministère de la transition écologique augmenteront de 1,5 milliard d'euros, ce qui permettra notamment de maintenir un très haut niveau d'intervention, indépendamment du plan de relance, sur la question de la rénovation énergétique des logements, notamment sur le financement du dispositif MaPrimeRénov'. En matière de mobilités, nous vous proposerons de faire reprendre par l'État 10 milliards d'euros de la dette de la SNCF, conformément aux engagements pris lors de la réforme du secteur ferroviaire.

La quatrième priorité est la volonté de mettre en oeuvre des politiques de solidarité dans différents domaines. Le PLF pour 2022 maintient les crédits nécessaires pour l'ouverture de 190 000 places d'hébergement d'urgence, soit le niveau inédit atteint en 2021. Par ailleurs, le mode de gestion change, pour éviter les effets de saisonnalité. Entre 2017 et 2022, les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence sont passés de 1,8 milliard d'euros à 2,7 milliards d'euros, ce qui témoigne de l'engagement du Gouvernement en la matière.

Ce PLF tient un autre engagement pris par le Gouvernement devant le Parlement, qui concerne l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il y a trois ans, nous avons revalorisé l'AAH de 90 euros par mois, ce qui l'a portée à 900 euros ; cette revalorisation importante était attendue. Nous avons pris l'engagement, par la voix de Mme Sophie Cluzel, d'instaurer un abattement sur les revenus des personnes bénéficiaires de l'AAH qui vivent en couple. Ces dernières verront leur allocation revalorisée de 110 euros par mois : 120 000 personnes vont bénéficier de cette augmentation de l'allocation.

Ce PLF tient aussi les engagements pris au début du quinquennat par le Président de la République en matière d'aide publique au développement (APD). Pour faire oeuvre de solidarité internationale, nous allons à nouveau augmenter ce budget de 1 milliard d'euros. L'augmentation totale du budget de l'APD sera de 70 % entre le début et la fin du quinquennat. Dès 2022, la part de revenu national brut consacrée à l'APD sera supérieure à 0,55 % du PIB, donc au-delà des engagements pris le Président de la République.

Enfin, même si cela concerne des sommes moins importantes, nous allons augmenter à nouveau fortement le budget du ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Le document transversal dont vous pourrez prendre connaissance dans la suite des débats soulignera qu'environ 1 milliard d'euros sont consacrés à cette politique de manière transversale, mais que les crédits pilotés par le ministère, qui s'élèvent à quelques dizaines de millions d'euros, augmenteront de 25 %, comme l'année dernière. Grâce à de telles mesures, nous pouvons, par exemple, ouvrir 24 heures sur 24, depuis le 1er septembre, un service comme le 3919, qui permet des signalements et des appels à l'aide pour les victimes de violences, dispositif qui sera pérennisé.

La cinquième et dernière priorité porte sur les relations financières entre l'État et les collectivités locales. Comme les quatre premiers, ce PLF reconduit la stabilité des dotations de fonctionnement : elles s'élèvent à 26,8 milliards d'euros. Le total des concours de l'État aux collectivités augmente d'un peu plus de 500 millions d'euros, en raison d'une dynamique du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) et d'un ajustement de certaines compensations.

Au-delà des dotations de fonctionnement, le PLF propose d'abonder les dotations d'investissement. En matière d'investissement, nous avions préservé, année après année, les 2 milliards d'euros consacrés à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). En période de crise, nous avons ajouté 2,6 milliards d'euros de soutien à l'investissement : 1 milliard d'euros de DSIL exceptionnelle, 1 milliard d'euros de DSIL rénovation thermique et 600 millions d'euros de dotation pour l'investissement des régions. L'année prochaine, nous allons abonder les crédits de la DSIL à hauteur de 350 millions d'euros, comme l'a annoncé le Premier ministre il y a une dizaine de jours. Cette somme sera prioritairement utilisée pour financer des projets inscrits dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) signés entre l'État et les intercommunalités. Ce PLF permettra aussi d'aller plus loin en matière de péréquation verticale, avec une augmentation de 95 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de 95 millions d'euros également de la dotation de solidarité rurale (DSR). Il permettra également d'aider un certain nombre de collectivités de manière différenciée, grâce notamment à une garantie que l'État va apporter à l'Agence française de développement (AFD), pour un prêt de 300 millions d'euros à la Polynésie française.

D'autres crédits concernent les collectivités. Ainsi, les moyens du ministère chargé de la ville augmentent à hauteur d'un peu moins de 50 millions d'euros, pour financer le déploiement de 200 cités éducatives. Les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) augmentent aussi de 35 millions d'euros, pour financer l'installation de nouvelles maisons France Services (MFS), afin d'atteindre notre objectif de 2 000 MFS à l'horizon de 2022.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons pris la décision de ne pas inscrire dans ce PLF une réforme de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Le Parlement avait demandé au Gouvernement un rapport, qui a été remis au début de l'été 2021. Cette réforme importante concerne les recettes des collectivités mais pose aussi une question de soutenabilité pour les opérateurs. Elle demande une concertation. Dans la mesure où il n'y a pas d'urgence particulière, nous avons fait le choix de ne pas l'inscrire, pour laisser aux représentants des collectivités et au Gouvernement le temps d'une discussion plus approfondie.

Je termine par deux remarques.

Ce PLF s'inscrit dans la continuité en matière de transformation et de réformes. Nous allons vous proposer d'aborder un certain nombre de sujets, comme la réforme de la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables, des mesures en matière d'amortissement de la dette liée au covid et des dispositions relatives à l'unification du recouvrement ou à la contemporanéisation du crédit d'impôt pour les services à la personne. Nous allons poursuivre l'amélioration de l'information du Parlement et, à travers celui-ci, de l'ensemble de nos concitoyens, par des opérations de sincérisation. La rebudgétisation du compte d'affectation spéciale (CAS) sur les radars tout comme des modifications et des précisions sur les taux de mise en réserve sont ainsi prévues. Dans quelques jours, nous rendrons public le « budget vert », qui inclut une évolution pour l'appréciation de l'impact sur l'environnement des dépenses publiques : nous avons intégré les budgets annexes et les dépenses fiscales et nous avons amélioré la finesse d'analyse pour les dépenses « neutres ».

En matière fiscale, ce PLF permet une baisse de 50 milliards d'euros des impôts payés par les entreprises et les ménages à l'échelle du quinquennat : 25 milliards d'euros pour les entreprises et 25 milliards d'euros pour les ménages. Pour les ménages, cette réduction est due pour l'essentiel à la suppression de la taxe d'habitation, pour 18 milliards d'euros, et à la baisse de l'impôt sur le revenu pour les contribuables de la première et de la deuxième tranches, pour 5 milliards d'euros. Nous atteindrons un taux de prélèvements obligatoires de 43,5 % du PIB, soit le taux de 2011, et effacerons ainsi les chocs fiscaux que nous avons connus à la suite de la crise de 2010. S'y ajoute la revalorisation des revenus du travail, notamment l'augmentation de la prime d'activité. Ainsi, nous pouvons d'ores et déjà affirmer que, en moyenne, malgré la crise, le pouvoir d'achat des ménages va augmenter de 1,6 % par an au cours des cinq années du quinquennat 2017-2022, contre 1,4 % de 2007 à 2012 en moyenne annuelle et 0,4 % de 2012 à 2017. En matière de fiscalité, nous ne prévoyons pas d'autre chantier majeur, sinon des mises en conformité et des adaptations.

Je termine par les résultats. Le déficit public est estimé à 4,8 % du PIB, contre 9,1 % en 2020, ce qui témoigne d'une trajectoire de redressement et d'une normalisation. La dette publique sera ramenée à 114 % du PIB, du fait de l'importance de la reprise économique et des recettes générées, comme du fait de l'amélioration de la situation initiale. Je ne reviens pas sur le taux de prélèvements obligatoires, mais je veux simplement souligner que, en 2022, la dépense publique représentera 55,6 % du PIB, soit un niveau assez comparable à ce que nous connaissions avant la crise. Il y a encore un peu de chemin à faire pour atteindre le taux de 53,8 % de 2019, mais nous nous y employons. Hors relance, les crédits consacrés aux dépenses dites « ordinaires » des ministères n'évolueront que faiblement, puisque, de manière générale, les dépenses publiques n'évolueront que de 0,8 % en volume en 2022, ce qui est peu ou prou équivalent au taux d'évolution en volume de 2017 à 2019, taux qui nous avait permis de tenir nos engagements en matière de niveau de déficit et de réduction du poids de la dépense publique. Il est important de le souligner, car cette reconstitution de marges et cette reconstitution de forces donnent à l'État les moyens d'agir aussi efficacement et aussi fortement qu'au cours des derniers mois, au cas où une nouvelle crise, avec les mêmes conséquences économiques et sociales, devait survenir.

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