Alors, que s'est-il passé ? Avons-nous eu affaire à un complot des antifrançais associés aux polygames et aux immigrés clandestins pour déstabiliser et déchirer la nation, ainsi que nous l'ont expliqué ces brillantes personnalités ?
La vérité seule et unique, c'est que si nous sommes déchirés c'est parce que la richesse est mal partagée. Les uns ont tout, les autres n'ont rien. La pauvreté n'est pas à la marge du système, elle en est devenue le coeur, et même le moteur.
Vous avez voulu tout expliquer par l'ethnie. Moi, je veux saluer ces parents, ces élus, ces éducateurs, tous ceux qui étaient dans la rue et qui ont montré une magnifique résistance républicaine, durant ces nuits où l'on essayait de calmer, d'apaiser, même si nous savions, quand vous appeliez de vos voeux le retour à la normale, que, précisément, c'est la « normale » qui est insupportable dans ces quartiers.
Y a-t-il le moindre doute sur la corrélation entre la pauvreté et les émeutes ? Aucun ! C'est donc la pauvreté qu'il faut soigner.
Permettez-moi de vous donner des exemples que vous ne pouvez pas contester.
Dans le grand ensemble de Clichy-sous-Bois-Montfermeil où ont en partie commencé les violences de l'hiver 2005, 41 % de la population est âgée de moins de vingt ans ; le taux de chômage est de 30 %, et il s'élève à 37 % pour les jeunes de quinze à vingt-quatre ans ; 40 % de la population ne possède aucun diplôme ; un tiers des ménages ne possède aucun moyen de se déplacer.
Dans le quartier de la Madeleine à Évreux, 44 % des quinze à vingt-quatre ans sont au chômage. Ils n'étaient que 21 % en 1990. Les salariés précaires représentent 27 % de la population active occupée ; 38 % des ménages n'ont pas de véhicule. Entre 1990 et 1999, le nombre de chômeurs dans le quartier a augmenté de 42 %.