Vous avez formulé une remarque assez claire et je vous fournis donc les éléments de réponse qu'elle appelait.
À l'échelon national, il va être procédé à 1 300 recrutements supplémentaires en 2006, ce qui signifie très concrètement que 80 % des engagements de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, seront ainsi concrétisés.
Parallèlement, nous avons fait le choix d'accompagner les collectivités territoriales et leurs élus. Tous ceux qui ont été sur le terrain pendant les violences urbaines y ont vu des élus déployant toute l'énergie possible pour calmer les esprits, panser les plaies et rendre confiance aux honnêtes gens. Nous avons vu, des hommes et des femmes s'engager sans réserve, s'exposer parfois, non seulement dans leur fonction, mais aussi dans leur personne.
Nous avons aussi mesuré, comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer ici même en réponse à une question d'actualité, le poids du tribut qu'ont payé les collectivités. Les violences urbaines ont fait subir d'importantes dégradations aux équipements et aux bâtiments publics. Les préfectures en ont fait le bilan, qui, comme je l'ai déjà indiqué, se situe entre 50 millions et 60 millions d'euros.
Monsieur Mélenchon, je sais combien la commune de Massy a pu souffrir de ces émeutes, puisque les dégâts recensés s'élèveraient à 1, 9 million d'euros. Plus généralement, pour l'ensemble des collectivités de la région d'Île-de-France, le montant des dégradations serait de l'ordre de 41 millions d'euros.
À cette occasion, je souhaite également attirer l'attention de chacun d'entre vous sur le fait que le Gouvernement est bien conscient qu'il ne s'agit pas uniquement d'un phénomène francilien. Pour ne prendre que l'exemple du département du Jura, monsieur Barbier, les dégâts, sans être comparables, s'élèvent néanmoins à 81 000 euros, principalement sur votre commune de Dole.
La priorité des maires, des présidents d'EPCI, des présidents de conseils généraux ou de conseils régionaux, a été de remettre ces équipements publics en état le plus rapidement possible, pour que les exactions commises par quelques voyous ne privent pas de ces équipements ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin.
La première préoccupation du Gouvernement a donc été d'apporter des réponses rapides, pour faciliter la remise en état de ces équipements. Votre assemblée a ainsi adopté, lors de l'examen de la loi de finances pour 2006, sur ma proposition, un amendement permettant aux collectivités concernées de bénéficier d'un remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, l'année même de la réalisation des dépenses d'équipement qu'elles effectueront en réparation des dégâts causés, par exception à la période de deux ans normalement applicable. Ce dispositif permettra d'apporter une aide en trésorerie aux collectivités territoriales confrontées à des travaux urgents et que, par définition, elles n'avaient pu provisionner.
Par ailleurs, et conformément aux engagements pris par le Premier ministre à l'Assemblée nationale le 15 novembre dernier, j'ai rencontré dès le 12 décembre 2005 les représentants des mutuelles d'assurances afin de leur rappeler, et c'était nécessaire, leurs obligations contractuelles et morales à l'égard des collectivités territoriales assurées auprès d'elles. En outre, j'ai réuni, au mois de février, les représentants des assureurs et ceux des collectivités territoriales. Trois groupes de travail ont été mis en place, en particulier autour des thèmes de l'assurabilité des collectivités territoriales et de la prévention des risques. Ces groupes de travail rendront un rapport d'étape avant la fin du mois de juin prochain.
Enfin, je dois quelques mots d'explication sur la réponse apportée par le Gouvernement à tous ceux qui, du côté des collectivités ou des assureurs, ont souhaité une intervention de l'État au titre de sa responsabilité en matière de maintien de l'ordre. Chacun sait que les opérations sur le terrain sont particulièrement délicates : le nombre de fonctionnaires des forces de l'ordre blessés, que je viens de rappeler, suffit à le démontrer. C'est pourquoi la jurisprudence - et je ne me fais l'écho que de la jurisprudence - ne retient la responsabilité de l'État qu'en cas de faute lourde, et si les autorités ont été averties à temps du danger et se sont abstenues d'agir alors qu'il était possible d'éviter la situation génératrice des dégâts. Ce n'est à l'évidence pas le cas, si ce n'est sans doute pour la commune de Clichy.
Par ailleurs, le code général des collectivités territoriales dispose que « l'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou des rassemblements armés ou non armés ». Là encore, la jurisprudence applique ce principe avec discernement, et exclut les dommages résultant d'opérations de type « commando » perpétrées par des groupes opérant subrepticement et disparaissant une fois leur forfait accompli, les actes de vandalisme réalisés par des personnes qui profitent d'un contexte revendicatif pour commettre des exactions.
Au-delà de ces explications dont je suis conscient qu'elles présentent un caractère juridique, chacun saisit le paradoxe qui aurait consisté, pour le Gouvernement, à prendre à sa charge la totalité des exactions commises, alors même que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour assurer le rétablissement de l'ordre républicain, comme pour interpeller, poursuivre et punir les auteurs de ces faits.
Bien entendu, comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser devant la Haute Assemblée, dans l'hypothèse où le « reste à charge » de certaines communes, après indemnisation par les assurances et remboursement du FCTVA, les placerait en situation de grave déséquilibre financier, il sera naturellement procédé à un examen, au cas par cas, de ces communes, dans le cadre des procédures prévues à cet effet.
S'agissant des dommages subis par les commerçants, je précise, monsieur Goujon, qu'en novembre dernier le ministère des petites et moyennes entreprises a établi un bilan des indemnisations concernant les entreprises : 238 entreprises ont subi un dommage, dont vingt pour un montant supérieur à un million d'euros. À ce propos j'indique que, pour Paris, les violences de ces derniers jours devront être évaluées au plus vite.
S'agissant des dommages subis par les commerces et en particulier des pertes de recettes d'exploitation, qui vous préoccupent au premier chef, le Conseil d'État admet l'indemnisation du préjudice commercial dans l'hypothèse de l'application de la loi 1983, à laquelle je viens de faire référence. Dans le cas contraire, l'indemnisation pourrait être envisagée si le préjudice commercial est anormal et spécial.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand nous aurons rétabli l'ordre républicain dans chacun de nos quartiers, quand nous aurons mis entre les mains de la justice ceux qui terrorisent leurs habitants, quand nous aurons reconstruit les équipements publics nécessaires à la vie collective, nous n'aurons fait, je vous le dis clairement, que le commencement du travail, nous n'aurons assuré que le socle, indispensable mais insuffisant, du grand chantier qui nous attend tous.
Il faut en effet reconnaître, comme vous l'avez dit madame Assassi, que l'échec est vieux de vingt ans. Je vous remercie de cet aveu car il signifie que vous reconnaissez que vous prenez au moins pour moitié votre part dans cet échec puisque, au cours de cette période, la gestion du pays a été assurée pendant au moins dix ans par un gouvernement de gauche auquel vos amis participaient ou qu'ils soutenaient.