Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 28 mars 2006 à 16h30
Bilan des violences urbaines et situation dans les banlieues — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

Du 27 octobre 2005 au 16 novembre 2005, des violences urbaines ont gravement perturbé des cités franciliennes avant de gagner de nombreuses communes de province.

Chaque nuit, des véhicules, du mobilier urbain, des bâtiments publics ont été la cible d'incendiaires et de casseurs.

Que cela soit bien clair, nous avons condamné et condamnons toujours fermement de tels actes de violence, contraires à la paix civile et à l'ordre républicain !

Pour autant, de tels événements ne surviennent pas par hasard. La mort de deux jeunes à Clichy-sous-Bois et les propos déplacés d'un ministre ont déclenché la révolte dans des quartiers où la crise couvait et couve encore.

Car l'accalmie pourrait n'être que de surface : on est tenté de le penser si l'on en juge par le développement de l'opposition au CPE, cette prétendue réponse au malaise des jeunes de banlieue, réponse aussi choquante qu'inadaptée, qui stigmatise toute une jeunesse ; j'y reviendrai.

Si, contrairement à certaines affirmations, les violences étaient spontanées et nullement organisées, les incendiaires ont avant tout pénalisé leurs propres quartiers, faisant de leurs proches les premières victimes.

Cinq mois après le déclenchement de cette crise, comment ne pas y voir le symptôme d'une misère sociale et économique grandissante, le signe de la faillite éducative de notre pays ?

S'il y avait bien un état d'urgence à déclarer, c'était l'état d'urgence sociale !

En effet, la pauvreté se développe de façon alarmante dans notre pays. Selon le quatrième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, en 2003, 3, 7 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 645 euros par mois, et plus de 7 millions vivaient avec moins de 774 euros par mois ! Et ces chiffres sont en augmentation notable depuis 2001 !

Les difficultés que connaissent certains quartiers s'additionnent et créent ainsi d'inévitables tensions.

La crise du logement est sans précédent. Le onzième rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le « mal-logement » en France fait ainsi état de 3 207 500 personnes connaissant une « problématique forte de mal-logement », chiffre en augmentation de 4 %.

Le rapport dresse un constat accablant, dénonçant ces « bidonvilles » qui « réapparaissent en périphérie des grandes villes » et une « mixité sociale en panne » !

Un tiers des 720 communes concernées par l'application de la loi du 13 décembre 2000, la loi « SRU » ont réalisé moins de 50 % de leurs objectifs, et près d'une centaine n'ont strictement rien entrepris pour rattraper leur retard !

Nous allons examiner ces jours-ci en deuxième lecture le projet de loi portant engagement national pour le logement. Mais que vaut un tel engagement si l'État n'est plus garant du droit au logement, si la lutte contre l'habitat indigne n'est pas prioritaire, si l'enjeu se résume parfois à des « entourloupes » consistant à définir des périmètres qui exonèrent certaines communes déjà favorisées ?

L'objectif de 20 % de logements sociaux nous paraît absolument essentiel, mais l'effort consenti pour l'atteindre n'est pas partout de même envergure, tant s'en faut !

Il est très choquant que certaines communes préfèrent l'amende à la solidarité et continuent de négliger l'obligation de mixité sociale en affichant des taux de logements sociaux extrêmement bas, parfois même inférieurs à 3 % !

J'ai l'habitude de comparer deux Neuilly : Neuilly-sur-Seine et Neuilly-sur-Marne, commune dont je suis le maire. À Neuilly-sur-Seine, les logements sociaux représentent 2, 6 % du parc de logements, contre 46 % dans ma commune. Cela se passe de commentaire !

De la même façon, le principe de mixité sociale devrait être mieux mis en oeuvre dans le cadre de la politique de réattribution des logements sociaux. Ainsi, en cas de destruction d'immeubles, il conviendrait d'éviter de reloger les habitants dans une autre zone urbaine sensible, ou ZUS, afin de ne pas déséquilibrer davantage certains quartiers qui connaissent déjà de lourdes difficultés économiques et sociales.

Bien sûr, la principale d'entre elles est le chômage. Dans les ZUS, en 2004, il a concerné 20, 7 % de la population. En progression d'un point par rapport à 2003, ce taux est environ deux fois supérieur à la moyenne nationale, selon le dernier rapport de l'Observatoire nationale des zones urbaines sensibles Et les jeunes paient le plus lourd tribut. En effet, selon le même rapport, « les taux de chômage des moins de vingt-cinq ans atteignent dans les ZUS des niveaux très élevés puisqu'en 2004 plus d'un jeune homme actif de cette tranche d'âge sur trois (36 %) est au chômage et que quatre jeunes femmes actives sur dix sont dans cette situation ».

Or force est de constater que, dans l'ensemble de notre pays, le chômage est reparti à la hausse au mois de janvier dernier : de 0, 7 %. Il n'y a là rien d'étonnant puisqu'il n'avait baissé qu'au prix d'artifices, telles des radiations administratives et des créations d'emplois aidés d'une grande précarité, notamment au travers des contrats « nouvelles embauches », les CNE. En réalité, aucun emploi n'est créé. Au mieux, il y a simple substitution.

Rappelons au passage que, sous le gouvernement Jospin, 900 000 chômeurs ont trouvé du travail et 2 millions d'emplois ont été créés.

Mais la situation actuelle ne semble pas inquiéter outre mesure le Premier ministre puisqu'il affirmait, lors de sa conférence de presse du 1er mars dernier, que « la tendance reste bonne » !

Cela ne fait que confirmer l'aveuglement d'un gouvernement et son obstination dans l'erreur qu'illustre de façon si flagrante et si navrante le maintien du contrat première embauche.

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