Intervention de François Autain

Réunion du 15 novembre 2006 à 22h10
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Articles additionnels après l'article 33

Photo de François AutainFrançois Autain :

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le rapporteur Alain Vasselle a déposé et fait adopter un amendement, dont, je dois le dire, nous n'avons pas mesuré à l'époque toute la portée et toutes les implications : il s'agissait d'appliquer aux titulaires de la CMU complémentaire les exigences du parcours de soins coordonné comportant la déclaration du médecin traitant et l'accès direct restreint aux spécialistes.

Le décret d'application n'est pas paru à ce jour, ce qui est fort heureux pour une fois, car la mesure génère de nombreux effets pervers.

Certes, au premier abord, elle paraît conforme au principe d'égalité, mais on oublie que les titulaires de la CMU-C ne sont pas tout à fait dans la même situation que les autres assurés.

Pour ces personnes, en effet, le recours à un médecin n'est jamais évident : déjà fort éloignées du système de soins, elles le sont encore plus du système de déclaration du médecin traitant ; ainsi, en mars 2006, alors que la quasi-totalité des assurés avaient désigné un médecin traitant, seule la moitié des titulaires de la CMU avaient fait de même.

Instituer à la charge de personnes particulièrement démunies une pénalité à verser directement lors de la consultation apparaît comme un non-sens. En effet, au lieu de constituer un élément d'incitation à la déclaration du médecin traitant, elle risque de conduire ces personnes à un renoncement aux soins, contre lequel la création de la CMU-C avait précisément pour ambition de lutter.

Par ailleurs, l'application de cette disposition risque d'alimenter les attitudes de refus de soins, malheureusement bien trop répandues - la presse s'en est d'ailleurs fait l'écho à plusieurs reprises. On rappellera que, le 13 juin 2005, une circulaire de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, avait tenté de réagir contre ces pratiques en rappelant les médecins à leurs obligations et en détaillant les sanctions, tant pénales que disciplinaires, auxquels ils s'exposaient.

Pourtant, une étude menée par le Collectif des médecins généralistes pour l'accès aux soins, le COMEGAS, dans six villes du Val-de-Marne, a mis en évidence que 4, 8 % des refus de soins aux bénéficiaires de la CMU-C étaient opposés par les médecins généralistes et 41 %, par les médecins spécialistes.

Dans une délibération du 6 novembre, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, a réaffirmé que ces refus constituaient une discrimination au sens de la loi et des engagements internationaux de la France, et elle a recommandé aux différents acteurs de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à ces pratiques. J'espère, en particulier, qu'une suite sera donnée par le Gouvernement à la suggestion de confier à l'Inspection générale des affaires sociale une mission à ce sujet.

Dans un tel contexte, ce dispositif ne doit pas stigmatiser davantage encore des populations fragilisées et, alors qu'elles sont déjà exclues, constituer un facteur supplémentaire d'exclusion.

C'est pourquoi nous vous proposons la suppression du paragraphe IV de l'article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et l'intégration d'une dérogation à la majoration de participation pour les bénéficiaires de la CMU-C.

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